Les médecins n'ont jamais cessé de signaler, et ce, depuis des années, les anomalies et les négligences du CAC mais aussi de tous les services du CHU. Djamel Ould Abbès s'est enfin décidé à inspecter le CHU de Constantine, deux ans après sa nomination en tant que ministre de la Santé. C'est la première fois qu'il visite la plus importante structure sanitaire de l'est du pays. Arrivé avant-hier à 16h en catastrophe, il avait deux points à inspecter : le Centre anticancéreux (CAC) et une nouvelle IRM. Selon nos informations, cette visite a été programmée suite à des rapports accablants qui ont été adressés par la wilaya de Cons- tantine au ministère de la Santé et au gouvernement sur l'état désastreux des lieux et les conditions d'accueil inhumaines dans lesquelles sont pris en charge les malades du CAC. Tendu, Ould Abbès annonça dès qu'il foula le sol du centre anticancéreux du CHU que l'actuelle structure sera démolie entièrement aussitôt que le nouveau centre jouxtant le CAC sera prêt. Seul problème, son ouverture n'est pas pour demain : l'entrepreneur chargé de la réalisation du projet à qui le ministre exigera d'accélérer la cadence des travaux ignore quand le projet sera livré entièrement, à cause des avenants (plus de 30 milliards) qui ont suspendu les travaux durant un an, précise-t-il. Ould Abbès s'adressera ensuite au chef de service radiothérapie du CAC et aux responsables, leur signifiant que les trois accélérateurs qui se trouvent au port de Skikda seront acheminés à Constantine le plus tôt possible. Du matériel qui est en souffrance au port depuis des mois, à cause de lenteurs administratives ! Le ministre promet également que le reste du matériel médical arrivera des USA dans un mois, 600 milliards de centimes ont été débloqués. Sur la situation désastreuse du CAC, le ministre était choqué et parfois ne trouvait plus de mots pour exprimer son indignation. Face aux malades et leurs familles qui trainaient dans les couloirs et les salles d'attente, Ould Abbès écoutait attentivement leurs plaintes et leurs critiques. Il a aussi pris note des recommandations et des remarques des médecins du centre. Ces derniers tentaient tant bien que mal de dissimuler les insuffisances et les irrégularités comme la pénurie des médicaments ou encore l'insalubrité des blocs et des services. Les problèmes ne datent pas d'hier ! Les anomalies et les négligences du CAC mais aussi de tous les services du CHU Ben-Badis, les médecins n'ont jamais cessé de les signaler, et ce, depuis des années. Mais apparemment Ould Abbès ne s'attentait pas à voir un tel désastre. Comment se fait-il qu'un ministre en poste depuis deux ans ignore tous ces problèmes? Est-il mal informé ou au contraire croyait-il que tout fonctionne ? Craignant sans doute une réaction de colère du personnel médical du CHU, il n'a fait que remercier les médecins et les infirmiers. “Le personnel fait son travail malgré les conditions difficiles”, a-t-il insisté à plusieurs reprises. Devant l'ampleur du désastre, le ministre s'est offusqué mais a omis de donner des précisions sur l'origine du mal ou sur les personnes directement impliquées. Aucune sanction donc. Le ministre a constaté une défaillance flagrante du CAC sur les plans qualitatif et quantitatif. Une hygiène défectueuse, une salle d'attente bondée, des malades qui font la queue à partir de 2h du matin, une pénurie de médicaments et comble de tout : l'inadéquation des infrastructures sanitaires avec des équipements vétustes. En effet, les appareils de radiothérapie datent pour la plupart des années 1990 : “Un appareil est branché à 2h du matin et fonctionne toute la journée, c'est un miracle qu'il marche encore”, nous confie un médecin. Les médecins n'ont même pas de tensiomètre ! Le Centre anticancéreux accueille près de 160 malades par jour qui viennent de 17 wilayas de l'Est. Médecins et infirmiers sont unanimes à dire qu'il est loin de répondre aux normes, et dénoncent les conditions de soins misérables de près de 6 000 malades qui le visitent chaque année. Quelques jours avant la venue du ministre, nous avons rencontré sur place des médecins qui nous ont fait part de leur ras-le-bol : “Les malades attendent depuis 3 à 4 mois des médicaments qui n'arrivent pas. Il y a toujours des ruptures comme pour les antimitotiques ou les antalgiques, et pour nous, c'est difficile de faire des choix. Certains proches des malades payent les agents de sécurité pour prendre un rendez-vous. Lorsqu'un malade fait une chimio, il doit patienter des mois, et lorsqu'on le perd de vue, on sait qu'il est décédé. Les autres services comme la réanimation n'acceptent pas nos malades parce qu'ils savent qu'ils sont condamnés”, nous explique une jeune praticienne. Concernant toujours la pénurie des médicaments “les molécules mères donnent des résultats, mais les génériques ne répondent pas toujours. Certaines molécules sont introuvables dans toute la région Est”, ajoute notre interlocutrice. Les problèmes ne s'arrêtent pas là puisque pour notre médecin, les conditions de travail du personnel sont inadmissibles. “Pour ne rien vous cacher, nous n'avons même pas de tensiomètre! Les résidents n'ont même pas de chambre de garde”, regrette-t-elle. D B.