RESUME : Imprudente, Tassadite est montée sur un olivier pour en secouer les branches les plus hautes... Une branche cède sous son poids... Elle fait une chute de plusieurs mètres avant que son corps ne soit entraîné jusqu'au bas de la colline où sa tête heurte un rocher... Louisa et ses neveux sont inconsolables... Le deuil prend fin. Et la vie reprend le dessus. Malek fera un voyage éclair. Il avait appris la nouvelle en retard, et s'était empressé de venir nous présenter ses condoléances... Je fus frappé par sa maigreur. Mon beau-frère avait fondu... Que se passe-t-il... ? Malek m'apprend que Sophie n'en avait plus pour longtemps. Cela fait des mois qu'elle luttait contre une maladie incurable. Je crus mal entendre... En réalité je ne voulais pas entendre... Je ne voulais pas affronter encore un autre malheur. Malek met une main sur mon épaule : - C'est fini Louisa, Sophie n'est déjà plus parmi nous... Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Je m'écrie alors : - Pourquoi es-tu donc venu Malek ? Pourquoi l'as-tu laissée seule ? Il hausse les épaules : - Je voulais partager ta peine... Et puis même en restant auprès d'elle, je ne pourrais plus rien faire... Les médecins parlent d'un sursis de quelques semaines. Les larmes qui n'avaient pas encore séché inondèrent de nouveau mon visage. Sophie était plus qu'une sœur pour moi... Depuis le jour de notre rencontre, elle était celle sur qui je pouvais compter en tout moment... C'était elle qui faisait mon ménage quand j'étais malade, c'était elle qui me consolait quand j'avais du chagrin, et c'était elle qui était restée à mes côtés de longues journées et de longues nuits lorsque je faisais le deuil de mon mari... Sophie était une femme exceptionnelle... Oh mon Dieu ! Pourquoi permets-tu aux êtres chers de nous quitter au moment où l'on s'y attend le moins ? Malek laisse couler ses larmes, puis m'annonce : - Je retourne auprès des enfants dans deux jours. Je ne sais plus comment faire face à tout ce qui nous arrive tout d'un coup... Ils étaient si heureux en rentrant de leurs vacances ! Je hoche la tête : - Tant mieux s'ils gardent un bon souvenir de leur passage au bled... Ils pourront revenir chez nous autant de fois qu'ils le désirent... Ils seront toujours les bienvenus. Ils sont chez eux... Malek me serre le bras : - Je sais Louisa... Comme j'aurais voulu t'avoir à mes côtés là-bas en France dans ces moments difficiles... Je me sens si seul... Je n'ai plus personne là-bas... Même mes deux sœurs ont coupé les ponts. - Je te comprends fort bien mon cher frère... Hélas ! La France pour moi ne sera plus qu'un souvenir... Je suis désolée Malek. Il secoue sa tête : - Ne le sois pas Louisa... Toi aussi tu as eu ta part de chagrin dans ce monde... Tu as souffert et tu souffres encore... Heu... Je ne sais pas si le moment est bien choisi pour te l'annoncer, mais je dois aussi t'apprendre que Mme Olivier s'est éteinte il y a deux semaines dans une maison de repos. On dit qu'un malheur attire un autre... Tassadite, Mme Olivier, et bientôt Sophie... Toutes les femmes qui m'avaient aimée et que j'avais adorées me quittent en même temps. Mme Olivier était certes âgée, et elle vivait depuis quelques années déjà dans une maison de repos. Aux dernières nouvelles, j'avais appris que ses enfants avaient vendu l'immeuble où j'avais résidé et qu'ils s'étaient partagé les revenus... Un pur égoïsme de leur part... Avoir autant d'argent et oublier leur mère, c'était de la pure ingratitude. Je ne m'étais pas trompée dans mes prévoyances. Cette femme au cœur d'or était morte dans l'anonymat le plus absolu. Les larmes ne suffisaient plus pour colmater les plaies de mon cœur... Je me jette dans les bras de Malek, et nous nous mettions à pleurer comme une éponge. Mon beau-frère rentre en France le cœur lourd et l'esprit préoccupé... Il savait que les prochains jours n'allaient pas être de tout repos pour lui et avait voulu me revoir pour puiser son courage dans la force de mon caractère. Durant les heures qui précédèrent son départ, je ne cessais de lui prodiguer conseils et recommandations... Il faut préparer les enfants et les mettre devant le fait accompli avant qu'il ne soit trop tard... La volonté de Dieu est inébranlable... Sophie souffrait, et personne ne pourra plus rien pour elle, si ce n'est adoucir ses derniers moments... La mort lui serait en fin de compte une délivrance. Je débitais ces paroles, alors que mon cœur saignait. Sophie mourut trois semaines plus tard... Malek m'avait envoyé un télégramme pour me l'annoncer. Que pouvais-je faire devant cet autre coup du destin que de m'incliner devant le Créateur. Lui seul pouvait comprendre mon désarroi, et Lui seul pouvait me consoler et cicatriser mes profondes plaies. Je laissais le temps faire son effet. Belaïd et Idir étaient des hommes maintenant et s'occupaient presque de tout... Il faut penser à ramener des femmes pour combler le vide que Tassadite avait laissé chez elle... En réalité personne ne pouvait prendre la place de ma pauvre belle-sœur... Mais j'avais besoin de femmes pour m'aider moi aussi dans les multiples travaux ménagers, dans la basse-cour et les écuries. (À suivre) Y. H.