RESUME : Louisa évacue enfin son chagrin. Elle est prise de tremblements, et son corps ne lui appartient plus. Durant un long moment, elle entrevoit le déluge... Un déluge qui s'est abattu sur sa vie au moment où elle ne s'y attendait pas. La crise passée, elle se sentit mieux, mais Aïssa vint la provoquer. Louisa lui reproche son insensibilité. J'entendis des enfants courir dans la maison. Belaïd et Idir se poursuivaient en riant. Leur rire était tel un baume sur mon cœur meurtri. Je tendis la main. Tassadite comprit mon geste et alla me ramener mes neveux que je serrais très fort contre mon cœur. Ah ! si au moins Kamel et moi avions pu avoir un enfant ! Aïssa et mes beaux parents repartirent en France. Malek et sa femme demeurèrent encore quelque temps au bled. Je profite de la présence de mon beau-frère pour lui recommander certaines choses. Je ne pouvais plus ni rentrer en France ni non plus revoir cet appartement où j'avais vécu heureuse avec mon mari durant de longues années. Je le chargeais de toutes les formalités requises quant aux papiers à préparer et aux affaires à récupérer chez-moi. Malek me rassure. Je ne devrais pas m'inquiéter. Si je le voulais, je pourrais rentrer en France et résider chez-lui autant que nécessaire. Je devrais reprendre confiance et m'adresser moi-même à l'entreprise où Kamel avait travaillé de longues années, pour récupérer mon capital décès et préparer le dossier de ma pension. À cette perspective, je versais encore des larmes amères... Kamel me laisse, mais assure mon avenir. Je ne devrais dépendre de personne ! Incapable de repartir en France, je prie mon beau-frère de s'occuper de toute la paperasse. Il n'aura qu'à m'envoyer les papiers à signer avec ces émigrés qui rentrent régulièrement au bled. Malek me promet de se charger de tout. Je me sentais alors un peu plus soulagée. Je craignais tant de repartir en France... J'appréhendais de reprendre le bateau et le train pour me retrouver à Paris. J'avais l'impression que l'âme de mon défunt mari errait quelque part sur les grandes routes de la capitale Française... Que je ne pouvais plus penser à lui que comme un fantôme qui pourrait hanter mon sommeil, mes nuits, et même mes jours. Rassurée, j'embrasse les mains de Sophie et de Malek, qui me promettra de passer chez Mme Olivier pour régler la dernière mensualité et récupérer mes affaires. Sophie m'avait veillé durant des nuits... Elle paraissait fatiguée et se languissait des enfants qu'elle avait laissés à la garde de sa mère. J'étais désolée de lui causer autant d'ennuis. La jeune femme vint me serrer contre elle. Non... Je ne lui cause aucun ennui, m'assure-t-elle. Pourvu que je me remette et que je pense à revivre enfin. Kamel était parti. Ni mes larmes ni mon chagrin ne le feront revenir. Je me rendis enfin à l'évidence ! J'étais désormais une veuve qui devrait prendre en charge son avenir et ne compter que sur elle-même. Mon beau-frère et Sophie repartirent en France. Je me sentais comme désemparée. Leur présence à mes côté m'avait été d'un grand réconfort. Maintenant, je n'avais plus que Tassadite et ma mère pour me soutenir. Je décide alors d'occuper mes journées. Je sortais très tôt chaque matin de la maison et me rendait dans les champs pour inspecter le travail des paysans et suivre de près les rendements saisonniers. On me reçu partout avec beaucoup d'égard. J'étais la veuve éplorée, mais aussi leur employeur ! Je n'hésitais pas à poser des questions et à tirer des conclusions. Le blé et l'orge donnaient de bonnes récoltes. Les oliviers aussi. Nous avions de la bonne huile d'olive, et nos ruches donnaient du bon miel. Les champs de légumes et fruits ne chômaient pas non plus. Notre famille était considérée parmi les plus aisées du village. Et grâce à qui... ? Une larme effleure ma joue... Kamel avait bien fait de récupérer nos champs. Si on avait compté sur Aïssa, cela fera belle lurette que ma famille aurait crevé de faim. Je rentrais chaque jour chez-moi un peu plus rassérénée. Je sentais la présence de Kamel partout autour de moi... Mais maintenant je pouvais évoquer son souvenir sans chagrin. Je priais Dieu de lui accorder sa clémence et son pardon. Kamel avait un bon cœur... Il était généreux et très sociable. Des jours durant, des télégrammes de condoléances me parvenaient de ses collègues et amis d'outre mer. (À suivre) A. K.