Pour la première fois depuis le début de cet événement dédié à la musique traditionnelle des diwanes et ouvert sur les expériences musicales dans le monde, le théâtre était plein et pour cause, deux géants de la musique africaine étaient à l'affiche. La cinquième édition du Festival international du diwane d'Alger a pris fin, avant-hier soir, au théâtre de verdure Saïd-Mekbel de Riadh El-Feth. Cette dernière soirée a été émaillée des prestations de deux grands maîtres de la musique : Tony Allen, grand batteur de renommée mondiale, qui a inventé avec Fela Kuti l'afrobeat, et Manu Dibango, 78 ans, saxophoniste de renom - un habitué de l'Algérie qu'il connaît très bien pour avoir séjourné durant plusieurs mois à Zéralda (ouest d'Alger). Le projet Tony Allen's Black Series a fait voyager l'assistance dans l'univers de l'afrobeat : un style musical à la rythmique hypnotique qui invite à la contemplation et à la nostalgie plus qu'à la danse ou à la fête. La musique de Tony Allen est encore attachée à la tradition Afrobeat, mais l'artiste réalise de savoureux mélanges avec d'autres musiques et instruments. Fondés sur un principe de répétitions, tout comme la musique diwane d'ailleurs, les rythmes de Tony Allen, inspirés également des musiques traditionnelles africaines, entraînent vers un état de transe. Les rythmes chaloupés de Manu Dibango, qui a assuré la deuxième partie de la soirée, ont fini par entraîner les spectateurs sur la piste de danse. Aux côtés de ses talentueux musiciens, celui qui a inspiré Michael Jackson et qui a créé le tube "Soul Makossa" - qu'il a interprété à la fin du concert -, a montré qu'il était encore un roi de la scène. Par ailleurs, tout au long de la semaine (du 8 au 14 juillet), le festival a été marqué par une très faible affluence du public. Si certains ont renvoyé cela au fait que le festival a été délocalisé l'an dernier pour une édition exceptionnelle à Tlemcen dans le cadre de la manifestation "Tlemcen capitale de la culture islamique 2011", ce qui a en quelque sorte "déshabitué" le public ; d'autres ont considéré que le choix du lieu n'est pas très judicieux, d'autant qu'à la même période se tenait également le Festival l'été en Musique à l'esplanade de Riadh El-Feth – et pour lequel l'accès était gratuit. Il est donc dommage que le public n'ait pas été au rendez-vous, d'autant que la programmation était très intéressante. En plus des trois lauréats du Festival national de musique diwane de Béchar (Diwane El-Waha, Diwane El-Bahdja, Nora Gnawa), des artistes du monde entier et de grosses pointures de la musique ont fait escale à Alger pour ce Festival, notamment le grand percussionniste Trilok Gurtu, la diva Fatoumata Diawara, les mythiques Orchestra Baobab, ou encore l'exceptionnel Peter Solo. Ce dernier a invité le groupe Diwane El-Bahdja à partager la scène pour un dernier morceau avec lui. Une improvisation dont le résultat a été d'une grande beauté. D'ailleurs, les organisateurs devraient songer à réaliser des fusions entre les artistes diwanes algériens et des artistes internationaux. Ce qui donnera certainement une autre dimension à la musique diwane. La programmation dénote une grande ouverture. Pourvu que ça continue ! S K