Un voyage musical et initiatique qui démarre en France et qui se termine à Sidi Bel-Abbès en Algérie. Rahma Benhammou El-Madani offre un film personnel, riche en images inédites et en questionnements. Mais les réponses qu'elle trouve suscitent d'autres questions… La réalisatrice Rahma Benhammou El-Madani a présenté, avant-hier matin à la maison de la culture de Béchar, dans le cadre de la sixième édition du Festival national de la musique Diwane, son documentaire d'une heure vingt minutes, Tagnawittude. Le déclic pour la réalisatrice, comme elle l'explique dans son documentaire, est le souvenir de sa mère qui pratiquait la transe. Alors enfant, elle ne comprenait pas très bien ce que tout cela impliquait et surtout à quel monde accédait sa maman par le truchement de cette danse thérapeutique. Voulant en savoir davantage et constatant que la musique Gnawa prenait de plus en plus d'ampleur au milieu des années 1990, notamment grâce à la formation Gnawa Diffusion, Rahma Benhammou El-Madani a décidé de poser les questions qui l'habitaient à d'autres personnes. Elle suit deux membres de Gnawa Diffusion : le leader emblématique Amazigh Kateb qui lui parle, en tant que musicien, du style Gnawa ; Maalem Aziz Maysour l'entraîne dans le monde des Gnawa, d'abord à Essaouira, puis à Marrakech et Tamesloht (Maroc). Grâce aux deux musiciens, Rahma Boualem El-Madani rencontre les plus grands, notamment le regretté Maalem Ben Aïssa, un virtuose du goumbri et un homme qui a disparu comme il a vécu… en toute discrétion, même si son talent était incroyable. Ce qui est frustrant est qu'il n'intervient pas dans le documentaire, n'était le sublime solo au goumbri que la réalisatrice nous restitue. Elle rencontre également le regretté grand Maalem Hmida Boussou, et Maalem Ahmed Bakbou, qui lui apprennent davantage sur le Tagnaouite (la culture Gnawa). Mais une seule question semble obséder Rahma : Qu'est-ce que c'est que la transe ? Elle rencontre tant de personnes qui lui donnent, chacune, sa définition, sa version de la vérité, mais pas la Vérité. Elle n'existe pas et Rahma devra se contenter des bribes d'informations récoltées pour se forger sa propre idée et répondre enfin à l'interrogation qui la hante tant. Tagnawittude, qui mène sa réalisatrice jusqu'à Sidi Bel-Abbès en Algérie, est un film très personnel ; c'est une recherche de la trace. La réalisatrice s'interroge sur qui elle est, et [se] cherche à se construire et à se comprendre auprès des autres, ce qui est une très belle preuve à la fois de maturité et de sagesse. évidemment qu'on peut reprocher certaines incohérences au film, évidemment qu'on peut lui trouver des défauts et même des insuffisances, mais il reste un document inédit, dans un contexte où le Tagnaouite est comme une île inexplorée. Grâce à Tagnawittude, on comprend beaucoup de choses, notamment qu'au-delà du rite, des traditions, du mysticisme et des rituels, il y a une forte dimension communautaire. Outre cette dimension, il y a une magnifique musique qui émane de l'âme et qui évolue sur deux fronts : le sacré (diwane, lila) et le profane (la scène). Si certains “anciens” affirmaient dans le documentaire qu'une seule personne ne peut concilier entre le sacré et le profane, la nouvelle génération de Gnawa dément cette affirmation, car la plupart d'entre eux font de la scène aujourd'hui. Ils ont réussi à sortir cette musique de son cadre originel, et même de trouver un nouveau souffle par la fusion. Et les Gnawa Diffusion, qui se sont séparés et qui ont décidé récemment de reformer leur mythique formation, en sont la parfaite illustration. S. K.