Le président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    Volleyball: les championnats d'Algérie connaitront un changement de formule de compétition en 2025-2026    Aïn Temouchent: commémoration du 13e anniversaire du décès du moudjahid Belhadj Bouchaïb, membre du groupe historique des 22    Libération du ressortissant espagnol enlevé : l'Algérie joue un "rôle primordial" dans la lutte contre le terrorisme    Agriculture: l'INPV invite les céréaliculteurs au désherbage chimique des céréales    Libération du ressortissant espagnol enlevé : Magramane met en avant les positions humanistes de l'Algérie    ONSC: lancement d'une consultation au profit des associations pour enrichir l'avant-projet de la loi sur les associations    Skikda: 162 millions de dinars pour la réhabilitation des infrastructures devant accueillir une partie des Jeux scolaires africains    Union nord-africaine de football: "un intérêt croissant pour le football scolaire de la part de la CAF"    CNFE: plus de 6500 stagiaires formés en 2024    Le ressortissant espagnol libéré adresse ses remerciements au président de la République    En qualité d'envoyé spécial du président de la République, le ministre de la Communication reçu par le Premier ministre du Royaume du Lesotho    Le Directeur général de la Protection civile en visite de travail et d'inspection dans la wilaya d'El Meghaier    ETUSA: injection progressive de 30 nouveaux bus fabriqués localement    En qualité d'Envoyé spécial du président de la République, Saihi arrive à Victoria    Le ministère de l'Education nationale n'a pris aucune mesure d'interdiction des cours de soutien    L'entité sioniste pourrait commettre un génocide en Cisjordanie similaire à celui de Ghaza    M. Belmehdi préside l'ouverture de la 20e édition du Concours international du Prix d'Alger de récitation et de psalmodie du Saint Coran    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçoit le chef des Forces de défense populaire ougandaises    Alliance Algérie-Europe pour l'hydrogène vert    L'Agence internationale de l'énergie (AIE) s'attend à des marchés tendus cette année    «L'épicentre du terrorisme mondial s'est déplacé vers la région du Sahel»    L'entité sioniste a perdu la guerre    Saâdaoui met en place la Commission nationale d'évaluation du niveau scolaire    Réhabilitation et mise en valeur des espaces verts    81 foyers raccordés au gaz naturel à Brabria    L'ADN de la classe politique ukrainienne (Partie III)    Le dialogue au lieu de la confrontation    Générale de la pièce «Ech'Chabih»    Renforcement des mécanismes de financement, amélioration du cadre réglementaire et formation parmi les recommandations phares    Lancement de travaux d'aménagement de monuments historiques et de cimetières de chouhada    Tennis : Installation d'une commission d'homologation des infrastructures    Muay thaï : L'Algérien Anane défie l'Ecossais Carrillo le 24 janvier    Du foot aux couleurs africaines    Clôture des travaux du colloque national sur la sécurité de la mémoire nationale    Journée nationale de la Commune        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le sociologue Addi Lahouari à Liberté
“L'Algérie, c'est 70% de malentendus et 30% de sérieux problèmes”
Publié dans Liberté le 07 - 05 - 2012

Liberté : M. Addi, dans votre recueil de textes, vous exprimez le vœu de contribuer à raffermir la culture générale qui, selon vous, est indispensable à l'esprit civique et à la formation d'un espace public. Pourriez-vous nous en dire plus sur le sujet ?
Addi Lahouari : L'objet de la sociologie est double : c'est d'une part les structures morphologiques et d'autre part les représentations. Celles-ci sont la vision du monde à travers laquelle les individus donnent sens à leur existence. Mais avec le temps, ces représentations se cristallisent et entrent en contradiction avec les nouvelles aspirations qui portent en elles les germes de nouvelles représentations. Le rôle du sociologue est d'aider à l'émergence des nouvelles représentations en y injectant des éléments de culture scientifique. La sociologie libère de la fatalité en faisant prendre conscience à l'individu qu'il est un acteur producteur de son histoire. Elle élève le niveau de la culture générale et pousse au débat public.
Quand le sociologue convainc le citoyen que les difficultés qu'il rencontre dans sa vie quotidienne ont des causes sociales, économiques et politiques, cela contribue à demander des politiques publiques adéquates et un Etat à l'écoute de la population, ce qui contribue à pacifier le lien social. Le citoyen saura qu'il n'y a pas de forces du mal qui cherchent à détruire le pays (les islamistes, les berbéristes, le DRS, les laïcs…) et qu'il y a seulement des crises dont il faut analyser les causes pour les dépasser.
Vous abordez également la question de la modernité en Algérie et insistez sur la nécessité d'une “réflexion audacieuse et profonde”. Que voulez-vous au juste ?
La construction de la modernité n'est pas une phase historique aisée comme l'attestent les expériences européennes des siècles passés. La modernité remet en cause nos représentations et suscite des peurs, notamment celle de perdre notre identité. Je prendrais deux exemples. L'islamisme est l'expression de la peur que dans l'Algérie moderne où l'individu serait libre et la femme serait juridiquement l'égale de l'homme, l'islam disparaîtrait. En tant que sociologue, j'affirme que c'est une peur infondée. Dans une Algérie moderne, les Algériens vivront leur foi sur la base de la liberté de conscience. L'islam n'aura pas disparu mais le vécu religieux changera.
