La première soirée n'a tenu qu'une partie de ses promesses. Malgré quelques problèmes d'ordre organisationnel (gestion de la foule), elle a permis au public de Béchar d'assister au concert de Lemchaheb, qui a trouvé, depuis longtemps, la formule alchimique du bon groupe. Un concert exceptionnel certes mais rythmé par des imprévus liés à la désorganisation. Pas totalement raté mais pas vraiment réussie non plus (côté organisation), la première soirée de la sixième édition du Festival national de la musique diwane a été marquée par une mauvaise gestion de la foule. Une foule en effervescence venue faire la fête et se défouler sur les rythmes chaloupés des artistes de la célèbre formation Lemchaheb, certes ; mais une foule qui a franchi le périmètre de sécurité bien avant le début de la soirée, qui a failli endommager le matériel technique, et qui a fait “flipper” les organisateurs. La formation Lemchaheb, par la voix de son président, Salaheddine Kousra, a même menacé, à trois reprises, d'interrompre le spectacle, ce qui excitait davantage le public au lieu de le calmer. Ce laisser-aller quasi total lors du concert a créé une certaine anarchie, et même déconcentré les musiciens. Ne noircissons pas davantage le tableau de cette inauguration, qui avait d'ailleurs commencé aux environs de 19 heures par un défilé dans la ville (de l'APC de Béchar jusqu'à la place de la République) des dix troupes participantes et du carnaval folklorique de Kenadsa, Berkaychou. Plus tard, au stade En-Nasr et malgré les couacs, la soirée a été très colorée par la prestation de l'une des plus intéressantes formations qui s'illustrent dans le ghiwane. Quelques minutes avant le concert, Hocine Zaïdi, commissaire du Festival national de la chanson diwane a évoqué, dans un bref discours, les nouveautés de cette année, avant de céder la parole au représentant du wali de Béchar pour donner le coup d'envoi officiel. Nombreux, très nombreux, fut le public de la première soirée. D'ailleurs, certains habitués du festival nous ont affirmé que jamais il n'y avait eu autant de monde au stade En-Nasr. Tout ce beau monde connaissait et répétait les paroles de Lemchaheb, une formation musicale marocaine, créée en 1973. Ce sont six comètes (accompagnées par le batteur du groupe Essed) qui ont offert un spectacle magique : par la beauté des textes puisés dans le folklore (marocain, algérien, tunisien) et le tagnaouite, par l'intelligence dans les rythmes, et par un goût prononcé pour la théâtralité et le jeu de scène. Des éclats de beauté C'est aux environs de 22h30 que Mohamed Hamadi (bendir), Echadili Moubarak (bendir), Tarek Benaissa (bendir), Djamel El Moutawakil (tumba), Abderrahmane Nektache (basse) et Abdelwahad Zouak (mandole), ont rejoint la scène, dans l'effervescence générale. Le premier réflexe du public a été de sortir son téléphone portable et autre appareils photos pour filmer l'apparition de leurs idoles. Le début de la prestation a été émaillé par l'interprétation d'un titre inédit, intitulé Ya Sousdi âalik errahma : Une chanson en hommage à Mohammed Sousdi, une des figures emblématiques de Lemchaheb, disparu en janvier dernier. Même si elle porte le nom de Sousdi, la chanson rend hommage à deux autres membres disparus de cette formation : Chérif Lamrani et Mohammed Batma (ils citeront même Warda El-Djazaïria, dans ce morceau). Ils reprendront ensuite des morceaux phares de leur répertoire, notamment Daouini, Moulana, Filastin, El Ghadi bîid (très populaire à Béchar, et notamment reprise par Hasna El Bécharia), Ya latif, Nidali ou encore Ahaydouh. Pour le final, les membres de Lemchaheb ont entonné le célèbre titre, devenu un standard dans toute l'Algérie, Hakmet Lekdar, repris notamment par Dissidenten (de Hamid Baroudi). Au-delà de l'aspect purement musical et de leur empreinte apparente dans le ghiwane, Lemchaheb se distingue par des textes très courageux qui portent des revendications sociales et épousent les aspirations des jeunes (et des moins jeunes). S'il existe depuis près de quarante ans, ses textes, leurs sonorités et leurs choix n'ont pris aucune ride, et conservent toute leur beauté. Une beauté dans sa définition baudelairienne : moderne avec une part d'éternité. Cette éternité est ce retour au patrimoine, source intarissable de vie et de beauté. S. K.