Un remue-ménage et de grandes manœuvres agitent les partis algériens du courant islamiste alors que leurs homologues dans le monde arabe multiplient contacts et rencontres. Après la déroute des législatives du 10 mai 2012, les islamistes tentent de se réorganiser en prévision des futures échéances politiques. La tendance des Frères musulmans, éclatée en deux partis après la dissidence de Abdelmadjid Menasra, cherche à se réunifier pour se présenter en force lors des prochaines élections locale et présidentielle d'avril 2014. Sur injonction de l'Internationale des Frères musulmans basée en Egypte, les deux formations se réclamant de cette obédience, à savoir le MSP dirigé par Soltani et le Front du changement (FC) de Menasra, sont sommées de s'unir en une seule entité politique pour bénéficier de la couverture politique et du soutien de la confrérie. Cette demande, voire cette exigence de l'Internationale des Frères musulmans, aurait reçu un écho favorable auprès des dirigeants des deux partis en guerre depuis plus de deux ans, puisqu'ils n'ont pas d'autres choix depuis que la direction des “ikhwan" a retiré sa bénédiction politique au MSP sans l'accorder à l'autre formation, le FC, qui se réclame lui aussi de ce courant. Selon des sources concordantes, une démarche de médiation a été entreprise par des personnalités proches des deux leaders pour accélérer la réunification des rangs. Cette démarche initiée par un ancien ministre MSP des années 1990 et réputée proche de Nahnah et pilotée, selon les mêmes sources, par Mustapha Belmehdi, un des meneurs de la fronde de 2008 et membre fondateur du FC. Des contacts préliminaires sont établis avec les dirigeants des deux tendances mais rien de concret pour le moment, avancent nos sources. Reste à savoir pour quelle forme opteront les initiateurs de cette démarche de réunification. Le parti restera-t-il en l'état ou changera-t-il de nom ? Ce qui est sûr est que Soltani ne sera pas le président de ce futur-ancien parti, étant donné qu'il a déjà consommé ses deux mandats réglementaires, comme le stipulent les statuts et le règlement intérieur du parti. Le principe serait que les deux têtes soient écartées pour permettre de réaliser un consensus entre les militants du parti. C'est ainsi donc que Menasra et Soltani seront sacrifiés sur l'autel de l'union et la fusion des tendances. Encouragés par la victoire de leurs collègues en Egypte et dans d'autres pays, les Frères musulmans algériens concentrent leurs efforts sur la présidentielle d'avril 2014 qu'ils préparent activement à tous les niveaux. Cette initiative intervient au moment où le MSP est en proie à une crise interne, conséquence de sa décision de ne pas participer au prochain gouvernement. Le parti est scindé en deux tendances qui affûtent leurs armes en prévision de la prochaine session du madjliss echoura dont la tenue est prévue pour le 27 juillet. Cette réunion organique de la plus haute instance du parti entre les deux congrès, la deuxième depuis les législatives du 10 mai 2012, sera l'occasion pour engager le débat sur des questions éminemment stratégiques pour le parti, affirment des sources très informées. Outre la préparation des futures échéances électorales, les locales notamment qui se dérouleront en octobre prochain, il serait question de la mise en place de la commission nationale de préparation du congrès du MSP dont la tenue est prévue pour le 1er semestre 2013. Selon certaines indiscrétions, plusieurs cadres militeraient pour l'avancement de la date du congrès pour régler les problèmes organiques qui subsistent et l'adapter aux nouvelles exigences de la situation, dit-on. Cette revendication est dictée par la volonté de certains de couper l'herbe sous les pieds de la direction actuelle, accusée d'être la source de la débâcle électorale. Enregistrée en mai dernier, la décision du madjliss echoura de ne pas participer au prochain gouvernement qui sera nommé par le président de la République a créé un malaise et aggravé la crise au sein du parti. L'aile