L'extrême droite française n'a pas réussi à empêcher le colloque sur la Fédération de France du FLN prévu samedi et dimanche derniers à Nîmes, dans le sud de la France où les rapatriés forment une forte communauté. Derrière une banderole proclamant “felouzes dehors”, ils ont même rallié des élus de la droite classique. Finalement, les policiers se sont déployés en force autour de l'auditorium du Conseil général pour permettre aux invités de débattre. Outre des historiens français, il y avait le sénateur Mostefa Boudina et l'ancien membre du HCE, Ali Haroun, qui ont lancé des messages d'espoir pour les cinquante ans de l'Indépendance. Ancien condamné à mort, M. Boudina a livré un témoignage sur les militants du FLN détenus en France. Un témoignage bouleversant qui a vu de nombreux participants sortir leur mouchoir pour sécher les larmes qu'ils n'ont pas réussi à contenir. D'une voix puissante qui ne laissait cependant percer aucun haine, il a évoqué l'effroyable torture à laquelle il a été soumis pendant sa détention. Des sévices infligés à d'autres frères de combat qui n'ont pas vu le soleil d'Indépendance, parce qu'exécutés. Comme le militant Bougandoura, marié à une Française qui l'aimait d'un amour fou, lui faisant parvenir tous les jours une lettre traduite par M. Boudina qui rédigeait la réponse sous la dictée du frère analphabète qui rêvait d'une Indépendance après laquelle Algérie et France s'aimeraient comme lui et sa femme s'aimaient. “Nous ne sommes pas en train de cultiver la haine”, a affirmé M. Boudina à l'adresse des jeunes Algériens qu'il a appelés à faire de leur pays une “grande nation”. Pour bien marquer que cette haine s'est dissipée, le sénateur a tenté de rétablir, par ailleurs, une vérité sur le sort des harkis que l'on dit qu'ils ont été exterminés sur ordre du FLN. “Je représente les victimes qui ne sont porteuses ni de haine ni de passion”, a-t-il dit. Et de révéler que des communes en Algérie sont habitées entièrement ou au moins en grande majorité par des harkis. Il a même cité un exemple précis, dans la wilaya de Skikda. M. Boudina a même exprimé de la compassion pour ceux d'entre eux qui ont fait le choix de la France mais qui se sont retrouvés abandonnés dans des camps. À ce sujet, Ali Haroun a aussi tenu à mettre hors de cause le FLN. Pour lui, “le FLN du 1er Novembre est mort le 6 juin 1962” avec le congrès inachevé du FLN. Il a mis les liquidations sur le compte de vengeances personnelles. Mais l'intervention de M. Haroun, auteur de “La 7e wilaya”, a porté sur le travail des avocats du FLN en France. Jusqu'au début de la Révolution, les militants étaient défendus par des avocats sous le régime de la loi. À partir du 1er Novembre, les “délits” et “crimes” pour lesquels comparaissaient les militants devaient être assumés comme des actes politiques. Ce qui donnera lieu à des discussions que les avocats français, tenus pas leur serment de travailler dans le cadre de la loi, ne comprenaient pas facilement. “Votre positon est légale, notre positionnement est légitime”, leur explique le FLN qui oppose “loi contingente” et “loi légitime” car si “la loi est l'expression de la volonté générale”, dans le cas de l'Algérie “elle ne venait pas de la volonté de son peuple”. Les procès devenaient dès lors une tribune politique et la peine encourue importait peu, sauf pour les condamnés à mort qu'il fallait essayer de sauver de la guillotine. De toute façon, tout le peuple algérien était condamné à perpétuité, enfermé dans la prison de la colonie algérienne. Le colloque aura quand même péché par le zèle d'un des organisateurs qui a accusé à tort la presse algérienne d'avoir promis “feu et sang” à Nîmes. Revendiquant publiquement le soutien du consul d'Algérie à Montpellier, cet ancien député communiste, Bernard Deschamps, s'est illustré en interrompant les interventions qui ne lui plaisaient pas. Mostefa Boudina a dû faire revenir un intervenant qui a préféré quitter la salle alors qu'il était coorganisateur. À la fin du colloque, M. Deschamps a même eu l'incroyable culot de vouloir empêcher le journaliste de Liberté d'interviewer MM. Boudina et Haroun. C'est un “comportement stalinien”, a dénoncé le président de l'Observatoire de l'islamophobie. S. Y