Le Mouvement du 20-Février, né il y a juste un an dans le sillage du Printemps arabe, a organisé hier des manifestations dans plusieurs villes du Maroc pour exiger plus de démocratie et de justice sociale, malgré l'arrivée d'un gouvernement islamiste qui se dit lui-même réformiste. Pour marquer ce premier anniversaire, des sit-in et des manifestations pacifiques ont été prévus en fin d'après-midi à travers le royaume à l'appel de ses dirigeants. Mais au fil des mois, l'élan puissant au départ et la mobilisation de ce mouvement contestataire, une coalition hybride d'activistes, d'étudiants et de travailleurs, se sont émoussés, les manifestations ne rassemblant plus que quelques milliers de personnes, et seulement dans les grandes villes. Pourtant, le mouvement, qui réclame notamment une monarchie parlementaire à l'image de l'Espagne, mais aussi l'éradication de la corruption, fait désormais partie du paysage politique marocain et son action est reconnue comme ayant été importante dans l'évolution politique du Maroc depuis un an. En effet, le M20 comme on l'appelle, a contribué au Printemps arabe “version marocaine”. Dans la foulée des révoltes en Tunisie et en Egypte, son action dans la rue via des manifestations massives a contribué au processus qui a amené le roi Mohammed VI à amorcer un train des réformes — jugées insuffisantes par le M20 —, et l'adoption d'une nouvelle Constitution en juillet. Et à peine quelques mois plus tard, des législatives anticipées donnaient en novembre la victoire aux islamistes modérés du Parti justice et développement (PJD). “Le M20-Février a joué un grand rôle dans les réformes au Maroc”, a reconnu Saâd-Eddine Othmani, le ministre des Affaires étrangères et un des dirigeants du PJD, dans une déclaration au site Internet Goud.ma. M. Othmani a toutefois souhaité “un renouveau du discours et des moyens” du mouvement pour qu'il puisse “continuer de peser sur les évènements à l'avenir”. Après sa victoire aux législatives, le chef du PJD et du nouveau gouvernement, Abdelillah Benkirane, a appelé au “dialogue au plus tôt” avec le M20. Mais l'appel est resté lettre morte, le mouvement craignant probablement une manipulation du pouvoir. Le mouvement avait appelé au boycott des dernières élections et du référendum constitutionnel, une attitude reprochée par certains de ses sympathisants. “Il ne s'agit pas de savoir si le gouvernement doit dialoguer avec le M20 car ce n'est pas un parti avec des organes de décision. C'est un mouvement de contestation qui veut la justice sociale dans un pays où les inégalités sont criantes”, estime Omar Balafrej, président de la Fondation Abderrahim-Bouabid, un think tank marocain pour la démocratie, et sympathisant du mouvement. Selon lui, “le gouvernement serait bien avisé de prendre l'initiative d'ouvrir un vaste débat pour un nouveau contrat social avant qu'il ne soit trop tard. Il y a des villes aujourd'hui qui connaissent des tensions profondes”, liées au chômage et aux difficiles conditions de vie. “Grâce au M20, on a vu l'émergence d'une nouvelle génération de jeunes militants qui sont prêts à prendre leur destin en main, et à construire un autre Maroc”, ajoute cet ingénieur. En outre, l'émergence du Mouvement de contestation a brisé de nombreux tabous en libérant la parole et en la portant dans la rue. Cependant, les défis restent immenses. Et face au M20, le gouvernement islamiste reste confronté à des tensions sociales, parfois marquées par des affrontements violents entre forces de l'ordre et manifestants, sur fond de fort chômage des jeunes aggravé par la crise financière de l'Europe, partenaire indispensable du Maroc. R. I./Agences