Le directeur de l'AADL a été reçu, jeudi matin, par le ministre de l'Habitat qui lui a signifié son limogeage. Le ministre n'était pas au courant des raisons du départ de Bounafaâ. Cette décision, selon ses termes, est “venue d'en haut”. Elle intervient à quelques semaines de la livraison de 10 000 logements AADL. L'absence de réponse sur cette mise à l'écart invite à toutes les supputations. On soupçonne le Président de vouloir utiliser le succès de l'AADL à des fins électoralistes. Des sources affirment, en effet, qu'un différend avec le wali de Blida est à la source du limogeage. Hier, le successeur de Bounafaâ n'était pas encore connu. Et aucune réaction de la tutelle n'est venue justifier la décision. Les dessous du limogeage du directeur de l'AADL Un détournement politique L'information se précise, le directeur général de l'AADL a bel et bien été limogé par les cercles proches du président de la République. Nos sources indiquent que le désormais ex-DG de l'aadl, M. Lazhar Bounafaâ, dont il faut souligner qu'il est natif de Batna, “malgré lui, fait les frais d'une lutte de clans acharnée où le régionalisme a pris le dessus sur tout autre considération”. Il s'agit d'un acte purement politique, indique encore notre source, “car, jamais un projet de réalisation de logements n'a eu une telle envergure”. Et d'ajouter que même le ministre de l'Habitat, qui a eu l'ingrate tâche de relever Bounafaâ, n'a jamais été aussi embarrassé. Hamimid a déclaré : “C'est la première fois que je relève un cadre sans motif et sans raison”, selon des cadres rencontrés au ministère de l'Habitat qui ne comprennent pas comment “un homme qui a pratiquement réussi le pari de relancer l'espoir du logement chez des centaines de milliers de cadres peut être sacrifié aussi facilement”. Plus grave encore, des instructions fermes auraient été données pour que “Bounafaâ quitte son bureau au plus tard samedi (hier, ndlr)”, alors que la décision a été prise jeudi. L'homme devenait politiquement gênant et il avait entre les mains une carte électorale d'une inestimable valeur : 10 000 logements à travers 40 wilayas prêts à la livraison pour les quelques semaines à venir. Et cela sans compter le stock des 45 000 autres logements en cours de réalisation ou en projet. Pourquoi relever un cadre qui a fait l'unanimité dans sa conduite du projet location-vente qu'il mènera en dépit de tout jusqu'au bout ? Pourquoi donc est-il écarté à la veille d'une importante et inédite livraison, attendue en principe pour décembre ? Le bilan de l'homme est fort éloquent pour laisser passer quelque argument sur sa compétence. Nous avons tenté de joindre Bounafaâ pour essayer de comprendre, mais l'homme est resté introuvable, sûrement perdu dans une incompréhension ravageuse, lui qui déclarait toujours : “Ma satisfaction unique est de voir ces simples citoyens bénéficier de ces logements. Moi, je suis au service du pays et non au service des hommes.” Hormis son lieu de naissance (Batna) devenu politiquement incorrect, Bounafaâ, rappellent nos sources, a récemment vécu un incident qu'il serait important de relater. En effet, le wali de Blida, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aurait, au cours d'une prise de bec avec le dg de l'aadl, lancé à l'encontre de ce dernier : “C'est moi qui vais te relever.” L'incident s'est passé il y a une quinzaine de jours. Faut-il donc comprendre que c'est l'influence du wali de Blida qui a eu raison du parcours “exemplaire” de Bounafaâ qui, en fin de compte, délivre sur un plateau en or l'entreprise location-vente dont l'exploitation à des fins électoralistes se précise davantage ? Entre l'échéance de livraison, décembre, et celle de la présidentielle, avril, Bounafaâ semble épouser parfaitement la position d'un homme qu'“on a utilisé pour ensuite l'écarter, car son succès devenait trop gênant en ce qu'il pouvait mobiliser comme capital sympathie”. Qui a donc ordonné son limogeage ? Le Président ? Son frère Saïd ? Les supputations se multiplient, d'autant que le ministère dont dépend Bounafaâ est loin d'avoir été à l'origine de cette mesure qui a fait l'effet d'un véritable séisme, accentuant le sentiment de vulnérabilité de ces cadres qui tentent de se soustraire aux pressions politiques. Bounafaâ a-t-il refusé de composer et de se plier aux injonctions ? La fierté de l'homme qui l'a poussé jusqu'à déranger des intérêts certains à enjeux juteux lui a-t-elle été fatale, notamment après que l'Aadl eut rappelé à leurs obligations contractuelles les entreprises chinoises engagées sur ses chantiers ? Surtout qu'il s'agit d'entreprises connues pour être intouchables, à l'image de la Cscec qui active en Algérie dans plusieurs chantiers et dont on dit qu'elle jouit d'une protection de haut niveau. D'autres lectures, en revanche, penchent vers cette thèse qui veut qu'à l'approche de l'ultime échéance, la présidence veut contrôler directement la livraison et la suite de la formule Aadl. Il n'est donc pas exclu, après l'entv et l'aps, que Bouteflika affiche ses ambitions pour le poste de directeur général de l'Aadl, devenue aujourd'hui autre chose qu'une institution de promotion immobilière. Là, elle est vue comme une institution de promotion électorale. Cela justifie-t-il pour autant qu'un cadre de l'envergure de Bounafaâ soit écarté sans le moindre remerciement ou marque de gratitude pour le travail qu'il a fourni ? Lui que les Chinois redoutent pour ses visites d'inspection nocturnes et inopinées vient de faire l'objet “d'une hogra d'un nouveau genre”. Aussi, il n'est pas exclu que l'Aadl fonctionne sans directeur général, et tout semble indiqué que, dans les calculs de la présidence, la livraison des logements programmés sera placée sous la responsabilité des walis et sous leur seule appréciation. Le vivier électoral n'en sera que mieux placé entre les mains des acteurs de la campagne électorale. Voilà comment on bourre de politique des logements à peine achevés et comment on achève un homme qui aura sacrifié ses énergies juste pour les besoins de la cause sociale. A. W.