Suite à sa mission dans la région du Sahel au mois de décembre 2011, la délégation onusienne a rendu un rapport dont le secrétaire général Ban Ki-moon a adressé une copie au président du Conseil de sécurité. La mission de l'ONU s'est rendue dans les pays du champ ainsi que des pays de l'Afrique de l'Ouest où elle s'est entretenue avec des responsables ainsi que la société civile. Son constat de la situation sécuritaire et socioéconomique est que la persistance des choses en l'état actuel comporte un risque d'explosion et d'une catastrophe humanitaire. à la crise alimentaire et nutritionnelle due à la faible pluviométrie de l'année 2011, la situation sécuritaire précaire avec la présence et les activités des groupes terroristes d'Aqmi sont venues se greffer les conséquences du conflit en Libye. D'une part le retour massif de travailleurs, soldats et ou mercenaires suite à l'éclatement de la révolte, de l'autre la prolifération des armes issues des stocks de l'armée régulière libyenne après la chute de Kadhafi. La mission évoque des armes lourdes et sophistiquées, des missiles sol-air et portables ainsi que des explosifs. Selon l'organisation internationale de migration, 209 030 personnes, dont 90% des hommes, ont quitté la Libye pour rentrer au Niger, au Mali et en Mauritanie. Recensement qui remonte au 15 décembre 2011. Ce qui complique davantage la situation dans ces pays déjà éprouvés par le problème de malnutrition. La crise libyenne, facteur d'aggravation Le risque demeure malgré les mesures prises par les états au niveau national ou régional tant les besoins ont augmenté avec le retour de ceux qui étaient en Libye, en plus de la difficulté à acheminer les produits alimentaires en raison de l'instabilité que fait peser Aqmi. L'option aérienne semble la plus adaptée pour ce faire, mais là aussi, la prolifération des armes en provenance de Libye dont une partie pourrait tomber entre les mains d'Aqmi. Selon le rapport de la mission qui a entendu des responsables et des experts sur le terrain, “un grand nombre d'armes et de munitions provenant des stocks libyens sont entrées clandestinement dans la région malgré les mesures prises pour contrôler les frontières”. “Ainsi ont été introduits par contrebande des roquettes, des mitrailleuses équipées de viseur aérien, des fusils-mitrailleurs, des grenades, des explosifs (Semtex) et des pièces d'artillerie antiaérienne légère (calibres légers bitubes) montés sur véhicules.” Rien n'exclut alors que ces armes soient vendues aux terroristes d'Aqmi, Boko Haram ou d'autres organisations criminelles. Cela est d'autant plus vrai que le trafic d'armes a augmenté dans la région sans compter celles interceptées au Niger et en Algérie ainsi que celles récemment découvertes cachées dans le sable. Le rapport recommande d'ailleurs le renforcement du contrôle des frontières ainsi qu'une coopération entre les services des pays du champ pour mettre fin à la prolifération et au trafic des armes dans la région. Des armes libyennes dans la nature La mission semble cependant avoir porté son attention sur la situation humanitaire qui prévaut dans cette zone désertique qui a connu un afflux des migrants, devenus un fardeau supplémentaire pour les populations locales qui dépendent de la pluviométrie et des aides humanitaires internationales. Il est suggéré aux états d'adopter des programmes d'investissement afin de stabiliser ces populations ainsi que des mesures pour l'intégration des arrivants. L'ONU, par le biais de ses différentes institutions ainsi que les donateurs et bailleurs de fonds, apporteront leur contribution pour la mise en œuvre des projets. Parallèlement, le rapport onusien recommande le renforcement de la présence de l'état, des services de l'état dans cette bande pour barrer la route à Aqmi. “Dans certaines zones isolées, privées d'assistance humanitaire en raison de l'insuffisance ou de l'absence de services de l'Etat, des organisations criminelles comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) se chargeaient de fournir des services et une aide humanitaire. Cette situation pourrait permettre à Aqmi de recruter davantage et de développer des réseaux locaux d'informateurs et de fournisseurs d'armes, de munitions et d'autres moyens logistiques.” Cemoc-UFL, modèle de coopération anti-Aqmi Ces remarques ne tiennent cependant pas compte des “projections” programmatiques de développement initiées par les quatre pays du champ et des initiatives déjà entreprises pour venir en aide à ces populations. Des programmes élaborés dans le sillage de la stratégie sécuritaire commune. Il s'agit, comme l'a relevé le rapport, de la mission du Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cemoc) et de l'Unité de fusion et de liaison (UFL), deux mécanismes de coopération militaire et de renseignement mis en place par les quatre pays du champ. Le Nigeria vient de rejoindre l'UFL. Le Tchad, le Nigeria et le Burkina Faso sont invités au prochain sommet de ce regroupement sous-régional. Le Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert), les pays des grands lacs ainsi que ceux de la corne d'Afrique, notamment l'éthiopie, prévoient de mettre en place des mécanismes de renseignement similaires à l'UFL. L'UFL est chargée à la fois du renseignement mais également de la définition des projets socioéconomiques ainsi que de la sensibilisation. La stratégie des pays du champ repose sur la consultation politique, la coopération militaire, dans le renseignement et la coopération économique. Le rapport recommande par ailleurs une coopération dans le domaine judiciaire entre les pays concernés. On relève en définitive que le constat de la mission onusienne au Sahel a confirmé et approuvé les analyses et constats sur Aqmi et les craintes sur les armes libyennes faits par les pays du champ, ainsi que la justesse de la stratégie qu'ils ont mise en place. D B.