Même si ses initiateurs restent convaincus de la possibilité de conclure un accord électoral entre les différentes formations islamistes qui activent sur la scène politique, cette initiative n'a, selon des observateurs politiques avertis, aucune chance de se réaliser en raison des profondes divergences et des litiges historiques existant entre les différents acteurs islamistes. Encouragés par les victoires enregistrées par leurs homologues en Tunisie, en Egypte et au Maroc, les islamistes algériens croient dur comme fer que leur heure a sonné. Pas moins de cinq formations se réclamant de ce courant tentent de s'organiser et de se rassembler autour d'un minimum et présenter ainsi des listes communes à travers les quarante-huit wilayas du pays. Plusieurs réunions ont été tenues ces derniers jours et un débat a été engagé entre les différents acteurs politiques de ce courant pour tenter d'aboutir à un accord électoral qui pourrait être signé par toutes les formations islamistes. L'initiative de regroupement électoral des islamistes est conduite par certains anciens députés du mouvement d'Ennahda et à leur tête Azzedine Djerrafa et certains prédicateurs. Selon certaines informations, un conclave, qui regroupera les représentants du MSP de Soltani, du FC de Menasra, Ennahda de Rebaï, Islah avec ses deux ailes et le FAN de Benabdeslam, est d'ailleurs prévu ce week-end à Alger pour poursuivre les discussions sur cette option chère aux initiateurs du projet. Ces derniers évitent de trop communiquer sur cette question pour ne pas d'abord ébruiter leur démarche et ensuite donner plus de chances au projet de se réaliser. Excepté Djaballah qui prend ses distances avec ce regroupement, toutes les autres formations islamistes, anciennes ou en voie de constitution, se sont engagées dans cette démarche. Le président du Front pour la justice et le développement (FJD), Abdallah Djaballah, qui a tenu la semaine dernière son congrès constitutif à Alger, ne veut pas s' impliquer car il se considère comme le leader et le principal acteur de la mouvance islamiste à Alger. Il est convaincu de rafler la majorité des sièges et d'arriver en tête de peloton le 10 mai au soir. Les initiateurs du rassemblement des islamistes ne désespèrent pas de le voir revenir sur ses positions. Ce vœu des promoteurs du rassemblement électoral des islamistes ne risque pas de se réaliser pour des raisons politiques et historiques. Il est utile de rappeler que l'ex-candidat à la présidentielle de 2004 refuse de siéger et participer aux réunions aux côtés de Fateh Rebaï, Akkouchi, Miloud Kadri, Djamel Benabdeslam et Djahid Younsi qui étaient sous sa coupe à un certain moment. Ce sont ces responsables qui ont chassé Djaballah de la présidence des formations d'Ennahda et d'El-Islah. Le président du FJD ne reconnaît pas ses anciens collègues et subordonnés, préférant les ignorer. Sans oublier que l'un des initiateurs de ce projet de liste islamiste unie n'est autre que l'ancien proche collaborateur de Djaballah dans les années 1990. Azzedine Djerrafa a été parmi les 34 députés du mouvement d'Ennahda durant les élections législatives du 5 juin 1997. Cette défection de Djaballah va profiter, à coup sûr, à l'autre parti islamiste, le MSP en l'occurrence. Agissant en tacticien, Abou Djerra Soltani espère tirer plus de dividendes de cette alliance pour tenter de se replacer et se présenter ainsi comme le chef de file de ce rassemblement en l'absence de son rival de toujours, Djaballah, qui fait cavalier seul. Ayant quitté l'Alliance présidentielle en décembre dernier, le parti de Soltani veut jouer les prolongations et réaliser ce qu'il n'a pas obtenu durant le match. Abou Djerra Soltani, dont le parti siège toujours au gouvernement, tente de se refaire une virginité politique à travers un discours d'une rare virulence contre ses anciens collègues, allant jusqu'à renier le bilan du gouvernement dont il était l'un des acteurs pendant des années. Tout en participant aux réunions sur la liste unie, le MSP surfe sur toutes les vagues. Fidèle à sa politique, il garde plusieurs fers au feu pour ne rien rater. C'est dans ce sens qu'il faut inscrire son appel pour la constitution d'un front contre la fraude. À travers cette initiative, l'ancien ministre d'Etat sans portefeuille espère ainsi aboutir à la mise en place d'une structure qui rassemblera au-delà de sa famille politique. Une manière comme une autre de soigner son image à l'extérieur mais aussi de se démarquer des autres islamistes radicaux en se présentant comme le chef d'une aile modérée à l'image du mouvement Ennahda en Tunisie et du PJD au Maroc. Le président du MSP, qui se voit déjà dans la peau du vainqueur, veut faire de ce rassemblement des islamistes le tremplin pour lui et sa formation. Même si ses initiateurs restent convaincus de la possibilité de conclure un accord électoral entre les différentes formations islamistes qui activent sur la scène politique, cette initiative n'a, selon des observateurs politiques avertis, aucune chance de se réaliser en raison des profondes divergences et des litiges historiques entre les différents acteurs islamistes. Cette démarche va connaître le même sort que les précédentes. Au début du multipartisme à la fin des années 1980, les islamistes avaient tenté vainement de se rassembler dans une seule structure pour accaparer des institutions. Le même scénario va se produire, estiment des observateurs et les spécialistes des mouvements islamistes. M. A. O.