Revoilà Abdelatif Benachenhou. L'ancien ministre des Finances, l'homme qui murmurait les tendances économiques à l'oreille de Bouteflika et bête noire des syndicalistes, refait surface pour combler le vide politique, né de l'attente du gouvernement. Avec un diagnostic qui n'épargne pas Ahmed Ouyahia. Benachenhou est probablement l'un des experts les plus brillants et les plus intelligents sur la scène économique. Disparu des écrans radars depuis des années, il a retrouvé l'usage de la parole devant les patrons du FCE, toujours à la recherche d'expertise amie qui peut leur donner cette fameuse verticalité pour faire arriver les bons messages au pouvoir politique. Les patrons avaient tenté leur chance avec les leaders des partis, notamment Ouyahia du RND qui les avait surpris avec un discours libéral. Depuis, Ouyahia a remis le couvert en accusant la mafia de l'argent sale de “gouverner" à sa place, provoquant ainsi le plus intéressant psychodrame depuis les législatives du 10 mai. Et comme le gouvernement n'arrive pas, qu'Ouyahia n'a pas trop envie de partir et qu'il ne veut pas payer l'addition de plusieurs années de tergiversations économiques, la sortie de Benachenhou prend une dimension encore plus instructive. Car, que dit l'ex-grand argentier du pays et porte-voix attitré de l'expertise économique présidentielle ? Il dresse une situation catastrophique de l'investissement productif et taille en pièce les deux mamelles de l'Algérie, Sonatrach et Sonelgaz. Il évoque une croissance illusoire, pointe les faiblesses d'un secteur public inapte à la commercialité et prévient sur la consommation excessive qui demeure subventionnée. Benachenhou, à la différence d'Ouyahia, est un libéral convaincu que seule l'ouverture totale aux capitaux étrangers peut nous sortir du cycle de la croissance biaisée par les prix de l'énergie. Il dynamite le constat d'échec d'Ouyahia en semblant lui dire que sa gestion de la transition a été mauvaise. Ainsi, le discours de Benachenhou, qui plaide également pour un plus grand rôle du Cnes (un petit coup de pouce à Babès au passage), se tient jusqu'à sa plaidoirie anti-Yousfi. Sans le citer, l'actuel ministre de l'Energie, dont un des enjeux est de savoir s'il reste ou pas au gouvernement, en prend pour son grade, l'accusant de n'avoir pas su réagir à 6 ans de récession dans le secteur. Une attaque en règle qui sonne soit comme une volonté de certains de reprendre les rênes de ce secteur ou un ultime reproche d'avoir éjecté son ami, Chakib Khelil, de l'énergie. Dans les deux cas, les piques de Benachenhou sont loin d'être anodines.