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Le sociologue Addi Lahouari à Liberté
“L'Algérie, c'est 70% de malentendus et 30% de sérieux problèmes”
Publié dans Liberté le 07 - 05 - 2012

Liberté : M. Addi, dans votre recueil de textes, vous exprimez le vœu de contribuer à raffermir la culture générale qui, selon vous, est indispensable à l'esprit civique et à la formation d'un espace public. Pourriez-vous nous en dire plus sur le sujet ?
Addi Lahouari : L'objet de la sociologie est double : c'est d'une part les structures morphologiques et d'autre part les représentations. Celles-ci sont la vision du monde à travers laquelle les individus donnent sens à leur existence. Mais avec le temps, ces représentations se cristallisent et entrent en contradiction avec les nouvelles aspirations qui portent en elles les germes de nouvelles représentations. Le rôle du sociologue est d'aider à l'émergence des nouvelles représentations en y injectant des éléments de culture scientifique. La sociologie libère de la fatalité en faisant prendre conscience à l'individu qu'il est un acteur producteur de son histoire. Elle élève le niveau de la culture générale et pousse au débat public.
Quand le sociologue convainc le citoyen que les difficultés qu'il rencontre dans sa vie quotidienne ont des causes sociales, économiques et politiques, cela contribue à demander des politiques publiques adéquates et un Etat à l'écoute de la population, ce qui contribue à pacifier le lien social. Le citoyen saura qu'il n'y a pas de forces du mal qui cherchent à détruire le pays (les islamistes, les berbéristes, le DRS, les laïcs…) et qu'il y a seulement des crises dont il faut analyser les causes pour les dépasser.
Vous abordez également la question de la modernité en Algérie et insistez sur la nécessité d'une “réflexion audacieuse et profonde”. Que voulez-vous au juste ?
La construction de la modernité n'est pas une phase historique aisée comme l'attestent les expériences européennes des siècles passés. La modernité remet en cause nos représentations et suscite des peurs, notamment celle de perdre notre identité. Je prendrais deux exemples. L'islamisme est l'expression de la peur que dans l'Algérie moderne où l'individu serait libre et la femme serait juridiquement l'égale de l'homme, l'islam disparaîtrait. En tant que sociologue, j'affirme que c'est une peur infondée. Dans une Algérie moderne, les Algériens vivront leur foi sur la base de la liberté de conscience. L'islam n'aura pas disparu mais le vécu religieux changera.
L'autre exemple est le DRS qui est l'expression de la peur des militaires qui pensent que s'ils ne contrôlent pas le champ politique par ce service, le pays éclaterait ou la paix civile serait en danger.
En tant que sociologue, je dis que c'est une croyance infondée. L'unité nationale est désormais irréversible et la société contient en elle-même un puissant désir de paix civile. Le champ politique algérien peut comporter des partis politiques autonomes sans que la nation soit en danger.
Dans votre ouvrage, vous faites référence au “journalisme universitaire”. Qu'entendez-vous par là ?
Le journalisme universitaire alimente le débat public par des réflexions à destination du grand public. Je prendrais l'exemple du Monde diplomatique en France et du New Yorker aux Etats-Unis. Le journalisme universitaire dispose de plus de temps et donc de distance et a pour thème les questions structurelles de la société ou de l'étranger, traitées dans un langage accessible à un public non universitaire. À l'inverse, la journaliste que vous êtes répond à une actualité quotidienne qui impose d'écrire à chaud sur des événements qui se déroulent dans l'instant. Vous subissez la pression de l'événement : une grève, un accident de train, une réunion houleuse au FLN au sujet de Belkhadem, etc. Je trouve qu'il y a dans les journaux algériens des contributions théoriques qui sont d'un excellent niveau.
Sur quelles sources d'informations et travaux vous appuyez-vous le plus pour effectuer vos analyses sur l'Algérie ?
Les sources du sociologue proviennent de ses méthodes d'investigation du terrain. Il y a les enquêtes, les entretiens non directifs, l'observation participante, les sources documentaires dont les journaux. Me concernant, j'utilise les entretiens semi-directifs, l'observation participante et la lecture des journaux. Les quotidiens sont une mine d'informations sur la société algérienne. Quand je lis Le Quotidien d'Oran, El Watan, Liberté, El Khabar et même l'antipathique Chourouk (je le trouve antipathique parce qu'il est belliqueux de manière gratuite), je trouve des matériaux pour apprécier les dynamiques sociales et les contradictions du régime politique.
En votre qualité de sociologue, quel regard portez-vous aujourd'hui sur la société algérienne ?
Le sociologue n'a pas de regard sur son objet ; il a une analyse sur son objet. Cependant, en tant qu'universitaire engagé, j'ai un regard. Pour moi, l'Algérie, c'est 70% de malentendus et 30% de sérieux problèmes culturels, économiques et politiques (10% chacun). Les Algériens ont besoin de débattre entre eux publiquement et sans tabous des questions comme l'islam et la sécularisation, la question linguistique, l'égalité entre femmes et hommes, les conditions politiques de l'Etat de droit, la corruption, la justice, le niveau du salaire en rapport avec la productivité, le rapport à l'histoire, le Sahara occidental, etc. Si ces débats sont menés dans les médias comme la radio et la télévision, il y aura une décantation et le champ politique se divisera sur de vrais enjeux en rapport avec les intérêts idéologiques des uns et des autres. À titre personnel, je suis pessimiste pour le court terme mais optimiste pour le long terme.
Et qu'en est-il de la frange féminine et de la jeunesse ?
La jeunesse, c'est la catégorie sociale par laquelle la société se reproduit et se renouvelle dans le temps. Les anciennes générations éduquent les nouvelles et leur transmettent la culture et le patrimoine du passé qui fondent l'identité.
Le défi de l'éducation nationale est de former les jeunes générations dans le respect du passé avec l'ouverture sur les valeurs universelles. Notre problème, c'est que la modernité est apparue en Europe, cette Europe qui a été le foyer de l'expansion coloniale. La question cruciale a été pour nous la suivante : comment rejeter Bugeaud et accepter Descartes. Tous deux sont Français, mais l'un appartient au passé honteux de son pays et l'autre fait partie du patrimoine de la pensée universelle. Par conséquent, la jeunesse a pour tâche de renouveler l'humanisme des traditions de la société algérienne, en tenant compte des progrès sociaux, politiques et intellectuels accomplis ailleurs. Concernant la femme, la société lui confie une tâche encore plus lourde. La femme est plus soucieuse de la préservation de la vie, parce que c'est elle qui donne la vie.
Elle est cependant déchirée entre la reproduction de la vie sociale telle que sa mère le lui a enseigné et ses aspirations à s'impliquer pleinement dans la vie sociale en dehors de l'espace domestique. La femme porte en elle le fardeau de la société et ses tabous, tout en exprimant la volonté de se réaliser comme être humain. Cette contradiction est illustrée par le port du foulard par les jeunes filles. Il y a d'un côté le respect de la règle de cacher la féminité et de l'autre la volonté d'être coquette à travers un maquillage discret qui rend attirante et belle.
La vie, la nature, le désir, c'est-à-dire l'anthropologie féminine essaye de faire bon ménage avec la morale transmise par la société. L'Algérie est, pour un sociologue, un véritable laboratoire d'expériences sociales grandeur nature.
Une dernière question : avez-vous des projets d'écriture ?
Je suis en train d'écrire un livre d'épistémologie dont le sujet tourne autour de la question suivante : pourquoi les sociétés musulmanes, dont l'Algérie, acceptent volontiers les sciences de la nature et sont hostiles aux sciences de l'homme et de la société?
H. A.


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