La situation est un peu cocasse : parmi les maigres concessions de l'autoritarisme à la démocratie, dans l'intervalle de la campagne électorale, les ministres n'ont pas le droit d'aller en visite de travail dans les wilayas où ils sont candidats. Qu'à cela ne tienne, ils se présenteront à Alger. Voyons comment ils se battent tous pour être sur les listes de la capitale. On ne pourra pas leur reprocher d'y aller ; ils y sont déjà. Autre avantage : ce sera probablement la circonscription qui comptera le plus grand nombre de sièges ; il y en aura donc pour tout le monde ou presque. Autre avantage encore : si dans les circonscriptions de province, la distance rend plus aléatoire le résultat de la fraude, Alger est directement maîtrisable et les responsables peuvent contrôler, pratiquement en temps réel, le déroulement du scrutin et la trituration des bulletins de vote. À Alger-Centre, l'on a même pu filmer les opérations de fraude et en faire un documentaire à succès sur une chaîne “culturelle”. Justement, la ministre de la Culture qui, à l'époque, était du côté des victimes de la fraude, en sait quelque chose pour avoir participé à la mise en boîte du forfait. C'est ce personnel, déjà engagé dans les bagarres, les manœuvres et les transactions autour des positions les plus sûres dans les listes électorales, qui nous appelle à des élections qu'il jure transparentes, cette fois-ci. Qu'il commence par bannir la culture de la manœuvre, du rapport de force et de l'arbitraire dans la gestion des questions organiques ! Et l'on pourra alors considérer la virtualité de leur impartialité dans la gestion de la vie publique. Les responsables de formation au pouvoir qui trouvent, d'ailleurs, une certaine fierté à désigner leur parti comme des “machines électorales”, avouant, dans un élan d'arrogance récurrent et propre aux appareils de pouvoir, qu'ils doivent leurs scores aux performances de leurs machines électorales plutôt qu'à l'adhésion que leurs programmes suscitent auprès des électeurs. En fait, le mécanisme consiste en une imbrication fonctionnelle des partis et des institutions, transformées pour la circonstance en organes communicants unis dans une même opération de travestissement de la volonté populaire. Le jour du vote est un jour de mobilisation… politique, aussi bien pour les partis, syndicats et organisations “officiels” que pour les administrations et les corps constitués. Le service public, loin d'en être la finalité, devient un prétexte à cette animation partisane de tout un Etat. Nos responsables essaient de résoudre dans la discrétion cette bataille des listes. La guerre des sièges et des postes a ses règles : les gesticulations ambitieuses sont tolérées jusqu'à un certain point, jusque-là où elles commencent à remettre en cause l'homogénéité du système. Sinon, c'est la sanction de la touche qu'ont connue les Bambou ou autres Benbaïbèche, ou le bannissement que connaît Benflis. Mais, justement, ce sont ces ambitions individuelles et claniques qui organisent le fonctionnement global de l'Etat. Elles fondent l'équilibre en lui procurant une espèce de solidarité antidémocratique. Pour rentrer dans cette bataille, il faut faire partie de ce système, sinon on fait partie des élément exogènes éligibles… à l'exclusion par le procédé des entraves bureaucratiques et de… la fraude. M. H. [email protected]