Le Liban bascule peu à peu dans la crise syrienne. Moscou craint une régionalisation de la crise et un embrasement du Liban. La persistance du conflit en Syrie préparait une contagion à son voisin. La population du Liban s'est précocement divisée entre partisans du régime Assad et soutiens aux rebelles syriens. Marqué par trente années d'occupation syrienne, le pays ne peut se prémunir des débordements de violence hors des frontières syriennes : l'incursion fréquente de l'armée voisine le long de la frontière syro-libanaise et l'usage du Nord-Liban comme base arrière de soutien aux rebelles et d'accueil des réfugiés ont très tôt montré l'imbrication du pays dans la crise syrienne. Une série d'événements récents ont fait chavirer le pays de l'observation méfiante à l'engrenage de violence. L'arrestation de Chadi Mawlawi, un islamiste de Tripoli, la mort, dimanche, d'un cheikh et d'un dignitaire sunnite suite à des tirs l'armée libanaise, l'enlèvement, mardi, en Syrie, de pèlerins chiites libanais ont conduit à des heurts meurtriers à Tripoli et à Beyrouth. Le Conseil national syrien, principale force d'opposition au régime d'Assad, voit dans le rapt des treize pèlerins “l'implication du régime syrien sécuritaire […] en vue de créer des troubles au Liban, un pays frère qui accueille les réfugiés, les blessés et les persécutés du peuple syrien”. En plus d'un déferlement de violences, le Liban court donc le risque d'une instrumentalisation criminelle par Damas. Moscou, appui ferme de Damas, a exprimé hier sa crainte de voir le Liban pris en otage par le conflit syrien. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré hier : “Désormais, la menace est réelle que le conflit (en Syrie) déborde sur le Liban, où cette affaire pourrait très mal se terminer au regard de l'histoire, de la composition ethnique et religieuse de la population et des principes sur lesquels l'état libanais est construit”, avant de conclure : “C'est une évolution très dangereuse de la situation, à laquelle il faut échapper à n'importe quel prix.” Cette évolution semble cependant inexorable sans réponse intransigeante à Bachar Al-Assad. M. C. F.