Au mois de mai, l'inflation a connu un bond de 6,7% en rythme annuel. La part des produits alimentaires y est spectaculaire : 11%. L'accélération du processus inflationniste est d'autant plus remarquable que le prix de quatre des principaux produits constitutifs du panier de la ménagère algérienne est subventionné. Il faut rappeler qu'en plus du pain et du lait dont les prix sont historiquement soutenus, deux autres produits de première nécessité, le sucre et l'huile sont soutenus depuis les évènements de janvier 2011. Les divers corps de fonctionnaires et personnels du secteur public, en général, qui ont vu leurs salaires augmenter au cours de l'année 2011 notamment, voient maintenant leur pouvoir d'achat rogné par l'élévation soutenue des prix à la consommation. Au rythme actuel d'inflation, l'effet pouvoir d'achat de ces revalorisations salariales risque de s'annuler à terme. L'Etat ne pourra tout de même pas s'installer dans un cycle de fuite en avant “inflation-augmentation" pour juguler les risques que le renchérissement constant de la vie fait courir à la paix sociale et, partant, à la paix civile. Car, c'est bien de cela dont il s'agit : les augmentations de salaires des dernières années, si elles ont, en partie, comblé un déficit de niveau de rémunération, elles répondaient surtout à un mouvement de protestation sociale qui coïncidait avec un contexte de contestation politique. “La paix civile n'a pas de prix" : c'est ainsi que le Premier ministre justifiait ces augmentations. L'Etat est d'autant plus impuissant à parer à cet emballement inflationniste que celui-ci s'aggrave au moment où le marché pétrolier montre les premiers signes de tassement, après de longues années de prospérité. Le budget, par la demande qu'il exprime et par les revenus qu'il distribue, met aussi bien la consommation que la production — et l'importation, surtout — sous sa dépendance. Dans une économie de ce type, il n'y a pas de lien entre la productivité et les revenus, entre le capital et le travail ; tout est lié au budget, qui, à son tour, est lié au marché des hydrocarbures, pour ses ressources et... à la conjoncture politique, pour ses choix de dépenses. Dans le futur immédiat, et sans un raffermissement clair du marché pétrolier, ce rythme “inflation par le budget" pourrait être perturbé. Et il n'y a pas une économie autonome pour palier dans l'organisation du rapport social et, encore moins dans l'organisation du dialogue social. La tripartite est d'ailleurs l'expression même du fait que c'est le pouvoir, et non l'activité des agents économiques et sociaux, qui décide seul des rapports sociaux. Leur présence même à la réunion tripartite n'a qu'une signification rituelle. L'économie est ligotée par un déterminisme budgétaire. Et le niveau de vie en est aussi dépendant. Tout cela ne serait pas grave si cette économie de rente, politisée, voire “surpolitisée", n'avait pas piégé le pays dans ses possibilités de développement. Il est déjà ligoté par les nombreuses “situations de rente" que des organismes, des entreprises et des catégories professionnelles — et même la population entière, à travers le soutien aux prix — occupent. Le jour où la rupture avec l‘économie de rentre s'imposera, les dirigeants et le peuple du moment devront-ils assumer le chaos pour rebâtir sur des ruines un système de vérité économique ? M. H. [email protected]