M. Idriss Boukra est professeur de droit international. Il est vice-doyen de la faculté de droit de Ben Aknoun à Alger. Il est auteur de publications dont : Le principe de non ingérence, publiée en 1990 et La légalité des moyens de pression pour faire respecter les droits de l'Homme. Dans cet entretien, il nous livre son point de vue sur la manière et les juridictions habilitées à juger Saddam Hussein. Liberté : Il y a actuellement une polémique autour du statut de prisonnier de guerre donné à Saddam Hussein. En considérant que l'Irak n'a pas déclaré la guerre aux Etats-Unis, mais au contraire qu'il y a eu invasion de ce pays par les Etats-Unis, ce statut de prisonnier est -il légal ? Idriss Boukra : Il est vrai que la guerre en Irak n'est pas une guerre classique. C'est une occupation sans confrontation directe entre deux armées. Mais d'après la convention de Genève, du moment que Saddam a appelé à une résistance qu'il a dirigée en utilisant des armes contre l'occupant, il est considéré de fait comme combattant et par conséquent, il a le statut de prisonnier de guerre. Il va être poursuivi pour crimes de guerre, alors que tous ceux qui ont suivi par médias interposés les événements pendant cette occupation se demandent quels sont les crimes qu'il a commis durant cette période ? Pendant la guerre du Golfe, le régime de Saddam a commis des crimes de guerre. Il a détruit des hôpitaux, des puits de pétrole, des sites culturels et a utilisé des armes non conventionnelles au Koweït. Pour ces actes, Saddam Hussein peut être jugé pour crimes de guerre. Il a aussi violé la Convention de Genève concernant le traitement qui doit être réservé aux prisonniers de guerre en montrant sur les chaînes de télévision les quatre soldats américains arrêtés pendant la résistance contre l'occupation. Il y a eu humiliation de prisonniers de guerre. Il sera jugé pour ces actes. Les Koweitiens et les Américains feront tout pour. À votre avis, comment et quel tribunal serait le plus approprié pour le juger pour ces crimes sans oublier ceux commis contre l'humanité. Il faut savoir que les crimes contre l'humanité ont été commis pendant et en dehors de la guerre. On peut citer ceux commis contre les Kurdes et certains civils irakiens et koweitiens. Il serait possible de créer un tribunal international comme celui créé à Nuremberg en Allemagne et celui de Tokyo pour juger ceux qui ont commis des crimes de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Je peux citer l'exemple du pays africain, le Rwanda. Un tribunal spécial a été créé à Aroucha en Tanzanie avec des juges internationaux. Il faut savoir que la création d'une Cour spéciale se fait au sein du Conseil de sécurité. Chose qui est possible, mais à mon avis, les pays qui y siègent comme la France et la Russie s'opposeraient, pour des raisons politiques sur lesquelles je ne veux pas m'étaler, à la création de ce genre de tribunal. Quant au TPI, l'Irak et les Etats-Unis ne sont pas signataires de la Convention de Rome.Il nous reste donc la troisième option, c'est de le juger sur le sol irakien par un tribunal irakien... Il y a possibilité de juger Saddam en Irak. Mais pour le juger pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, il faudrait d'abord que dans la loi irakienne existe un texte qui y fasse référence et qui définisse juridiquement ces deux types de crime. Car on ne peut juger une personne que sur la base de textes. Il reste cependant, que le gouvernement actuel en Irak peut promulguer ce genre de loi. D'autant plus que le ministre des Affaires étrangères actuel a déclaré que le gouvernement créera un tribunal spécial et que son jugement sera fait dans le respect total des conventions de Genève, à savoir : droit à la défense, citation de témoins et droit de faire appel. Mais il reste que la promulgation de telles lois, si elles n'existent pas dans ce pays, pose un problème de rétroactivité par rapport au crime de guerre, c'est-à-dire, elle ne sera pas appliquée sur le cas de Saddam. Mais ce problème ne se pose ???,pour les actes de crimes contre l'humanité. Il sera jugé pour ses crimes dans toutes les conditions. M. B.