"Une belle aventure humaine" est le parcours vécu par l'équipe d'El-Gusto. Une histoire vraie qui démontre qu'il n'est jamais trop tard pour réaliser ses rêves. Vivant dans le souvenir et la mélancolie, Bernaoui, Castel, Perez, Tahmi et les autres retombent dans leur jeunesse et ressortent du gouffre grâce au chaâbi. L'aventure "El-Gusto" est un beau roman qui commence en 2003. La jeune architecte algéro-irlandaise Safinez Bousbia décide de visiter pour la première fois son pays natal. En se promenant dans les rues de la Casbah, elle tombe par hasard sur un artisan miroitier, Mohamed El-Ferkioui. L'accordéoniste fait un bond dans le passé pour parler de ses vieux souvenirs dans l'orchestre de Hadj El-Anka et de la vie qui a séparé tous ses membres après l'indépendance du pays. à ce moment, une magie s'opère, et l'architecte décide de réunir ces anciens acolytes dispersés entre Alger, Marseille et Paris. Ce projet a donné naissance au documentaire "El-Gusto", deux albums et une tournée internationale de l'orchestre. Sorti en France en janvier dernier, la réalisatrice a fini par obtenir un visa d'exploitation pour sa projection en Algérie. à cet effet, une avant-première s'est tenue, vendredi dernier, à la salle Cosmos de l'Oref. D'une durée de quatre-vingt-treize minutes, "El-Gusto" est distribué et produit par Cirta Film et Quidam Production. Il était "important pour nous que ce film soit projeté ici. L'aventure est humaine et la musique est venue seulement en deuxième plan", a déclaré Safinez Bousbia dans son allocution. La musique était le fil conducteur de ce film. Mais elle est aussi la passion commune et la raison de la rencontre des musiciens dans les années 1950. Après une séparation d'une cinquantaine d'années, "la musique les a réunis" une deuxième fois. Le chaâbi, cette musique populaire, représente pour ces hommes leur patrie et leur Casbah. C'était l'essence de cette citadelle où les notes et les chants planaient constamment dans les rues, les cafés et les maisons. Cette musique faisait oublier "la faim, la misère et la soif". L'autre beauté du chaâbi était la création d'une harmonie parfaite entre les musulmans et les juifs. Les frontières et les murs étaient brisés pour l'amour de la musique. Ces communautés vivaient dans la paix et partageaient ensemble "la misère et la pauvreté". Le violoniste et comédien Robert Castel (fils de Lilli Labassi) regrette amèrement le jour où ils ont dû "prendre la valise" et quitter leur famille de musiciens algériens. Aussi est-il le cas du joueur de mandole, Ahmed Bernaoui, emmitouflé dans les souvenirs de ses copains partis de l'autre côté de la rive et de la musique tant jouée à l'époque. Plus qu'un genre musical de divertissement, ces artistes racontent leur guerre dont les armes étaient leurs instruments. "Les musiciens étaient invités aux soirées données par les Français. Nous nous servions de cela pour faire passer des messages et remettre du courrier." Ce doc est une belle initiative humaine et musicale qui a permis à ces musiciens de renouer avec leur passion, de revivre leur rêve et de retrouver leurs amis de l'ensemble musical de Hadj El-Anka. Ce chef-d'œuvre rempli d'émotion forte, tendre et rigolote est une aventure à vivre avec l'équipe d'El-Gusto, qui sera projeté tout au long du ramadhan à la salle Cosmos et à Sierra Maestra. Quant au spectacle de l'orchestre, "nous attendons qu'on nous invite pour une représentation", a lancé Safinez Bousbia, en compagnie de plusieurs musiciens du film. H M