Résumé : Nna Louisa relate les affres des revenants… Ces jeunes mutilés qui n'attendaient plus rien de la vie. Aïssa semblait avoir perdu la raison. Ses parents priaient jour et nuit afin que ce jeune rescapé reprenne ses esprits. Un jour, la jeune voyante fera un rêve révélateur. -Est-ce les prières de mes parents qui furent exaucées ? Où est-ce Dieu Tout-Clément qui a voulu enfin libérer mon frère de son mal ? Peut-être que les deux hypothèses étaient bonnes aussi. Un jour, je fais un rêve étrange… Je me voyais dans un grand jardin plein de fleurs et où coulait un ruisseau d'eau cristalline. Le ciel était d'un bleu azur. Le soleil qui caressait ma peau était d'une telle douceur, que je n'avais pas envie de rentrer… Mais rentrer où ? me demandais-je en tournoyant sur moi-même… Je ne connaissais ni l'endroit ni le chemin pour rentrer au village à la nuit tombée. Chose étonnante, je ne ressentais aucune peur… Bien au contraire, une paix intérieure avait pris possession de tout mon être… Je ressentais une euphorie dont, jusque-là, je ne soupçonnais même pas l'existence. Le chant d'oiseau accompagnait mes pas, et un cheval blanc se dressa devant moi d'un air majestueux, en m'invitant de sa tête à monter sur la selle ornée de fleurs et de colifichets. Je me sentais si souple que je n'eus aucun mal à sauter sur le dos de ce cheval, sortit de nulle part. Ce dernier se met tout d'abord à trotter, puis petit à petit prend de la vitesse. Il galopa longtemps à travers le jardin, puis à travers un champ qui s'étendait à perte de vue. Je me demandais où il pouvait m'emmener ainsi. Au bout d'un long moment, il s'arrête et me dépose au pied d'un grand chêne. Je me mets à regarder autour de moi. Aucune âme qui vive ne se profilait à l'horizon… Mais un bruit attira mon attention… Je baisse les yeux et remarque un vieillard à la longue barbe blanche qui me faisait signe… Il était si menu que je ne l'avais pas remarqué… Assis au pied du chêne, il égrenait un chapelet… Il me fait signe et m'invite à m'asseoir près de lui. Je m'exécutais sans hésitation… Je ne pouvais faire autrement d'ailleurs, étant donné que les lieux m'étaient totalement étrangers. Sans dire un mot, le vieil homme m'annonça par des gestes, que curieusement je compris sans peine, que mon prince charmant n'allait pas tarder à venir, et que mon frère Aïssa sera bientôt remis de ses émotions. Ses peines passées et récentes ne seront plus qu'un mauvais souvenir. Comme pour conclure ses dires, le vieillard me donne un coup avec sa canne sur l'épaule droite. à ce contact, je me réveille et me retrouve dans ma chambre, dans notre maison. Un bruit m'avait tiré de mon sommeil et, dans les ténèbres de la nuit partante, je n'eus aucun mal à reconnaître la silhouette frêle de ma pauvre mère. C'était elle qui m'avait réveillée en donnant un coup à la porte de la petite pièce que j'occupais sous la soupente. Elle vint s'asseoir près de moi et me serra dans ses bras, avant de se mettre à pleurer. Je comprenais amplement sa détresse et son chagrin… Mais il me sembla que cette fois-ci elle était plutôt sereine… Ses larmes ne me semblèrent pas aussi amères que d'habitude. Elle relève la tête et m'annonce : -Ton frère Aïssa s'est enfin “réveillé”… Il m'a demandé tout d'abord où il se trouvait, puis il est venu m'embrasser sur le front. Il avait sillonné la maison de long en large avant de s'asseoir à côté de l'âtre et de se mettre à manger la galette que je venais à peine de retirer du feu… Il semblait calme et m'avoua en portant la main à son ventre qu'il n'avait jamais eu autant faim de sa vie, sauf bien sûr lorsqu'il était sur le front et combattait. Tu imagines donc un peu ma joie ! Aïssa s'était rappelé tout son passé… Heu… En tous les cas, il n'a plus ce regard égaré et sans vie que nous lui connaissions depuis son retour de la guerre. Et puis, la faim chez l'humain a toujours été un signe de bonne santé. Je serre ma mère dans mes bras et je me rappelle le rêve que je venais de faire… J'étais certaine alors qu'il était prémonitoire. Le vieillard que j'avais vu était soit un saint, soit un ange… Ses prémonitions s'étaient avérées justes. Du moins pour mon frère. Je me levais précipitamment pour courir vers la pièce centrale de la maison. Je découvris alors une belle image : Mon père et mon frère discutaient comme de vieux amis et tels que je les avais toujours connus, tout en sirotant un café à côté du feu, que Aïssa remuait de temps à autre avec un tisonnier. - Aïssa !, m'étais-je écriée. Aïssa ! (À suivre) Y. H.