À quelques mois seulement des élections locales, la scène politique s'apprête à accueillir de nouvelles formations politiques qui viendront grossir le nombre des partis, déjà jugé pléthorique. Selon des sources concordantes, plusieurs personnalités, responsables politiques et anciens ministres planchent actuellement sur la création de nouveaux cadres de militantisme. Certains sont même à la phase finale et s'attellent aux dernières retouches. Si certains responsables n'ont pas encore annoncé la couleur, ce n'est pas le cas pour l'ancien ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, qui a décidé de faire part de son projet via ses comptes sur des réseaux sociaux. Selon des sources informées, l'annonce publique est attendue pour fin août et début septembre. Fort de son score électoral, réalisé durant les législatives du 10 mai dernier, à savoir treize sièges, soit plus d'un tiers du groupe parlementaire du MSP, le député d'Alger se détache de son parti pour entamer une nouvelle aventure politique. Refusant de donner plus de détails sur le futur nouveau-né, ses proches présentent le projet comme une structure différente de ce qui existe actuellement sur la scène. L'ancien-futur ministre veut bâtir un grand parti qui ira au-delà des frontières du courant islamiste pour ratisser large, y compris dans la tendance des démocrates et nationalistes. En d'autres termes, un parti qui aura pour ambition de remplacer les trois formations qui constituent l'Alliance présidentielle, fragilisés par les dissensions internes et affaiblis électoralement. Un parti qui aura pour ambition et peut-être même un rôle d'accompagner un candidat du consensus en 2014. Outre le parti de Ghoul, on annonce, par ailleurs, l'intention de l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Sid-Ali Lebib, de créer une nouvelle formation politique durant les prochains mois. Selon certaines indiscrétions, l'ancien DG des douanes aurait déjà entamé les contacts préliminaires avec des cadres politiques et ses amis pour constituer le noyau dur, peaufiner la stratégie et tracer les contours de la nouvelle structure politique. De leurs côtés, des anciens députés dont Ali Brahimi de la mouvance démocratique préparent activement la création d'un parti politique. Les fondateurs multiplient les contacts et les consultations, en attendant la tenue d'une réunion nationale pour discuter du programme et des principes généraux qui régiront la nouvelle formation. À ceux-là, il faut ajouter l'intention — pas définitivement arrêtée — de l'ancien premier secrétaire du FFS de créer un nouveau cadre de militantisme. Pour Karim Tabbou et ses amis qui viennent de démissionner avec fracas du plus vieux parti d'opposition, les choses ne sont pas encore tranchées. Faut-il créer un parti et ajouter un sigle de plus ou chercher d'autres cadres de militantisme et de lutte ? La question n'est pas à l'ordre du jour. Mais, selon des sources proches, des concertations et des consultations sont engagées et se poursuivent entre les membres du ce groupe et d'autres personnalités et anciens cadres du FFS pour débattre de cette question. Dans le même registre, on parle du projet de création d'un nouveau parti par un général-major à la retraite qui a eu à exercer des responsabilités au sein de l'armée jusqu'à un passé très récent. L'annonce est attendue depuis quelques mois déjà après avoir exposé publiquement son analyse sur la situation politique et économique du pays. D'autres personnalités, restées à l'écart et en marge de l'arène politique, pourraient être tentées par une nouvelle expérience au regard du discrédit qui frappe la quasi-totalité des formations existantes, le taux de participation aux dernières législatives étant une preuve éclatante. À cela, il faut ajouter les enjeux et la portée stratégique des futures échéances politiques qui sont susceptibles de faire bouger la classe politique — ancienne et nouvelle — et de la mettre en mouvement après des années de statu quo. Depuis l'adoption de la nouvelle loi sur les partis en janvier dernier, la scène politique connaît une effervescence. La plupart des partis traditionnels, squattés par des responsables depuis une quinzaine d'années, ont connu des contestations internes, des dissidences et des redressements qui augurent d'un travail de déconstruction de la classe politique, arrivée à ses limites. Cette démarche précède la construction d'un nouveau champ politique qui viendra remplacer l'ancien, laminé par les dissensions et les guerres de chapelles. Au lendemain des législatives du 10 mai 2012, un vent de contestation a soufflé sur la plupart des formations politiques, y compris celles connues comme étant hermétiquement fermées et suffisamment blindées aux dissidences. Rares les partis qui ont échappé à cette vague de redressement devenue la mode pour des responsables, hier proches collaborateurs des leaders, aujourd'hui décident de remettre en cause les choix politiques des partis. Les deux partis du pouvoir, le FLN et le RND en l'occurrence, font face actuellement à des crises graves qui déboucheront probablement sur un changement de la direction. Les deux chefs de parti, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia, candidats potentiels à la succession en 2014, sont contestés à l'intérieur de leur formation, situation qui compromet sérieusement leurs chances d'accéder au sommet de l'Etat dans moins de deux ans. Le redressement est inspiré et dirigé par des cadres considérés parmi les poids lourds dans ces partis. Chez les islamistes, la multiplication des formations politiques dans ce courant n'est pas faite pour arranger leurs affaires, eux qui veulent faire comme leurs homologues dans les autres pays arabes. Miné par les divergences doctrinales et les litiges historiques entre les différentes tendances, l'ambition démesurée et l'impatience de certains leaders de ce courant ont fini par anéantir les “chances" des islamistes de prendre le pouvoir en 2014 ou même dans les prochaines années. L'arrivée du parti de l'ancien ministre des Travaux publics sur la scène politique va certainement chambouler les calculs dans ce courant. Un parti qui risque de réduire encore davantage le poids électoral et populaire des partis islamistes actuels s'il arrive à prendre part aux futures élections locales, estiment des observateurs avertis de la scène politique. Cette reconfiguration politique en marche prépare le terrain pour les futures échéances politiques majeures qui attendent le pays dont la présidentielle d'avril 2014. Les dés sont jetés, les paris sont ouverts, reste à connaître les acteurs qui animeront la scène politique et électorale au cours d'une échéance stratégique et déterminante pour l'avenir de l'Algérie. Les futurs mois pourraient apporter les premiers éléments de réponse sur la décantation qui s'opère actuellement dans le champ politique et livreront des indices sur les intentions des uns et des autres, les alliances et la configuration de la future carte politique. M. A. O.