Les professionnels du tourisme prévoient, pour l'été 2012, 6 millions de touristes au lieu des 7 millions habituels, dont 2 millions de Libyens, 1,5 million de Français, 1 million d'Algériens et 500 000 Allemands, en plus de quelques centaines d'autres issus des pays de l'Europe de l'Est qui commencent déjà à fréquenter les sites paradisiaques de Hammamet, Sidi Boussaïd ou encore Nabeul. Nous sommes le 28 avril 2012. à l'aéroport international Carthage de Tunis, retrouvailles et adieux se font à l'intérieur du terminal ou encore sur le parking. La promotion de la destination Tunisie auprès des principaux pays émetteurs, dont l'Algérie qui, faut-il le souligner, représente 1/7e de l'ensemble du tourisme tunisien, est l'objectif que s'est assigné l'ONTT (Office national du tourisme tunisien). à cet effet, des journalistes algériens ont fait ce voyage qui fut paradoxalement saisissant. Pourtant, la Tunisie revient de loin. Depuis le 14 janvier 2011, année durant laquelle le peuple tunisien s'est arraché une liberté, encore frileuse, rien n'est plus pareil… ou presque. Le pays commence à peine à renouer avec le monde extérieur à travers le tourisme notamment, son bailleur de fonds, dans l'espoir même infime d'en finir définitivement avec un système tyran dont les symboles sont encore visibles. “Nous prévoyons environ 850 000 Algériens en 2012”, nous dira Faouzi Basly, représentant de l'ONTT en Algérie. Et ajouter, à titre de rappel, que pour l'année 2011, “la Tunisie a enregistré un flux de 700 000 Algériens, alors qu'au mois de Ramadhan, 50 000 y ont séjourné”. Ils étaient un million en 2010, faut-il le souligner. Même si la Tunisie a été boudée par les Algériens, “révolution du jasmin” oblige, au profit d'autres destinations comme la Turquie ou encore le Maroc, il n'en demeure pas moins qu'ils préfèrent toujours y passer leurs vacances, et ce, pour beaucoup de facteurs, l'on citera entre autres le rapport qualité/prix, mais aussi et surtout une situation sécuritaire loin du chaos telle qu'elle a été galvaudée, il y a quelques mois, par certains journaux algériens qui visent, selon des Tunisiens que nous avons rencontrés sur l'emblématique avenue Habib-Bourguiba, à ternir l'image de la Tunisie. Et pour preuve, nous sommes en basse saison et les hôtels affichent déjà un taux de remplissage de l'ordre de 60%. En effet, les professionnels du tourisme prévoient, pour l'été 2012, 6 millions de touristes au lieu des 7 millions habituels, dont 2 millions de Libyens, 1,5 million de Français, un million d'Algériens et 500 000 Allemands, en plus de quelques centaines d'autres issus des pays de l'Europe de l'Est qui commencent déjà à fréquenter les sites paradisiaques de Hammamet, Sidi Boussaïd ou Nabeul. Les infrastructures hôtelières, le savoir-faire des hôteliers, un personnel jeune, dynamique et professionnel y sont pour beaucoup. Autant de facteurs sur lesquels comptent les Tunisiens pour booster un secteur qui représente 7% du PIB. Le 14 janvier 2011, Ben Ali quitte le pouvoir, après un mois de soulèvement populaire. Le tourisme, alors principal bailleur de fonds de l'économie en Tunisie, est le premier secteur à en pâtir et pas qu'un peu. Nous sommes à la zone du Lac, dans la banlieue nord de Tunis. Elle a été créée dans les années 1980 pour alléger la tension qui pesait sur la capitale, mais l'ancien régime de Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi mettra la main dessus très vite et les prix de l'immobilier explosent, dépassant même ceux pratiqués à Alger, selon M. Basly. “Tous les biens de Ben Ali and Co ont été réquisitionnés par l'état. Estimés à environ 200 millions d'euros, ils seront bientôt vendus aux enchères”, dira encore notre guide du jour. Magie et Farniente Nous sommes à Sidi Boussaïd. La cité garde toujours son cachet ancestral où le temps est presque figé, mais pas les gens. Ses ruelles pavées et enchevêtrées aux odeurs de jasmin grouillent de monde. Polonais, Hollandais, Français, Allemands, Libyens et Algériens… un véritable melting-pot. Sidi Boussaïd est un village que l'on surnomme aussi “le petit paradis bleu et blanc”, surplombant le golfe de Tunis. Outre les maisons aux gigantesques portes cloutées, sur lesquelles les aléas du temps ne semblent pas avoir d'emprise, se côtoient de petits magasins d'objets artisanaux où vous vous faites assaillir, sans relâche, par les vendeurs au grand sourire qui vous incitent à faire une petite halte dans leur caverne d'Ali Baba. Il s'agit là presque d'une tradition que l'on retrouvera un peu plus loin, dans la ville de Hammamet, située sur la côte sud-est du cap Bon, à environ une soixantaine de kilomètres au sud de la capitale Tunis. Considérée comme l'un des principaux bailleurs de fonds de l'économie tunisienne, Hammamet est une station balnéaire plus qu'une ville touristique, où se conjuguent hôtels grand standing situés au bord de la mer, dancings, centres de thalasso, casinos, salles de banquets et restaurants toutes spécialités confondues. Ajouté à cela la marina de Hammamet Yasmine, dont le développement a largement boosté l'économie locale, attirant de plus en plus d'armateurs venus des quatre coins du globe. Autres curiosités de la région, la Médina et son fort vieux de près de 7 siècles. Si aujourd'hui ce monument est un site touristique superbement conservé, ce n'était pas le cas en 1474, date à laquelle il fut construit par Belhadj Fraj pour protéger la ville d'une éventuelle attaque ou invasion étrangère. Donnant sur la mer, le fort est situé en plein milieu d'une Médina aux ruelles colorées et très étroites et aux maisons qui, aujourd'hui, servent de résidences secondaires à des stars de la télévision française. 1er mai 2012, nous faisons cap sur Nabeul, deuxième pôle touristique de la région, qu'on appelle aussi la ville de la poterie et de la céramique. Au gré des senteurs des aromates et autres saumures qui vous mènent à travers les méandres de son souk qui n'en finissent pas, vous vous laissez entraîner sans résistance. Réputé pour être l'un des endroits où le rapport qualité/prix est garanti, le souk de Nabeul ne désemplit pas, alors que nous sommes une année et demie après la révolution du jasmin. Ce fut long et laborieux pour ces millions de Tunisiens qui commencent à peine à goûter au parfum d'une liberté qui leur a été longtemps confisquée par un régime policier ostentatoire. “Aujourd'hui, je me sens libre, je peux dire et faire ce que je veux sans avoir la peur au ventre. C'est une sensation que le peuple tunisien n'a jamais connue”, nous dira Saber avec fierté, un jeune cadre dans le secteur de l'agriculture, rencontré sur l'avenue Bourguiba. “Le pouvoir d'achat a, certes, baissé, les prix des produits de première nécessité ont grimpé en flèche, mais rien ne peut nous enlever cette liberté pour laquelle nous avons payé un lourd tribut”, poursuit-il avant de nous convier à revenir dans son pays que nous quitterons non sans avoir un petit pincement au cœur. L. N.