N'était l'élection présidentielle, les 10 000 logements prévus pour fin décembre auraient pu être distribués au plus tard en janvier 2004. La conférence de presse, organisée avant-hier par la direction générale de l'AADL, a suscité beaucoup d'interrogations parmi la société. Des zones d'ombre quant à sa tenue persistent toujours. Le but recherché, selon les organisateurs, est de rassurer les souscripteurs à la formule location-vente, soucieux d'acquérir leur logement, à la suite du limogeage de l'ex-DG. Or, la nouvelle, annoncée au cours de cette rencontre avec la presse, n'est pas faite pour apaiser l'inquiétude des futurs bénéficiaires. La livraison des 10 000 logements, prévue pour fin décembre 2003, connaîtra, est-il précisé, un retard qui s'étalera sur le premier trimestre 2004. Quand bien même le report est qualifié de “léger décalage dans les délais de réalisation”, cette information risque de briser, toutefois, l'espoir de milliers d'Algériens qui attendent enfin d'habiter leur propre appartement. On apprécie la transparence dont a fait preuve l'Agence depuis le début de l'opération, mais l'on se demande aussi pourquoi le retard déclaré est évalué à trois mois uniquement. En termes plus clairs, le mois de mars, “choisi” pour la livraison, ne laisse pas indifférents les observateurs les plus avertis. En effet, d'aucuns estiment que la date arrêtée pour la remise des clefs “coïncide” avec la campagne électorale pour l'élection présidentielle. La livraison des 10 000 logements vers la fin du mois en cours est, selon des experts, techniquement faisable. Cette échéance pouvait être reportée d'une quinzaine de jours seulement, c'est-à-dire jusqu'à la mi-janvier au maximum. Les arguments avancés pour justifier le retard dans les réalisations tiennent certainement la route. Le séisme et ses répliques, les intempéries, la maladie du Sras empêchant le rapatriement des ouvriers chinois et la nature du sol ont, certes, empêché le bon déroulement des travaux. Cependant, cette argumentation peut-elle légitimer ce report de trois mois ? L'on se rappelle des déclarations du ministre de l'Habitat qui affirmait, en mars dernier, à l'issue de sa visite d'inspection des chantiers à Alger : “Il ne faut plus se focaliser sur les livraisons partielles de mars 2003. Il est plutôt préférable de doubler les efforts pour une réception totale dans les délais contractuels fixés auparavant à fin novembre (dernier, ndlr).” Les livraisons, conformément aux contrats signés avec les entreprises, étaient prévues pour fin novembre dernier. Si glissement il y a, il aurait fallu l'annoncer dès que le constat a été établi. Mais, rien n'y fit. Il a fallu attendre la destitution de l'ex-DG pour parler de retard. D'ailleurs, en cas de retard, il est impératif de procéder à des pénalités à l'encontre des entreprises réalisatrices, dont les chinoises et algériennes. Autrement dit, tout manquement aux cahiers des charges est passible de sanctions à commencer par des mises en demeure. Ce n'est pas logique donc que l'on attende la dernière minute pour attirer l'attention des concernés sur le retard. Car, il existe ce qui est appelé le “cahier de chantier” signé conjointement par le bureau d'études (BET) et l'entreprise. Des réunions hebdomadaires sont, à cet effet, programmées entre ces deux partenaires pour suivre l'évolution du chantier sur la base d'un planning préalablement arrêté. Sur ce cahier de chantier, qui se veut un tableau de bord des travaux, le bureau d'études mentionne toute anomalie constatée au maître de l'ouvrage. Il signale ainsi tout retard par rapport au planning. Il émet des réserves quant au manque en moyens humains et matériels. Il est également établi un rapport mensuel, détaillé et avec photos, sur le chantier qui est remis au maître de l'ouvrage. Si l'entreprise ne tient pas compte des remarques du bureau d'études et ne corrige pas les irrégularités, le maître de l'ouvrage est tenu d'envoyer par voie de presse une mise en demeure sous week-end à l'entreprise incriminée. C'est ce qu'a fait d'ailleurs l'ex-DG à l'égard de nombreuses sociétés, telles que Cosider et la chinoise CSCEC. Si les irrégularités persistent, des mesures coercitives doivent être impérativement prises contre ces entreprises. Reste à savoir si les différents BET ont signalé à qui de droit les anomalies, notamment le retard constaté sur chantier, évoquées lors de la conférence de presse. Une chose est certaine, si cette institution s'entête à avancer des arguments pour justifier le retard, c'est que, quelque part, elle se reproche vraisemblablement des tares inavouées. Par ailleurs, le fait que la date des livraisons soit fixée par le maître de l'ouvrage, qui est l'AADL, n'a pas été du goût des responsables hiérarchiques. D'où le report pour une date ultérieure qui est loin d'être innocente ou contractuelle. D'autres projets et non des moindres ont subi le même verdict. La réception de l'hôpital d'Oran, prévue initialement pour novembre dernier, est curieusement reportée pour le mois de mars prochain… L'autoroute Est-Ouest, le FNRDA… sont autant d'atout “électoraux” que détient le cercle présidentiel. La victime dans cet événement ne peut être malheureusement que le client qui est le partenaire de l'AADL. Le souscripteur, lui qui a engagé son argent, est ainsi en droit de réclamer son bien et de demander des comptes à la tutelle quant à ces différents retards. La décision de reporter la livraison prise à son insu prouve, encore une fois, que l'administration suspend l'épée de Damoclès au-dessus des citoyens et exerce toujours son autoritarisme. Pourtant, la formule en question était conçue pour épargner au citoyen la bureaucratie qui sévit au sein de l'administration. Maintenant que les logements sont en voie d'achèvement, la distribution est revenue étrangement aux walis ! B. K.