En première ligne, le président sortant face au socialiste François Hollande. La frontiste Marine Le Pen et le centriste François Bayrou tenteront de brouiller les cartes. La course présidentielle française de 2012 est officiellement ouverte par l'entrée dans le bal de Nicolas Sarkozy, qui veut son second mandat. En première ligne de l'épreuve, le président sortant face au socialiste François Hollande, alors que la frontiste Marine Le Pen et le centriste François Bayrou tenteront de brouiller les cartes. Déjà en campagne sans le dire depuis le début de l'année et bien avant, Sarkozy a accentué son “duel” contre Hollande depuis son entrée officielle mercredi dans la course pour la présidentielle des 22 avril et 6 mai. La campagne bat d'ores et déjà son plein, car le Président sait qu'il doit coûte que coûte rattraper l'envol de son adversaire, largement favori dans les sondages, s'il veut garder les clefs de l'Elysée pour un autre mandat de cinq années. Sarkozy, qui a juré avoir changé et bien compris les exigences des Français quant à la fonction présidentielle, démultiplie ses déplacements, espérant ainsi voler la vedette à son adversaire socialiste qui tient lui aussi de grandes réunions publiques. Hollande, moins “mou” qu'il ne paraissait, est resté de marbre face à la stratégie tous azimuts du président sortant. “Chacun savait déjà que Sarkozy était candidat, ça ne change rien à la situation, ça ne change rien à ma propre campagne”, a-t-il aussitôt réagi à la montée en cadence de Sarkozy qui, après avoir inauguré son premier bain de foule en tant que candidat à sa propre succession, va se frotter à la frondeuse Marseille dimanche. Dans la seconde ville de France, il escompte mesurer l'écho de ses nouvelles promesses sur les étrangers et l'immigration. La région marseillaise est, en effet, une sorte de laboratoire de l'extrême droite lepéniste. Région par excellence de pieds-noirs et d'anciens immigrés européens, la région PACA a toujours vibré pour Le Pen, et si celui-ci n'est pas arrivé à se fixer dans les institutions, c'est tout simplement faute de régime électoral. Lorsque Mitterrand avait voulu casser des communistes et la droite traditionnelle, il avait introduit un zest de scrutin à la proportionnelle et le Front national avait pu ainsi obtenir des sièges et des mairies. Ça, ni Sarkozy ni les socialistes ne sont prêts à le renouveler. Au contraire, l'UMP et le PS ont accordé leurs violons pour rendre extrêmement difficile à Marine Le Pen, candidate du FN, la récolte des 500 parrainages de maires nécessaires pour concourir à la présidentielle. À Marseille, il y a aussi le gisement de l'électorat de l'immigration du Sud, des Maghrébins notamment, mais leurs voix risquent de se perdre, car mêmes ceux qui votaient pour la gauche ne se hasarderont pas à le faire cette fois-ci. Les socialistes ont déçu ces Français d'origine et de culture musulmane que le soldat droitiste de Sarkozy, Claude Guéant, a mis dans son collimateur. Sarkozy pense que son ministre de l'Intérieur et des Cultes va lui capter les électeurs de l'extrême droite, les nostalgiques de l'Algérie française dans la région PACA. Marine Le Pen n'est pas inquiète, selon la fille du lieutenant de la guerre contre l'Algérie qui a bâti son image sur l'anti-algérianisme, les classes populaires préfèrent l'original à la copie. Cette fois et toujours pour montrer que le Sarko version 2007 est enterré, Sarkozy ne s'est entouré que de Français, selon ses critères “pur jus”, à l'image de sa ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, désignée porte-parole de campagne. Elle est bien blanche. Fini l'époque de la France pluriculturelle représentée par les Rachida Dati, Rama Yade et Fadela Amara et voulue par Sarkozy, malgré les récriminations de son propre camp. Quoi qu'il ait fait pour montrer qu'il a changé, qu'il a abdiqué et qu'il s'est moulé dans le corpus de la France franchouillarde, Sarkozy a entamé l'une des reconquêtes les plus difficiles pour un président sortant. C'est souligné par le quotidien Le Figaro, le représentant emblématique de la droite. Avec 25% des intentions de vote au premier tour du 22 avril, il ne décolle pas dans les sondages. Il est encore donné largement distancé par Hollande (30%), et il reste menacé par la candidate d'extrême droite Marine Le Pen (17,5%). Au deuxième tour, il est sévèrement battu par le candidat socialiste (57,5%), selon les derniers sondages. Pourtant, Sarkozy a bâti la campagne de sa réélection sur son opposition au droit de vote des étrangers (hors Union européenne), donc aux ressortissants du sud de la Méditerranée, cette région où il s'est fait le chantre des révolutions contre les dictatures, et des appels aux valeurs du travail, de la famille. Il a aussitôt été accusé par ses adversaires de “braconner sur les terres de la droite extrême”. Et Hollande en a profité pour mieux marquer sa différence. “Le rôle d'un candidat, ce n'est pas de faire du bruit, ce n'est pas de diviser, ce n'est pas de stigmatiser, ce n'est pas d'opposer, ce n'est pas de désigner un adversaire en plus dans le pays”, a-t-il commenté, promettant de nouveau, s'il était élu, de “réunir tous les Français”. Pour se satisfaire, Sarkozy a enregistré le ralliement de Christine Boutin, représentante du courant de la droite chrétienne, qui a salué les valeurs françaises qu'elle porte avec le président sortant, et celui de l'ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, du centre droit. Les deux ralliés ont des voix insignifiantes. Le candidat socialiste peut à l'inverse se féliciter d'être jugé plus crédible sur sa capacité à mettre de l'avant une politique sociale susceptible de répondre aux besoins de la population. Il est vu comme étant plus proche des préoccupations quotidiennes des Français que Sarkozy, mais c'est un résultat assez classique pour un politicien de gauche. Car ce n'est pas encore tranché dans la tête des électeurs. Sarkozy le sait et va jouer là-dessus. La guerre des mots est engagée. Sarkozy s'en est violemment pris au favori des sondages, l'attaquant sur un programme “qui affaiblit la France” selon lui, sans toutefois dévoiler le sien. Il accuse le socialiste d'être “un menteur invétéré”, pilonne consciencieusement plusieurs de ses propositions et l'associe au bilan désastreux qu'il dresse des mesures phares pour les socialistes, comme la retraite à 60 ans, renvoyant la famille socialiste aux “vieux démons de l'idéologie”. La France vivra d'ici le scrutin d'invectives et de coups de sang. À qui terrassera son rival. D. B