Présenté comme un modèle de démocratie en Afrique, le Mali vient de rejoindre la longue liste des pays soumis aux putschs militaires sur le continent noir. Si l'action des militaires rebelles a été condamnée par la communauté internationale, elle n'exclut pas l'examen de raisons objectives qui ont mené à ce coup de force. Amadou Toumani Touré alias ATT, dont le sort est encore incertain, se voit ainsi renversé par la caste inférieure de l'armée. Des capitaines, des caporaux et des sergents ulcérés de servir de chair à canon à une présidence malienne qui a perdu, depuis longtemps, le contrôle de la situation. Car ce qui se déroule à nos frontières sud est le résultat prévisible de plusieurs années d'approximation politique, de mensonges diplomatiques et d'atermoiements sécuritaires qui ont condamné, de facto, Bamako à subir ses propres contradictions. Le pouvoir personnel d'ATT, soutenu dans ses errements par des analyses complaisantes de la communauté internationale, a plongé le Mali dans le chaos. ATT est le premier responsable de ce qui lui arrive. À force d'instrumentaliser les violences diverses (communautaires, touareg, partisanes et terroristes), le pouvoir malien a engendré les germes d'une violence militaire interne qui en dit long sur l'état actuel du Mali. Avec un Nord malien complètement abandonné par les plans de développement locaux, des Touaregs jamais respectés et intégrés dans la communauté nationale et poussés au radicalisme, des terroristes d'Aqmi ayant pratiquement “loué” des camps d'entraînement et des bases de repli, une industrie du kidnapping en plein essor, des cartels de la cocaïne qui s'installent durablement, des attentats à répétition contre des soldats maliens sous-équipés alors que l'argent de la coopération militaire ne manque pas, l'encouragement officiel à un racisme d'Etat contre les minorités, un flux migratoire ininterrompu vers le Nord et une situation humanitaire catastrophique, le bilan d'ATT est loin d'être reluisant. Certes, la communauté internationale a condamné mais ce putsch nous renseigne sur l'état de déliquescence des institutions maliennes qui ont perdu leur crédit depuis longtemps. ATT a joué avec le feu jusqu'à se faire brûler par ses propres soldats. Tout le monde diplomatique veut le voir revenir au pouvoir et terminer son mandat qu'il ne s'empressait pas d'achever. Mais il appartient aux Maliens de le décider. M. B.