Suspicions chez les démocrates américains à moins de quatre mois des élections présidentielles, qui craignent de voir se rééditer le scénario de la Floride de 2000, où Bush avait arraché au forceps la clé de la Maison-Blanche. Les supporters de John Kerry, que les sondages donnent talonnant d'une tête le locataire de la Maison-Blanche, le républicain Bush, agitent le spectre d'une répétition du fiasco de 2000 en Floride, affirmant que les machines de vote fonctionnent mal et que des milliers de personnes risquent d'être exclues des listes électorales. John Kerry prend la chose au sérieux, déclarant avoir pris les devants. Le candidat démocrate assure être prêt à une bataille juridique au cas où la situation de Floride en 2000 se répétait. De nombreux démocrates continuent à affirmer que les bulletins de vote ont été mal comptés en Floride, en raison de la vétusté des machines de vote. Pour eux, relevant que cet Etat est gouverné par son propre frère, George W. Bush “a volé la victoire” au démocrate Al Gore. Retour en arrière. La proclamation du résultat de la présidentielle de 2000 avait dû être retardée de plus d'un mois. Saisie, la Cour suprême avait finalement déclaré George W. Bush vainqueur, grâce à un avantage de seulement 537 voix dans un comté du sud de la Floride. Jurant empêcher une situation de ce genre, les démocrates avertissent : cette fois, nous ne resterons pas les bras croisés à attendre que cela arrive. Kerry a même annoncé la mise en place des équipes d'avocats ! La commission fédérale indépendante des droits civiques a déjà demandé aux autorités de Floride d'enquêter sur une opération de révision des listes électorales qui, selon elle, pourrait avoir eu pour but de priver de leur droit de vote certains électeurs. Des noirs pour la plupart et très montés contre les républicains, en général, et le président Bush, en particulier. La Floride est l'un des six Etats américains interdisant aux ex-détenus de voter, à moins qu'une commission électorale ne leur reconnaisse expressément ce droit. Les autorités auraient donc dressé une liste des personnes considérées comme des repris de justice, ce qui leur interdirait de voter. La presse de l'Etat de Floride a, pour sa part, relevé qu'un nombre anormalement élevé de noirs, souvent démocrates figuraient sur cette liste, alors que seulement 61 hispaniques y étaient inscrits. Or, en Floride, contrairement aux noirs, les hispaniques penchent fortement dans le camp républicain. Devant le tollé des démocrates, le gouverneur Jeb Bush, le frère du président, a annoncé avoir renoncé à la liste contestée, affirmant que l'Etat a corrigé son erreur et replacé les 48 000 noms en question sur les listes électorales. Le gouverneur a beau se défendre de toute mauvaise intention, expliquant qu'il s'agissait d'erreurs dues à la faiblesse des moyens, son initiative n'a pas suffi à dissiper les inquiétudes des démocrates fortement relayées par celles de la commission des droits civiques, pour qui la manœuvre est en soi un délit, une violation des droits civiques. Peu convaincu, son président, Edley, a estimé qu'il ne s'agit pas là seulement d'une bureaucratie manquant de moyens, mais de la privation d'un droit civique fondamental. En 2000, des milliers d'électeurs, dont de nombreux noirs, avaient été inscrits par erreur sur des listes d'anciens condamnés. En outre, des groupes de défense des droits civiques affirment que des afro-américains ont également été empêchés, à tort, de voter dans certains endroits. “Ne nous dites pas que dans la plus forte démocratie du monde, on ne puisse faire mieux que d'avoir un million de noirs rayés des listes électorales et d'organiser l'élection la plus faussée de notre histoire”, a lancé John Kerry, la semaine dernière, en référence à la présidentielle de 2000, dans un discours devant la principale organisation de défense des droits des noirs : la Naacp. Les responsables de l'organisation des élections en Floride font valoir que les nouvelles urnes électroniques, avec écran tactile, vont remplacer les machines à cartes perforées utilisées en 2000, précisant qu'elles ne sont toutefois pas infaillibles. D. B.