Transformer le 30 juin, date anniversaire du coup d'état militaire d'Omar El-Béchir en 1989 au Soudan, en une journée de mobilisation de masse. Tel est l'objectif de manifestants qui, depuis plus d'une semaine, battent le pavé de Khartoum contre les mesures d'austérité prises par son gouvernement. Les manifestants opposés au régime se prennent à rêver à un printemps soudanais. Le mouvement contre l'ex-général devenu président a pris de l'ampleur au point que les Services nationaux de la sécurité et du renseignement (NISS) ont lancé de vastes opérations dans les milieux de l'opposition mais aussi parmi la jeunesse, arrêtant tous les bloggeurs de la Toile. La répression s'accélère et la censure est renforcée au fur et à mesure que les protestations s'intensifient. Au départ, ce furent des marches contre l'austérité, puis les étudiants s'y sont mis de la partie. Les universités d'Omdurman, ville-jumelle de Khartoum et de la capitale, sont sous haute surveillance. Evénement rarissime au Soudan, gouverné depuis 23 ans d'une main de fer par Omar El-Béchir. À croire que son charisme mais surtout les craintes qu'il suscitait ont disparus. Le général président, populiste comme il y en a très peu dans la région, semble avoir épuisé la panoplie de ses fuites en avant. Après l'épée de Damoclès du Darfour, le chantage à l'islamisme radical qu''il avait pourtant introduit lui-même dans son pays, le dépeçage de son pays en deux morceaux, Omar El-Béchir apparaît aujourd'hui dans toute sa nudité face à sa population qu'il avait dupée même avec les poursuites engagées contre lui par la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. À ce propos, ses pairs africains commencent eux aussi à s'éloigner de lui. Le Malawi a refusé d'accueillir le sommet de juillet de l'Union africaine pour ne pas être embarrassé par l'encombrant président soudanais. L'Ethiopie, siège de l'UA et hôte du sommet, a du certainement faire savoir à El-Béchir qu'il serait malvenu. Il faut savoir que tout pays qui viole l'arrêt de la CPI est soumis à des sanctions, dont la coupure des aides internationales. L'élément qui a donné le feu aux poudres à Khartoum est le plan d'austérité massif annoncé par le gouvernement, alors que le pays est déjà miné par l'inflation et le prix démesuré des denrées alimentaires. Les bloggeurs commencent à être médiatisés par la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya, dans l'attente du relais d'Al-Jazeera du Qatar, le fer de lance des printemps arabes. Le Soudan sera-t-il le prochain sur la liste des printemps arabes ? Il faudra que Twitter ait lieu dans la rue. Si les manifestations contre le régime de Béchir interviennent par intermittence depuis plus d'un an, les protestations qui ont lieu depuis le 17 juin ont un caractère particulier. Ses protagonistes et ses acteurs se disent déterminés à continuer à lutter jusqu'à ce que le régime soit renversé. Rendez-vous le 30 juin, date anniversaire du coup d'état militaire d'Omar El-Béchir. D. B