Entre le discours et le terrain, il y a vraiment un monde de désillusions et comme une tromperie sur la marchandise. Les dernières réformes politiques, même labellisées insuffisantes, donnent cette impression de leurre pour les naïfs. Combien de fois le mot changement a-t-il été prononcé et conjugué à tous les temps ? Cinquante ans après l'Indépendance, on pensait que le relais passerait du système clanique et tribal à celui de la compétence et de la jeunesse. Malheureusement, cette dernière est toujours tenue en dehors des cadres institutionnels, longtemps habitués au ronronnement des gens du passé, la plupart arrivés au stade de leur incompétence. Sinon comment expliquer ces haches de guerre déterrées entre compagnons de militantisme par défaut ? Au niveau des partis ayant pignon sur rue par ancienneté et cooptation, les premières places sur les listes électorales font l'objet d'âpres négociations basées non pas sur un bilan d'un député sortant et qui veut rempiler ou sur la force et la conviction de ceux qui veulent se jeter à l'eau mais sur des calculs purement sectaires. Quant aux petits nouveau-nés arrivés en politique par césarienne, la mise à prix pour la tête de liste est mise aux enchères et se dispute par millions de dinars, au vu et au su de l'administration. Néanmoins, le bel alibi pour ces joutes prochaines est la femme et le casse-tête qui consiste à intégrer dans la recette ces “20% d'ingrédients obligatoires”. D'autant que la plupart refusent d'être des succédanés ou des joueurs réservistes pour combler un vide à remplir. Les éternels absents demeurent cette majorité de jeunes ballottés entre le rêve de devenir enfin citoyens à part entière et celui du désintérêt de la chose politique squattée par les vieux jusqu'à la sénilité. Pour pousser le bouchon, on appelle cette même génération d'après-1962 et même d'après-1990 à aller voter et à choisir son représentant dans une génération aux repères périmés, à leurs yeux. Tant que les dinosaures seront les décideurs de demain, par la force ou le jeu d'intérêt obscur, il est difficile de demander à la seule force vive de ce pays d'apporter une caution. On n'est pas encore prêt à faire le grand pas en avant et entamer une vraie transition avec un passage de témoins, sans violence, si on en juge par les têtes de liste rendues publiques par indiscrétion. O. A. [email protected]