L'harmattan soufflant sur le nord du Mali, depuis le putsch du 22 mars, semble être plus violent que ce vent chargé de poussière et de sable qui pouvait obscurcir l'atmosphère dans la région du pays du Sahel entre novembre et mars. Celui-là est désormais chargé de… balles réelles ! La grande menace n'émane pas cependant des groupes armés d'Ançar Eddine et du Mouvement national pour la libération de l'Azawad, (MNLA), auxquels sont alliés les Touareg autochtones, dont les revendications sont avant tout d'ordre politique. La force redoutable, c'est surtout le groupe terroriste transnational dit Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui détient la grande majorité des armes récupérées en Libye. “Ançar Eddine n'est pas un groupe de terroristes (islamistes), mais c'est bien un mouvement populaire créé dans la foulée du putsch militaire, et dont la doctrine est basée sur la charia, (loi islamique). Une charia qui n'exclut toutefois, aucune frange de la société malienne, de quelque confession soit-elle. À l'instar d'autres mouvements, Ançar Eddine veut partager le pouvoir et les richesses du Mali”, allait préciser d'emblée notre guide, allié au mouvement, qui nous conduisait, dans la nuit du jeudi 10 mai, de Bordj Badji-Mokhtar à Gao, ville malienne sise à environ 700 km de la frontière algérienne. Existe-t-il une connexion entre Ançar Eddine et le groupe terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui sévit dans la région ? Iyad Ag Ghaly, fondateur d'Ançar Eddine, est-il réellement ce chef local, mis en avant par Aqmi, pour faire authentique, comme voulaient le faire croire certaines parties ? “Absolument pas !” répondent, sans trop méditer, les partisans de l'ancien chef du mouvement populaire de l'Azawad (MPA) que nous avons rencontrés à Gao. Lesquels idéaux, explique-t-on, ne visent que le règlement de la situation interne du Mali conformément à (notre) religion, mais qui n'ont “rien à voir” avec Aqmi dont les membres sont tous des étrangers. Mokhtar Belmokhtar, Abou Zeïd et Yahya Abou Hammam, sont ses trois chefs présumés. Aqmi n'ayant, par ailleurs, pas de lien avec Al-Qaïda transnationale à laquelle l'ex-GSPC avait annoncé son allégeance rien que pour faire diversion aux fins de gagner en influence. À Gao et à Kidal, (nord-est du Mali), la coexistence pacifique est, en revanche, établie entre Ançar Eddine et le MNLA. À Tombouctou (Nord-Ouest), une ville qui compte très peu de Touareg, les deux mouvements ne réussissent réellement pas une grande performance. Ici, c'est plutôt le fief d'Aqmi. La conjoncture n'aidant guère, Ançar Eddine et le MNLA ne se montrent pas cependant menaçants vis-à-vis de ce groupe terroriste étranger, et encore moins devant les narcotrafiquants organisés en mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, (Mujao). Ce groupe, dernier groupe auteur de l'enlèvement du consul et des diplomates algériens, a, quant à lui, réussi à occuper quelques villages isolés, notamment Tangara, à 140 km au nord-ouest de Gao. “Ce village connu pour être commercial est acquis à 100% pour le Mujao”, explique au passage notre guide, non sans nous demander de nous enturbanner. Etrangers que nous sommes, il voulait bien évidemment nous protéger des regards, le temps qu'un gamin autochtone aille nous chercher de l'eau fraîche dans un magasin de fortune, dressé à même le passage de la “Nationale”, (la large piste longeant le plateau désertique, dit le Tellemsi, allant de la frontière algéro-malienne jusqu'à Bamako, en passant par Gao). Le mercure atteignant alors plus de 50° ! Officiellement, le Mujao s'autoproclame comme une aile dissidente d'Aqmi. Ayad Ag-Ghaly : “Ecrivez tous ce que vous constatez” Après notre longue traversée du désert, hautement risquée, nous allons atteindre la ville de Gao, en plein milieu de la journée de vendredi 11 mai. Erigée au bord du fleuve Niger, cette grande ville du Nord malien, riche en ressources hydriques, fait désormais la convoitise de tous les mouvements. D'où nous allons être directement acheminés vers une maison hautement surveillée où nous allons être “encastrés” le long de la journée. Nos hôtes n'y sont cependant pas des moindres. Il s'agissait des chefs d'Ançar Eddine, à leur tête le cheikh Ayad Ag-Ghaly. Contrairement à son acolyte, Ahmada Ag-Bibi, membre très influent au sein du mouvement de la rébellion, qui a bien voulu répondre à toutes nos questions, Ayad Ag-Ghaly et son bras droit cheikh Abbas Intallah, se refusent hospitalièrement de se livrer à la presse. “Je ne refuse pas de vous faire une déclaration parce que vous êtes un journaliste algérien ou parce que vous travaillez pour le compte de l'organe francophone Liberté. Non, loin s'en faut. Simplement, c'est parce que j'avais, depuis la création de notre mouvement, décidé de ne faire aucune déclaration aux médias quelles que soient sa nationalité, sa nature et/ou sa ligne éditoriale. J'ai déjà refusé bien des sollicitations avant vous. Moi, je préfère que vous écriviez ce que vous constatez sur le terrain. Ecrivez librement tout ce que vous pouvez constater”, s'est contenté de nous confier le chef charismatique d'Ançar Eddine. La même réponse est donnée par Cheikh Abbas Intallah qui, lui, se suffit d'un hochement de tête pour exprimer l'alignement de sa position avec celle de (son) Cheikh. Plus rompu à l'exercice des questions-réponses, Ahmada Ag-Bibi n'a quant à lui, éprouvé aucune gêne pour nous livrer les moindres détails sur la situation générale qui prévaut au Mali, et particulièrement sur le combat d'Ançar Eddine et les négociations qu'il mène notamment avec l'autre mouvement influent dans la région du Nord, en l'occurrence le MNLA. Tout en dénonçant le terrorisme international, Ag-Bibi mise beaucoup sur le rôle, indispensable, que devait jouer l'Algérie pour le règlement du conflit malien (lire l'entretien). F. A.