L'autre exemple est le DRS qui est l'expression de la peur des militaires qui pensent que s'ils ne contrôlent pas le champ politique par ce service, le pays éclaterait ou la paix civile serait en danger.
En tant que sociologue, je dis que c'est une croyance infondée. L'unité nationale est désormais irréversible et la société contient en elle-même un puissant désir de paix civile. Le champ politique algérien peut comporter des partis politiques autonomes sans que la nation soit en danger.
Dans votre ouvrage, vous faites référence au “journalisme universitaire”. Qu'entendez-vous par là ?
Le journalisme universitaire alimente le débat public par des réflexions à destination du grand public. Je prendrais l'exemple du Monde diplomatique en France et du New Yorker aux Etats-Unis. Le journalisme universitaire dispose de plus de temps et donc de distance et a pour thème les questions structurelles de la société ou de l'étranger, traitées dans un langage accessible à un public non universitaire. À l'inverse, la journaliste que vous êtes répond à une actualité quotidienne qui impose d'écrire à chaud sur des événements qui se déroulent dans l'instant. Vous subissez la pression de l'événement : une grève, un accident de train, une réunion houleuse au FLN au sujet de Belkhadem, etc. Je trouve qu'il y a dans les journaux algériens des contributions théoriques qui sont d'un excellent niveau.
Sur quelles sources d'informations et travaux vous appuyez-vous le plus pour effectuer vos analyses sur l'Algérie ?
Les sources du sociologue proviennent de ses méthodes d'investigation du terrain. Il y a les enquêtes, les entretiens non directifs, l'observation participante, les sources documentaires dont les journaux. Me concernant, j'utilise les entretiens semi-directifs, l'observation participante et la lecture des journaux. Les quotidiens sont une mine d'informations sur la société algérienne. Quand je lis Le Quotidien d'Oran, El Watan, Liberté, El Khabar et même l'antipathique Chourouk (je le trouve antipathique parce qu'il est belliqueux de manière gratuite), je trouve des matériaux pour apprécier les dynamiques sociales et les contradictions du régime politique.
En votre qualité de sociologue, quel regard portez-vous aujourd'hui sur la société algérienne ?
Le sociologue n'a pas de regard sur son objet ; il a une analyse sur son objet. Cependant, en tant qu'universitaire engagé, j'ai un regard. Pour moi, l'Algérie, c'est 70% de malentendus et 30% de sérieux problèmes culturels, économiques et politiques (10% chacun). Les Algériens ont besoin de débattre entre eux publiquement et sans tabous des questions comme l'islam et la sécularisation, la question linguistique, l'égalité entre femmes et hommes, les conditions politiques de l'Etat de droit, la corruption, la justice, le niveau du salaire en rapport avec la productivité, le rapport à l'histoire, le Sahara occidental, etc. Si ces débats sont menés dans les médias comme la radio et la télévision, il y aura une décantation et le champ politique se divisera sur de vrais enjeux en rapport avec les intérêts idéologiques des uns et des autres. À titre personnel, je suis pessimiste pour le court terme mais optimiste pour le long terme.
Et qu'en est-il de la frange féminine et de la jeunesse ?
La jeunesse, c'est la catégorie sociale par laquelle la société se reproduit et se renouvelle dans le temps. Les anciennes générations éduquent les nouvelles et leur transmettent la culture et le patrimoine du passé qui fondent l'identité.
Le défi de l'éducation nationale est de former les jeunes générations dans le respect du passé avec l'ouverture sur les valeurs universelles. Notre problème, c'est que la modernité est apparue en Europe, cette Europe qui a été le foyer de l'expansion coloniale. La question cruciale a été pour nous la suivante : comment rejeter Bugeaud et accepter Descartes. Tous deux sont Français, mais l'un appartient au passé honteux de son pays et l'autre fait partie du patrimoine de la pensée universelle. Par conséquent, la jeunesse a pour tâche de renouveler l'humanisme des traditions de la société algérienne, en tenant compte des progrès sociaux, politiques et intellectuels accomplis ailleurs. Concernant la femme, la société lui confie une tâche encore plus lourde. La femme est plus soucieuse de la préservation de la vie, parce que c'est elle qui donne la vie.
Elle est cependant déchirée entre la reproduction de la vie sociale telle que sa mère le lui a enseigné et ses aspirations à s'impliquer pleinement dans la vie sociale en dehors de l'espace domestique. La femme porte en elle le fardeau de la société et ses tabous, tout en exprimant la volonté de se réaliser comme être humain. Cette contradiction est illustrée par le port du foulard par les jeunes filles. Il y a d'un côté le respect de la règle de cacher la féminité et de l'autre la volonté d'être coquette à travers un maquillage discret qui rend attirante et belle.
La vie, la nature, le désir, c'est-à-dire l'anthropologie féminine essaye de faire bon ménage avec la morale transmise par la société. L'Algérie est, pour un sociologue, un véritable laboratoire d'expériences sociales grandeur nature.
Une dernière question : avez-vous des projets d'écriture ?
Je suis en train d'écrire un livre d'épistémologie dont le sujet tourne autour de la question suivante : pourquoi les sociétés musulmanes, dont l'Algérie, acceptent volontiers les sciences de la nature et sont hostiles aux sciences de l'homme et de la société?
H. A.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.