Les fruits et légumes ont la grosse tête, et le dinar... le profil bas. Le plus triste dans l'histoire est que le citoyen algérien continue à croire en sa monnaie nationale. Une grande “love story” est née de leur relation, quoique, pas toujours à l'image d'un oued tranquille. L'Algérien moyen et le dinar ont vécu le pire et le meilleur. Mais, maintenant que le dinar a perdu à jamais de sa valeur, il ne leur reste apparemment… que le pire à se partager ! Même en grande quantité, le dinar n'arrive plus à atteindre les prix des produits de première nécessité, aujourd'hui très haut perchés. Ils ne sont plus à sa portée. Le sens des affaires… louches ! Le pire, ce n'est pas tant la maladie de notre monnaie. C'est sa prise en charge qui est surtout décriée. Plutôt que de chercher un remède à sa grave affection, l'on se perd à designer les coupables de son malheur. Pourquoi diable s'obstiner à chercher ce que tout le monde sait déjà ! L'on sait pertinemment aujourd'hui que cette situation est née du système de gouvernance adopté depuis des lustres, que le ministère du Commerce donne l'impression de bricoler, que des contrôleurs ne voient jamais rien et que le marché informel, pourtant plus vaste que le réglementaire, n'est toujours pas inquiété. Qui souhaiterait s'inscrire au registre du commerce et payer les impôts lorsqu'il a le choix d'activer librement dans le parallèle ? À moins d'être irrationnel… et, il se trouve que nombre de nos marchands, détaillants ou grossistes, sont tout à fait sensés ! Ils ont le sens des affaires… louches. Mais, encore plus louche, c'est de laisser les Algériens livrés à eux-mêmes ! Les prix s'envolent et rien ne semble inquiéter personne. On continue le plus normalement du monde à parler d'élections législatives, d'Etat de droit, du devoir du citoyen à aller voter… mais, serait-il venu à l'idée des responsables du pays que l'on ne peut se présenter à l'urne le ventre vide ? Pour se déplacer il faut s'alimenter d'abord. Sale temps pour les ménages ! Sur les étals des marchés, il y a de tout. Seulement, pour remplir son couffin de produits frais, il faut un autre couffin de billets de banque. Tout est effectivement disponible, mais rien n'est accessible. Le marché des fruits et légumes prend des allures d'un musée. On peut tout regarder, sans toucher. En tout cas, à voir la profusion des produits maraîchers sur les étals, l'on retiendra que le secteur de l'agriculture semble faire sa part de travail. Quant à la partie commercialisation, tout est à faire. À moins de confier à l'un la production et la commercialisation, et à l'autre… de disparaître. La nature a horreur du vide ! Ça y est, il n'y a plus de doute, il y a le feu dans l'oued ! Il n'y a pas si longtemps, nous avions consacré ce même espace à l'état de notre pauvre dinaar. Le bulletin de santé était encore partagé entre dépréciation chronique et dévaluation grave. Le constat variait d'un avis à l'autre. Aujourd'hui, on tient enfin le bon diagnostic. Il y a bel et bien dévaluation et dépréciation. Les deux ! Le dinar est gravement affaibli. Même en se multipliant par 100, il a du mal à soulever le moindre petit kilo de pommes de terre ! Nous avions aussi de tout temps dit, et les économistes sont unanimes à le reconnaître, qu'une dévaluation du dinar aggraverait sérieusement le pouvoir d'achat des Algériens. Ça pénaliserait encore plus les consommateurs, exciterait davantage l'inflation et tirerait vers le haut tous les prix des produits de consommation. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on sait que l'Algérie importe tout, et en devises sonnantes et trébuchantes. Ainsi, fort de cet indémontable raisonnement, l'on préfère au plus haut sommet de l'Etat parler d'effet ponctuel. Et qu'après le 10 mai tout va rentrer dans l'ordre. C'est ce qui s'appelle une fuite en avant ! Une dépréciation avérée de la chose économique. On est carrément dans une situation de non-assistance à peuple en danger. Pourtant, un petit tour dans les différents souks de la capitale suffit pour mesurer l'intensité du brasier. R. L. [email protected]