Vote ou abstention ? On le saura aujourd'hui, en jugeant par le degré d'affluence des électeurs vers les centres de vote, mais la réponse officielle ne sera connue que demain, lors de l'annonce des résultats par le ministre de l'Intérieur. Pour beaucoup d'observateurs, la question est déjà tranchée : le camp des abstentionnistes l'emportera sans aucun doute. Le chef de l'Etat, les membres du gouvernement et les partis du pouvoir, quant à eux, ont tout fait pour que la participation atteigne un taux acceptable. Ils veulent encore y croire, d'autant que le président de la République a multiplié les appels, comme jamais président de la République ne l'avait fait auparavant, pour convaincre les Algériens de se rendre aux urnes. Mais ce taux acceptable, Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du FLN, le situe à 45%. Pas plus. Il serait donc satisfait d'une élection boycottée par 55% de l'électorat ! Pour un scrutin déclaré d'égale importance que le 1er Novembre 1954 ou le 5 Juillet 1962, par Bouteflika et Ouyahia, le chef du FLN aurait dû placer la barre un peu plus haut, ne serait-ce que par égard au 1er Novembre et au 5 Juillet. S'il n'a pu le faire, c'est que les prévisions ne sont pas optimistes et que, même dans le camp des défenseurs de ce scrutin, l'espoir de voir les bureaux de vote pris d'assaut aujourd'hui est faible, trop faible. Et cela rend la question d'autant plus cruciale pour le pouvoir. Un fort taux de participation serait synonyme de quitus pour la conduite d'un processus politique ultérieur. Peu importe, ici, qu'un tel processus ait pour objectif de répondre à la demande populaire de changement ou de contourner cette demande, le temps que s'estompe l'onde du Printemps arabe que Ahmed Ouyahia a qualifié de “déluge”, trahissant un affolement avéré et, du reste, compréhensible. À l'inverse, un taux d'abstention et de boycott élevé disqualifierait le pouvoir dans son ensemble, son bilan, les “réformes” engagées par le chef de l'Etat et, par anticipation, toutes les actions et opérations projetées, à commencer par cette révision constitutionnelle qui impliquerait alors une Assemblée nationale non représentative. L'enjeu est de taille. Le pouvoir joue son va-tout. Cela ne va pas, par ailleurs, sans accroître les appréhensions exprimées ici et là quant à un recours possible aux malversations classiques, notamment le bourrage des urnes dont l'abstention pourrait être, dans une certaine mesure, un facilitateur. S. C.