Des centaines d'Irakiens ont manifesté, hier, contre le terrorisme dans le centre de Bagdad bouclé par la police et les forces américaines, qui craignaient une action de combattants opposés à la présence américaine en Irak. Un vent de panique a soufflé quand la tête du cortège, passant devant l'hôtel Palestine, a été stoppée par la police en raison de la présence d'une voiture suspecte. L'alerte passée, la manifestation a pu se poursuivre sur la rue Saâdoun, depuis la place Tahrir jusqu'à la place Firdos. Les services de sécurité n'avaient pris aucun risque pour ce rassemblement qui pouvait être taxé de pro-américain. D'importantes forces de police accompagnaient les manifestants alors que deux hélicoptères américains survolaient la zone. À la tête du cortège, marchaient les parents de deux policiers tués samedi dernier lors du double attentat à la voiture piégée au nord de Bagdad. Deux véhicules transportaient des cercueils symboliques. “Voici la photo du martyr Adnan, un martyr de la terreur”, dit Hassan Rehemi, brandissant la photo de son fils de 20 ans, mort dans l'attentat dans la petite ville de Khan Bani Saâd qui a tué cinq autres policiers et trois civils, dont une fillette de quatre ans. Des habitants de la ville pétrolière de Kirkouk (nord), dont beaucoup d'écoliers, avaient fait le déplacement. Le 20 novembre, un attentat suicide à la voiture piégée avaient fait 5 morts, dont trois écoliers, et des dizaines de blessés. “Kirkouk a tellement souffert d'un terrorisme qui cible les hôpitaux et les écoles”, commentait Abdul Amir Kalandar, un responsable politique local. “Il vise aussi notre infrastructure et notre pétrole”, ajoute-t-il en référence aux attaques persistantes contre les oléoducs acheminant le pétrole de Kirkouk vers la raffinerie de Baiji pour être ensuite redistribué. Pour lui, les responsables de ces attaques sont des partisans de l'ex-président Saddam Hussein, des extrémistes islamistes et des combattants venus de pays voisins. Sur la place Firdos, face à la statue symbolisant la renaissance de la nation irakienne qui a pris la place de celle de Saddam Hussein déboulonnée le jour de l'entrée des troupes américaines dans Bagdad, le 9 avril, les manifestants ont été appelés à aider les forces de la coalition dans leur lutte contre la guérilla. “Nous devons aider la coalition”, a lancé Aziz Al-Yasser, le coordinateur de l'Alliance des Forces démocratiques irakiennes qui avait appelé à la manifestation. “L'appel lancé au retrait des forces d'occupation est suspect, car l'Irak sera un bain de sang s'ils s'en vont. Ils doivent d'abord aider les Irakiens à rétablir la sécurité”, a-t-il poursuivi. Il a également estimé que les attaques repoussaient la date de la fin de l'occupation. “Le pouvoir ne peut pas être transféré aux Irakiens si le terrorisme se poursuit”, a-t-il ajouté. Beaucoup de manifestants venaient de la ville sainte chiite de Kerbala, à 110 km au sud de Bagdad, portant les drapeaux rouges des tribus locales. Cheikh Rahi Musa Jabbar, le patriarche de la tribu Bani Kaâb, accusait des pays voisins, sans les nommer, d'être derrière le terrorisme “pour creuser un fossé” entre la majorité chiite et les sunnites. “Cela n'arrivera pas, car les Irakiens sont unis”, affirme-t-il. Le portrait du turbulent chef chiite, Moqtada Sadr, qui bénéficie d'un large soutien dans les quartiers populaires de Sadr City à Bagdad, a été brièvement brandi par un groupe de manifestants qui ont dû le ranger devant l'insistance d'autres voulant éviter de donner toute couleur politique à la manifestation.