Ces manifestations se veulent comme un message de rejet des terroristes d'Aqmi et autres narcotrafiquants de la part de la population du Nord malien. Les populations du nord du Mali semblent avoir pris conscience du danger que font peser sur la région les groupes terroristes. Longtemps considérés comme des alliés et soutiens d'Al-Qaïda et autres groupuscules terroristes, depuis la mi-mai, les choses évoluent au désavantage de ces groupes criminels. En effet, les 14 et 15 mai, de petits groupes ont pris l'initiative d'organiser des manifestations à Gao et dans les villes limitrophes pour dénoncer la présence des groupes terroristes sur le territoire malien. Action inédite dans une zone réputée être le fief et le sanctuaire des terroristes et des narcotrafiquants qui opéraient en toute liberté. Ce premier noyau a réussi ainsi à briser le silence et à dire non à Al-Qaïda et au Mujao. Cela intervient, paradoxalement, après les troubles qu'a connus cette région, mais surtout les prises de position de la rébellion (MNLA) et le groupe islamiste Ançar Edine qui ont clairement affiché leur hostilité aux groupes terroristes d'Al-Qaïda et du Mujao. Malgré leur différence en matière d'objectif, le MNLA revendiquant l'indépendance du nord du Mali et Ançar Edine l'instauration de la charia, il n'en demeure pas moins que sur la question de la présence de groupes terroristes, les deux principaux acteurs convergent. Non seulement ils dénoncent leur présence, mais ils ont déclaré qu'ils ne toléreraient pas que des armes soient détenues en dehors de leur contrôle. En plus des dissensions internes au sein d'Aqmi dues, selon les observateurs, aux désaccords sur le partage des butins de guerre et les postes dans la hiérarchie, ce groupe terroriste doit faire avec la rivalité que lui annonce clairement Ançar Edine. Le MNLA voit aussi d'un mauvais œil l'influence d'Al-Qaïda sur le terrain qu'il revendique pour en faire un état indépendant. S'ajoute désormais à cela cette prise de conscience de la population qui s'est exprimée par un franc rejet du terrorisme. De ce fait, on s'achemine vers l'isolement de tous les groupes terroristes dans cette région. Ou, tout au moins, la réduction de son champ d'action avec une limitation de ses mouvements. Ce qui conduira, selon les spécialistes, à l'évacuation de la zone. Sur ce terrain longtemps livré à toute sorte de crime, c'est le début d'un bouleversement qui ne va pas tarder à produire des effets, notamment l'effet massif de rejet des groupes terroristes. On déplore cependant six blessés parmi les manifestants dont un par balle. Les jeunes notamment sont sortis timidement la matinée, assez nombreux dans l'après-midi pour protester contre les interdictions qui leur sont faites, notamment jouer au football ou regarder la télévision. Réagissant immédiatement, le maire de Gao, Sadou Diallo, a qualifié les groupes terroristes Aqmi et Mujao d'“assassins” et de “criminels”. Cette réaction de la population contre l'insécurité et le terrorisme est la conséquence de l'échec et de l'incapacité des politiques à résoudre le problème sécuritaire qui est le principal frein à toute perspective d'investissement et de développement dans la région. C'est également un appel pour les autorités locales et centrales d'unir leurs forces afin de pouvoir combattre le terrorisme et ses relais dans la région sahélo-sahélienne. Celles-ci devraient exploiter cette piste qui a eu des résultats conséquents en Algérie dans les années 1990. Ces manifestations font comme un écho aux recommandations des rencontres, les 7 et 8 avril, des ministres des Affaires étrangères des pays du champ à Nouakchott ainsi que celle des experts réunis le 30 avril, dont l'axe principal est l'intensification du travail de sensibilisation. Axe déjà entamé par l'UFL qui a mené des missions d'information et de sensibilisation depuis une année. L'UFL a, par ailleurs, informé les autorités politiques sur le fait que la population de la sous-région n'adhère pas aux groupes terroristes par conviction mais par nécessité “financière”. Ses missions dans les pays de la région ont abouti à la conclusion qu'il faut non seulement initier des projets socioéconomiques ciblés, mais aussi associer et impliquer le citoyen à ces actions afin de l'extirper de la tentation et de priver les groupes terroristes de soutien. L'information révélée par Premium Times (journal nigérian) du 13 mai sur une transaction de 200 000 euros entre Aqmi et Boko Haram a été confirmée à Liberté par un expert de l'UFL. Aqmi a donné cette somme à Boko Haram, un premier versement d'un partenariat à long terme, selon le journal qui cite un rapport établi suite aux aveux de membres de Boko Haram arrêtés. Aqmi envisageait d'entraîner les éléments de Boko Haram, de les initier notamment à la fabrication des bombes artisanales et aux techniques d'enlèvement. Cela confirme les connexions entre ces deux groupes terroristes au sujet desquels l'Algérie a lancé maintes mises en garde. D B.