Les Syriens sont appelés aujourd'hui, dans un climat de violences sans précédent, à se prononcer par référendum sur une nouvelle Constitution, qui supprime la prééminence du parti Baas mais maintient de très larges prérogatives au chef de l'Etat. Ce projet de Constitution s'inscrit dans le cadre des réformes promises par Bachar Al-Assad pour tenter de calmer la contestation, mais l'opposition qui réclame avant tout le départ du président, a appelé à boycotter le vote. Les “Amis de la Syrie”, réunis vendredi à Tunis, ont qualifié ce référendum de plaisanterie, alors que la répression a fait au moins 7 600 morts et que les violences ne s'apaisent pas après plus de 11 mois de révolte. En supprimant l'article 8 de la Constitution de 1973, qui stipule que le parti Baas “est le dirigeant de l'Etat et de la société”, le nouveau texte ne fait qu'ouvrir la voie au pluralisme politique, a néanmoins précisé le quotidien officiel Al-Baas qui a assuré que l'ouverture ne sera pas une perte pour le parti. En outre, le chef de l'Etat garde de larges pouvoirs puisque c'est lui qui choisit le Premier ministre et le gouvernement, indépendamment de la majorité parlementaire, et qu'il peut rejeter des lois proposés par ce Parlement pluraliste. Le “boucher” de Damas n'innove pas en la matière, son pluralisme sera de façade, comme chez ses pairs de la Ligue arabe. L'article 88 indique que le président ne peut être élu que pour deux septennats, mais l'article 155 précise que ces dispositions ne s'appliqueront qu'à partir de la prochaine présidentielle prévue en 2014, ce qui permettra à Bachar Al-Assad, s'il n'est pas chassé par le “printemps syrien” de rester au pouvoir encore 16 ans ! Sa nouvelle Constitution maintient aussi les dispositions de l'article 3 selon lesquelles le président doit être musulman et la jurisprudence islamique l'une des principales sources de la législation. Un pied de nez aux formations laïques et aux minorités confessionnelles en général proches du pouvoir et qui l'ont soutenu dans sa répression tout au moins jusqu'à ces dernières semaines. La situation est ubuesque. Comment Bachar Al-Assad pense mobiliser les 14 millions d'électeurs dont les sunnites qu'il combat avec des armes de guerre et qui représentent environ 75% de la population ? Les alaouites, confession du régime, ne sont que 12% de l'électorat et le reste des différentes communautés, chrétiens, druzes et kurdes, 20. Les affiches ne sont placardées que dans la capitale. Ailleurs, c'est la guerre et les comités de coordination locaux, qui animent la contestation sur le terrain, ont appelé au boycott et à la grève dimanche dans tout le pays, car “le régime cherche par ce biais à cacher ses crimes”. Et puis, les textes constitutionnels ont toujours eu une importance très relative dans l'organisation du système politique syrien, dominé par les services de renseignement, et il n'y a aucune raison que cela change tant que le régime actuel est en place. C'est la même problématique dans le monde arabe et les pays qui ont subit la vague du “Printemps arabe” n'ont pas encore fait la preuve de changements radicaux dans la voie de la démocratie. Pour l'instant, ces derniers ont accouché de Parlements aux couleurs islamiques. D. B