Résumé : Nazim fait connaissance avec Nedjma. Il craignait de lui faire peur, mais cette dernière lui assura qu'elle était elle-même passée par une étape pareille. Une chute de quatre étage l'avait non seulement défigurée, mais avait aussi laissé en elle de profondes séquelles physiques et morales. La jeune femme boitait, car une de ses jambes était plus courte que l'autre. Nazim est tout remué. Ils se rendirent au foyer où déjeunaient déjà la plupart des résidents de la clinique. Nazim s'installe à sa table habituelle et invite Nedjma à y prendre place. Ils discutèrent de tout et de rien. Nazim tente de retenir la jeune femme plus longtemps, mais elle semblait préoccupée et s'empresse de se lever à la fin du déjeuner : - Je dois vous laisser… J'ai une séance de massage dans un quart d'heure. Merci de m'avoir tenu compagnie, c'était très sympa de votre part. Nazim se lève à son tour : - Attendez… Ne partez pas comme ça… Heu… j'aimerais avoir vos coordonnées. Nous… Nous pourrions devenir amis. N'est-ce pas dans le malheur que les êtres se rapprochent davantage ? Nedjma hoche la tête : - C'est ce qu'on dit. Mais comme je viens deux fois par semaine dans cet établissement, il n'est nul besoin pour nous d'échanger nos coordonnées. Nous pourrions nous revoir facilement tous les samedis et les mercredis. - Parfait. Je m'y ferai alors à ces rendez-vous. Vous… Vous pouvez par contre me retrouver soit dans le jardin, soit dans ma chambre. Je vais me faire opérer dans quelques jours. On me prépare pour un second passage sur le billard. - Alors le jour où je ne vous verrai pas au jardin, je comprendrai que vous êtes alité. - Très bien. Je serais heureux de vous revoir Nedjma. - Moi aussi Nazim. Ce fut un agréable moment ce déjeuner. Elle s'éloigne en boitillant et le jeune homme la suit des yeux. Il voulu la rappeler. Il tendit son bras, puis le laisse retomber. à quoi cela servirait-il. Cette femme ne voulait rien dévoiler de sa vie. Pas encore en tous les cas. Elle n'avait pas posé trop de questions sur la sienne non plus. Est-ce une hésitation ? Ou le moment était-il mal choisi ? Certes, ils venaient à peine de se connaître, mais Nazim avait l'impression de la connaître depuis une éternité. Il passe sa main sur la tête et se dit que la solitude devait lui peser plus qu'il ne le pensait. Deux jours plus tard, Dr Lyès revint le voir pour lui annoncer qu'il était programmé pour sa deuxième “séance”. Cette fois-ci, une greffe de peau serait nécessaire afin de colmater le creux du menton et le cou. Les tissus adipeux qu'ils allaient prélever serviront aussi à regonfler le pourtour des lèvres. Nazim écoutait les explications du médecin calmement. Cette fois-ci, le scalpel ne lui faisait pas peur. Il avait repris beaucoup de son assurance et ne comptait pas lâcher prise. Il certifie au médecin qu'il était prêt à tout ce qu'il pouvait envisager pour lui. La seule chose le préoccupait encore, c'était le temps que mettrait ce nouveau visage dont on lui faisait les éloges pour prendre forme. Le médecin le rassure encore. Tout prendra forme en temps voulu. La patience est toujours récompensée. Il lui avait présenté des opérés qui passaient de temps à autre dans son service. Des opérés qui, comme lui, étaient passés par l'enfer. Nazim avait écouté leur récit et sentit leur désespoir. Mais aussi leur bonheur d'avoir retrouvé un visage comme les autres. Un “titre” pour leur corps et leur âme. Quelques-uns avouèrent qu'ils n'avaient jamais cru en la chirurgie esthétique. Leurs blessures étaient trop profondes pour se cicatriser. Mais à chaque cas son remède. Et le meilleur allié était la patience. Nazim retrouve Nedjma au jardin le samedi suivant. Cela fait déjà plus de deux semaines qu'ils se connaissent et ils se sont découverts beaucoup d'affinités. - Je vais me faire opérer dans une quinzaine de jours. En premier lieu, on va procéder à un prélèvement de peau. - Je sais tout cela. Tu oublies que j'ai déjà subi toutes ces opérations. - Je n'oublies rien. Je voulais juste te prévenir. - Même si tu ne m'avais pas prévenue, je l'aurais su. Dr Lyès me l'aurait dit. Nazim l'interroge des yeux. Elle poursuit : - Dr Lyès me parle beaucoup de toi. Il a dû nous surprendre ensemble lors de nos promenades dans le jardin. Il a une grande estime pour toi Nazim et il espère te redonner ce visage dont tu rêves. - Que te raconte donc Dr Lyès ? Il ne devrait pas trop t'embêter par de telles considérations. - Cela ne m'embête pas du tout. Au contraire, j'aime beaucoup l'entendre parler de ses patients. Dr Lyès est un passionné. Il adore son métier et ne lésine sur aucun effort pour réussir dans ses tentatives. C'est un homme au grand cœur. Un homme qui ne vit que pour son métier et sa famille. - Je sais qu'il est passionné par son métier. Tu ne m'apprends rien là-dessus Nedjma. Mais ce médecin, ce faiseur de miracles, est seul ! Ne ressens-tu pas donc sa solitude ? (À suivre) Y. H.