Résumé : Aïssa avait remarqué que sa sœur menait une vie pas assez calme auprès de ses beaux-parents. Elle le rassure en lui certifiant que son mari était bon avec elle. Sa belle-mère a la langue pendue, certes, mais elle s'y habituait et savait s'imposer. Désormais, il était là, et elle se sentait moins seule. Aïssa me serre le bras : - Ne t'en fais pas petite sœur… tout s'arrangera pour toi… et pour nous tous. Dès le lendemain Aïssa est embauché dans l'usine de détergents que dirigeait un certain Paul Lelouche. Un industriel que la guerre avait enrichi, car il fournissait l'armée en produits chimiques. Aïssa avait tout de suite commencé son travail et, dès le soir, avait rejoint le dortoir où Kamel lui avait déniché une couchette. Mon frère devrait se lever aux aurores pour prendre le tramway et faire deux escales avant d'arriver à son lieu de travail. Kamel l'aida de son mieux un premier temps… Mais Aïssa s'adapte rapidement, et je pouvais enfin souffler. Quelques mois passent. Ma voyance marchait bien. Na Daouia devint moins grincheuse avec moi, depuis que je me suis chargée d'approvisionner régulièrement sa cuisine et de mettre de l'ordre dans la maison. Avec mes revenus quotidiens, j'avais acheté des matelas neufs, des couvertures, de la vaisselle, des vêtements pour tout le monde, et même fait repeindre cette mansarde puante qui nous servait de logis. Sur mon conseil, Kamel s'était mis à la recherche d'un logement plus vaste et moins délabré… Je m'étais maintenant habituée à dévaler les escaliers avec des souris et des rats, et à marcher sur les corps d'ivrognes. Rien ne me faisait plus peur… Mais l'immeuble menaçait de s'écrouler et ses paliers ne tenaient que par miracle. Malek mon beau-frère, revint un soir à la maison sans crier gare. C'était la première fois qu'on se rencontrait. Tout comme mon mari, il avait un corps d'athlète et dégageait beaucoup de charme. Je prépare un repas en son honneur, et il m'offrit un cadeau. Un manteau en fausse fourrure, mais très élégant. - Mets-le tout de suite Louisa, que je le contemple sur toi… Avec ta tignasse rousse, cette couleur marron foncé rehaussera ton teint. J'enfile le manteau et me mets à faire les cents pas devant tout le monde. Ma belle-mère affiche une moue, Da L'Hocine me fait un clin d'œil, Kamel me sourit, et Malek applaudit : - Oh là là... ce que t'es belle ma sœur ! Je découvris en Malek, non seulement un frère, mais aussi un bon ami et un confident. Il était gai, et savait ramener de la joie dans la maison. Il avait repris son travail au monoprix et me ramenait chaque soir, des friandises, une fleur, ou un morceau de fromage. Je l'aimais pour ces petites attentions qu'il avait à mon égard. De mon côté, je faisais de mon mieux pour le voir heureux. Je cuisinais des plats qu'il affectionnait, lavais son linge, repassais ses vêtements, et faisais son lit. Je sentais que mon beau-frère n'était pas à l'aise dans sa famille. Malek était avide d'indépendance, de liberté… Un cap dans sa vie… Un cap qu'il doit vivre. Il était jeune, dynamique et ambitieux. Un jour il me demande de lui prédire l'avenir : - On m'a dit que ta voyance est infaillible Louisa… J'aimerais connaître ce que me réserve mon destin. - Seul Dieu connaît notre destin et notre avenir Malek… Moi je ne suis qu'un instrument… une sorte de fil conducteur… Je tente d'intercéder entre ce que je vois et ce qui pourrait arriver…. Ce don que j'ai reçu à ma naissance m'a été attribué dans ce seul but… Je ne pourrais changer ta destinée, mais peut-être que je pourrais d'éviter de mauvaises surprises. Malek, confiant, me tendit sa main. Je ferme mes paupières et tente d'entrevoir ces images qui remontent des tréfonds de mon âme. Tout à coup un brasier consume mon corps… Des flammes surgissent de toutes parts. Je lâche brutalement la main brûlante de mon beau frère. Surpris, Malek me lance un regard interrogateur. Je tente de reprendre ma respiration alors que je ressentais encore l'impact du feu sur ma peau. - Malek... dis-je dans un souffle… Tu… tu devrais quitter ton travail immédiatement. - Hein… ? Tu plaisantes Louisa… Par ces temps de vaches maigres tu veux que je laisse tomber un boulot tel que le mien ? Je hoche la tête : - Tu devrais… Malek, je t'y obligerais même. L'argent on peut le perdre tout comme on l'a gagné… Et tout comme on l'a perdu, on pourra le gagner encore et encore… Par contre ta vie n'a pas de prix. Malek donne tout de suite ta démission. Le monoprix où tu travailles en ce moment, va prendre feu… Un incendie va se déclarer. Je ne saurais te dire quand cela va se produire… Dans quelques jours tout au plus tu me donneras des nouvelles…. (À suivre) Y. H.