Le verdict en appel dans l'affaire du transfert illicite de devises d'Alger vers Alicante (Espagne), annoncé lors de la dernière audience pour hier, ne sera prononcé finalement que le 29 du mois en cours. “Je pense que la magistrat n'a pas pu trancher définitivement. On va peut-être vers la rectification des peines prononcées en première instance et, donc, vers l'apaisement, car le dossier est vide”, nous a déclaré Me Samir Sidi-Saïd. La semaine dernière, lors de son réquisitoire, le procureur de la République avait requis la peine maximale. En l'occurrence, dix ans de prison ferme pour l'ensemble des accusés. En première instance, les mis en cause ont écopé d'une peine oscillant entre 7 et 10 ans de prison. La défense soutient que “les documents incriminant les accusés ne sont pas authentiques”, tout en relevant de nombreuses violations de procédure. À l'instar de la plainte du ministère des Finances qui n'a été introduite qu'après le lancement des poursuites, ajouté au fait que les Douanes algériennes ne se sont portées partie civile que sur la base d'un rapport des Douanes espagnoles “qui n'ont présenté aucun argument justifiant la culpabilité des accusés dont certains sont en détention préventive depuis 18 mois”, affirme Me Sidi-Saïd. Plus d'une quarantaine de personnes sont impliquées dans cette affaire dont 13 sont en détention. On compte parmi elles des hommes d'affaires, des commerçants et aussi des passeurs de devises. Les chefs d'inculpation retenus contre eux sont : “Blanchiment et transfert illégal de capitaux vers l'étranger en violation de la loi sur les changes et les mouvements de capitaux.” À l'origine du déclenchement de cette affaire, une liste noire de noms d'Algériens suspectés d'appartenir à un réseau transfrontalier de soutien financier au terrorisme et au crime organisé transmise par les autorités espagnoles en 2009 à l'Algérie dans le cadre de la coopération judiciaire entre les deux pays. L'enquête a été menée par la brigade économique de la sûreté de wilaya d'Alger pour établir la traçabilité des fonds transférés par les Algériens vers l'Espagne, évalués à 900 millions d'euros. Ils auraient servi à alimenter en cash des transactions d'import-export ou blanchis dans l'immobilier. Les autorités espagnoles avaient relevé une fréquence inhabituelle des entrées et sorties d'un groupe d'Algériens avec des masses d'argent ramenées d'Algérie, en bagage à main, par avion ou par bateau. Le dossier a pris de l'épaisseur au fil des jours, avec l'incorporation, en avril 2009, d'une plainte émanant des services de la douane de l'aéroport d'Alger, puis en août, d'un autre dossier en provenance du tribunal d'Oran concernant 27 opérateurs basés dans l'Oranie. Le magistrat instructeur a eu donc à puiser ses informations dans diverses sources : le Cnis de la douane, la DG des impôts, la DG des biens de l'Etat relevant du ministère des Finances, la Drag de la wilaya d'Alger, la Banque d'Algérie, les différentes banques publiques et privées… Durant l'instruction, la même question est posée à tous les accusés : “Qu'avez-vous fait là-bas avec les grosses sommes en devises transportées dans vos bagages et que vous avez déclarées à la douane espagnole à l'arrivée ?” Les réponses étaient pour la plupart : “Ce n'est pas le montant que j'ai déclaré”, ou “c'était juste pour obtenir un visa la prochaine fois”. Quant aux hommes d'affaires et autres importateurs possédant une multitude de sociétés au chiffre d'affaires bien fourni, les aveux étaient plus subtiles. Tout en soutenant avoir transféré en espèces ces forts montants en devises, en plusieurs tranches, ils justifient cet acte par “la bureaucratie et les lenteurs bancaires en matière de crédit documentaire”, disposition entrée en vigueur depuis le 1er septembre 2009 dans le cadre de la LFC 2009. À cela, renchérissent les mêmes opérateurs, s'ajoute “la contrainte de la domiciliation bancaire des opérations d'importation sur le sol algérien, qui doit être préalable à la réalisation de celle-ci, à leur règlement financier ainsi qu'à leur dédouanement”. En somme, utiliser le cash pour passer outre le crédit documentaire et les lenteurs bancaires et administratives. Mais ça, c'est déjà un délit. N H