participationniste du MSP n'a pas apprécié le nouveau cap imprimé au parti par l'aile dure qui veut faire rentrer le MSP dans la logique de guerre frontale avec le pouvoir. Cette nouvelle situation a créé des remous et risque de faire voler en éclats le parti, avant même les élections locales. Pour éviter une nouvelle crise, certains membres du madjliss echoura militent d'ores et déjà pour la révision de la décision relative à la participation du parti dans le futur Exécutif. Selon certaines indiscrétions, il n'est pas exclu de voir le MSP revenir sur sa décision sur cette question. Reste juste à savoir comment sera présentée et justifiée la démarche. Ghoul, le trouble-fête La perspective de la création d'un nouveau parti par l'ancien ministre des Travaux publics fait craindre une hémorragie au sein du MSP. Encouragé par sa performance électorale, Amar Ghoul est, à en croire des sources crédibles, sur le point d'annoncer officiellement la création d'une nouvelle formation politique. Selon certaines indiscrétions, l'instance des fondateurs composée de dizaines de cadres connus s'attellent à faire les dernières retouches avant l'annonce qui pourrait se faire durant le mois du Ramadhan ou, au plus tard, après l'Aïd. Selon nos sources, le parti ne sera pas exclusivement islamiste mais ouvert à d'autres cadres issus de la mouvance nationaliste. S'agissant de la dénomination, les fondateurs du parti ont retenu provisoirement le choix du parti pour la citoyenneté et le renouveau. Cependant, cet intitulé pourrait connaître une modification étant donné que le débat n'est pas définitivement clos sur cette question. On parle de la volonté de mettre espoir, renouveau et développement ou prospérité dans la dénomination du parti. Au sujet de la composante, on parle de grosses pointures du MSP qui auraient déjà rallié armes et bagages l'équipe de l'ancien-futur-ministre dont un vice-président du parti, plusieurs membres influents du bureau national et ceux du madjliss echoura. La liste des ralliés n'est pas encore clôturée, nous dit-on. Le député Amar Ghoul veut apparemment ratisser et parle même de cadres dirigeants des autres partis islamistes qui auraient rejoint sa formation en gestation. Cette dernière se structure et se prépare en prévision des futures échéances politiques que connaîtra le pays dans les mois à venir dont la révision de la Constitution et la présidentielle de 2014. Construit sur le modèle de l'AKP Turc, le nouveau parti d'Amar Ghoul aurait l'ambition de jouer un grand rôle sur la scène politique et combler ainsi le vide créé par la défection du MSP et la faiblesse du courant islamiste. Le congrès d'Ennahda, un conclave international Ce remue-ménage et les grandes manœuvres que connaissent actuellement les partis du courant islamiste algérien interviennent au moment où leurs homologues dans le monde arabe multiplient contacts et rencontres. Cette semaine encore, les principales figures qui dirigent les formations islamistes se sont retrouvées à Tunis, à l'occasion du congrès d'Ennahda que dirige Ghannouchi. Pas moins de cinq partis algériens dont deux de l'obédience des Frères musulmans avaient été invités à cette “messe". Si Belkhadem et Djaballah ont été représentés par des proches collaborateurs, Abou Djerra Soltani, Abdelmadjid Menasra et Fateh Rebaï ont assisté à cette réunion organique. Cette rencontre a été l'occasion pour un échange de points de vue et d'informations. Les dirigeants de cette mouvance coordonnent leurs actions pour parachever la conquête et la prise du pouvoir dans les pays arabes à l'occasion des élections organisées, même si les Libyens viennent, après les Algériens, de donner récemment une gifle à ce courant à l'occasion des dernières élections tenues il y a une semaine. Sous la houlette de l'Internationale des Frères musulmans et suivant les orientations du cheikh Al-Qaradaoui depuis la capitale qatarie, Doha, les tenants de l'islamisme politique tentent de se positionner comme l'unique alternative aux dictatures déchues. M A O