les habitants de la cité des 350-Logements de Loudha Guighil à Bouzeguène crient leur désarroi. Ils ne savent plus à qui s'adresser et se disent abandonnés par les pouvoirs publics qui font la sourde oreille à leurs plaintes. “Nous sommes obligés de quitter nos logements de crainte d'une épidémie ou de chute de nos enfants dans les trous remplis d'eau noirâtre”, se plaint un habitant de la cité venu nous montrer les trous creusés puis abandonnés par l'entrepreneur, et les regards qui fuient de toutes parts. Et de poursuivre : “Ni l'APC, ni la daïra, ni l'OPGI, ni l'agence foncière n'ont daigné se pencher sur nos problèmes. Ils se renvoient tous la balle et se rejettent la responsabilité. Pendant qu'ils dorment tranquillement chez eux, nous vivons dans l'angoisse, la peur et l'inquiétude. Il ne nous reste qu'à lancer un SOS au wali de Tizi Ouzou pour l'inviter à se rendre sur les lieux et constater de visu ce qu'on considère comme une non-assistance à personne en danger, et si ça n'aboutit pas, nous écrirons au président de la République s'il le faut.” En effet, la cité – comprenant des logements sociaux, socio-éducatifs, LSP et des dizaines d'habitations privées bâties sur le domaine public – est réalisée sans aucune norme urbanistique. Les bâtiments construits dans un désordre et une anarchie indescriptibles sont loin de constituer cet ensemble résidentiel tant souhaité par les habitants. Des immeubles collés les uns aux autres, sans voies d'accès ni pour les véhicules privés, ni pour ceux de la Protection civile. Même le soleil ne pénètre pas dans certaines maisons. Certains ont préféré fermer leurs maisons pour retourner vivre dans la maison ancestrale du village. D'autres ont sous-loué leurs logements à des étrangers qui travaillent dans l'administration locale ou dans les établissements scolaires. “Ceux qui ont quitté leurs logements de peur d'une éventuelle contamination par les MTH ont raison. Nous demeurons encore dans nos logements car nous n'avons pas où aller. Nous achetons tous les jours de l'eau minérale car rien ne prouve que l'eau des canalisations n'est pas contaminée. Poussés par des conditions de vie très précaires, nous continuons à souffrir. À l'évidence, on devrait aussi quitter les lieux sans préavis et exiger des dommages et intérêts des pouvoirs publics qui ont failli à leurs engagements”, ont-ils déploré. Pour entrer dans la cité ou en sortir, il faut faire preuve d'une grande agilité. Des montagnes de terre, des excavations, des blocs de béton, du rond à béton… gênent tout mouvement. Les habitants se déplacent sur des passerelles en madriers, sur des briques et des parpaings. Devant nous, des enfants qui se rendent à l'école marchent en file indienne. Ils mettent tous les pieds à la même place de peur de glisser dans la fosse d'où se dégagent des eaux usées et des odeurs nauséabondes. Les conduites du réseau d'eau potable s'entremêlent dangereusement avec les eaux polluées. À Loudha Guighil, la vie des habitants est un calvaire. Combien de fois des quartiers de Bouzeguène ont été victimes de branchements d'eau douteux et des citoyens ont dû se faire examiner à la polyclinique après avoir consommé une eau impropre ? Combien de fois aussi des colorants d'une extrême toxicité ont été utilisés pour localiser des fuites d'eaux usées, alors qu'ils pourraient s'infiltrer dans des conduites d'AEP qui ne sont pas sous pression ? Le réseau de distribution est submergé par les eaux usées qui menacent la santé des consommateurs. Les locataires ne comprennent rien et ne savent plus où donner de la tête devant une situation aussi préoccupante. Cette pagaille ne se limite pas à la cité de Loudha Guighil, puisque, en plein chef-lieu de commune et de daïra, des quartiers entiers sont dépourvus de réseau d'assainissement et les citoyens continuent encore d'utiliser des fosses septiques. Et quand on veut mettre la charrue avant les bœufs, une trentaine de milliards de centimes ont été “gaspillés” pour bitumer les routes du chef-lieu sans avoir au préalable réalisé ni des caniveaux ni le réseau d'assainissement réclamé légitimement par les habitants. Les Bouzeguénois continuent à boire le calice jusqu'à la lie. Au demeurant, l'espoir de jours meilleurs demeure car, après tout, il n'est pas interdit de rêver. C. N O