La fausse disparition de l'ancien raïs est intervenue alors que des milliers d'Egyptiens manifestaient place Tahrir au Caire pour dénoncer le “coup d'Etat constitutionnel" des militaires au pouvoir. La place Tahrir au Caire se préparait mardi 19 juin à une journée de manifestation contre la dissolution du Parlement par le pouvoir militaire, à l'appel d'organisations de jeunes militants révolutionnaires et des Frères musulmans. Le cortège devait se diriger vers le siège du Parlement, tout proche. Coup de théâtre, l'agence officielle Mena annonce la mort clinique de l'ex-président Moubarak ! Confusion : mort clinique, selon le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir. L'annonce de cette fausse disparition tombe à point nommé, avant ce jeudi, journée de la publication officielle des résultats du second tour de l'élection présidentielle revendiqué par les deux finalistes. Le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi et le camp de son rival Ahmad Chafik, dernier Premier ministre de Moubarak, qui a également assuré qu'il était en tête dans le scrutin qui s'est achevé dimanche soir, en accusant les islamistes de chercher “à voler la présidence". Les Frères musulmans, pour leur part, accusent les 19 généraux du CSFA de “coup d'Etat constitutionnel", ils venaient de s'octroyer de vastes prérogatives leur permettant de rester aux commandes quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle. Un peu plus tôt dans la journée de mardi, Moubarak était en route pour un hôpital militaire de la banlieue du Caire, après une nouvelle dégradation de son état de santé, il a été victime d'une crise cardiaque et d'une attaque cérébrale qui l'avaient plongé dans le coma. L'ex-raïs était détenu dans une aile médicalisée de la prison de Tora depuis sa condamnation à perpétuité le 2 juin, date à laquelle sa santé aurait commencé à décliner. Des sources de sécurité avaient fait état de dépression aiguë, de difficultés respiratoires et d'hypertension : il avait déjà été soumis le 11 juin à une défibrillation à deux reprises après des arrêts cardiaques. Moubarak, renversé par la rue au début de l'année 2011, a été condamné à la prison à vie pour la mort de manifestants lors de la répression de la révolution du Nil contre son régime, qui a fait quelque 850 morts. Comme tout a une fin, la sienne a sonné avec la contamination du “Printemps arabe" qui avait éclos en Tunisie, fin 2010. Le 25 janvier 2012, inspirés par l'exemple de la Tunisie, où le président Ben Ali a été renversé par la rue le 14 janvier, des milliers de jeunes Egyptiens se réunissent place Tahrir pour inaugurer la révolution du Nil. À la fin du mois, l'armée déclare que les revendications des manifestants sont légitimes et s'engage à ne pas faire usage de la force. Le 2 février, Moubarak envoie des miliciens à la place Tahrir. 9 jours plus tard, l'armée le contraint à la démission : il est incarcéré avec ses deux fils. En août dernier débutait son procès : l'image de Moubarak au tribunal sur une civière, derrière une cage grillagée, fait le tour du monde. En janvier 2012, les islamistes, Frères musulmans et salafistes, remportaient deux tiers des sièges aux législatives, les premières élections libres de l'histoire du pays. L'Egypte n'est pas sortie de la crise : en février, des violences après un match de foot entre deux équipes locales font 74 morts à Port-Saïd. En mai, après le verdict de la commission électorale d'écarter trois des principaux candidats à la présidentielle : Omar Souleimane, ex-patron des moukhabarate, Khaïrat al-Chater, numéro deux des Frères musulmans et d'Hazem Abou Ismaïl, leader salafiste, des affrontements entre manifestants et militaires à proximité du ministère de la Défense, au Caire, font vingt morts. L'armée serre les vis : 300 personnes sont arrêtées. 23 et 24 mai : premier tour de la présidentielle. Parmi la douzaine de candidats, deux sont retenus pour la finale : Ahmed Chafik, général à la retraite et dernier Premier ministre de Moubarak, et Mohamed Morsi, du Parti de la liberté et de la justice, formation politique des Frères musulmans. Avant le scrutin, le 2 juin, Moubarak ainsi que son ministre de l'Intérieur sont condamnés à la prison à vie mais six hauts responsables de la police sont acquittés et les charges pour corruption contre les deux fils du président déchu sont déclarées prescrites. Le 14 juin, coup de théâtre : La Haute cour constitutionnelle, installée par Moubarak, invalide le Parlement élu aux législatives de décembre-janvier, au motif d'irrégularités dans le mode de scrutin. Les militaires récupèrent les prérogatives législatives qu'ils ont assumées après la chute de Moubarak. D. B