Je ne peux oublier un dicton arabe qui dit : “Comparer l'épée à une canne, même en disant que l'épée est beaucoup plus valeureuse, est une insulte pour l'épée". Cela arrive malheureusement chez nous avec des comparaisons hâtive et peu réfléchies, qui mènent à des analyses superficielles, voire superflues. Certes, la Syrie était toujours un soutien absolu à l'Algérie, mais il faut que ça soit clair qu'il s'agissait du peuple syrien, élite et masse confondues. Le régime n'a fait qu'exécuter la volonté populaire, souvent pour se maintenir au pouvoir. Nuance. Certains amateurs chez nous se précipitent à comparer l'armée syrienne à l'armée algérienne, se glissant vers des théories de politique-fiction qui les éloignent des faits et des réalités. En Algérie, l'héritier de l'ALN adopta la conception immortelle de la Révolution algérienne. Celle-ci considérait les militaires comme des nationalistes qui portent l'uniforme militaire. C'est d'ailleurs pour cette raison que le colonel Houari Boumediene, fondateur de l'ANP, a choisi la couleur grise pour l'uniforme de l'armée, plutôt que le kaki, qui rappelait l'armée coloniale, dont les souvenirs douloureuses était encore vivants dans les esprits. Notre armée a participé dans tous les efforts du développement national, en tant que force vive de la nation. Elle a laissé sesempreintes de bienfaisance sur tout le territoire national. Dans les congrès du FLN les chefs des forces armées constituaient le cinquième des délégués. Ce n'était pas le cas en Syrie. Là, les partisans militaires du parti baâth ont détruit la déontologie des forces armées, c'est-à-dire une loyauté envers la patrie et non envers le régime, allégeance à l'Etat et à la nation et non seulement au chef de l'Etat, et surtout respect total de la hiérarchie militaire d'une façon absolue et permanente. Je me souviens d'un incident que j'avais vécu dans les années soixante. J'étais à l'époque médecin-chef de la Marine Nationale. Comme tout les camarades, entre autre Benmoussa et Rachid Ben Yelles et beaucoup d'autres, j'assumais des tâches qui dépassait, parfois, ma fonction essentielle. J'étais le commissaire politique de la marine, et dans ce cadre j'ai participé à l'organisation des réceptions offertes en l'honneur de délégations étrangères. Un jour, nous avons reçu des délégations militaires arabes, dont des éléments de l'armée syrienne, présidée par un général. Pour le dîner officiel nous avions prévu une table d'honneur réservée aux chefs de délégation. Dans la grande salle de la Corniche, qui fut un cercle d'officiers, je me suis adressé à un groupe d'officiers syriens pour chercher leur général. J'ai répondu au lieutenant qui m'avait interrogé : c'est pour accompagner le général à sa place, à la table d'honneur. Le petit officier m'a regardé de travers en murmurant avec un mépris flagrant: “Tu le prends pour un homme". J'ai été choqué. Je ne pouvais imaginer qu'un officier se permette d'insulter son supérieur devant un étranger, dans un pays étranger de surcroît. Au départ, le pouvoir syrien a utilisé les liens et dogme partisans pour s'assurer la loyauté de l'armée, mais, petit à petit, il a remplacé les officiers baathistes en faveur des membres de la secte alaouite, connus par leur loyauté aveugle à la famille Al Ouahche, alias Al Assad. La concentration la plus importante des officiers alaouites était au poste de commandes, notamment aux services de sécurité, réputé pour sa férocité extravagante. La valeureuse armée syrienne s'est transformée en une milice, bien nourrie, bien entretenue, et surtout, hautement armée et bien préparé pour mâter et réprimer toute rébellion, voire la moindre contestation revendicative. L'image n'était pas loin de ce qui s'est passé en Libye ou au Yémen. L'anecdote racontée par les Syriens est révélatrice. Ils disent que chaque armée dans le monde a un service de sécurité, mais en Syrie, le service de sécurité a une armée. L'ancien ministre de la Défense, Mustapha T'lass, était le sunnite de service. Le régime avait besoin de ce très haut gradé qui n'a jamais donné un seul exemple de bravoure militaire ou de distinction politique. Certains là-bas utilisent, en faisant allusion au général et ses semblables, l'expression “Omega". Comme la fameuse marque de montre suisse qui n'avance jamais, ne retarde jamais et ne s'arrête jamais. Toujours au service du maître. Tout cela explique pourquoi cette armée n'a jamais gagné une guerre. Ses exploits militaires se trouvent seulement dans l'attaque du camp de réfugiés palestiniens à Tel El Za'ater au Liban, en 1976, et à El Yarmouk en Syrie, 36 ans plus tard. La légende de l'armé syrienne s'est évaporée quand elle a accepté d'agir en mercenaire, épaulant l'invasion américaine de l'Iraq en 2003. Cette armée n'a pas tiré un seul coup de feu au Joulane, lâché en 1967 aux Israéliens avec un laisser-aller spectaculaire. Ca n'a pas été la faute des soldats mais de la direction, qui a transformée l'armée à une milice, qui utilise le MIG-21 contre son peuple, et qui recrute les repris de justice pour éliminer ses opposants, faisant du mot “chabbihas" avec le mot “baltaguias" de l'Egypte, le mot le plus détesté du monde arabe. Le mérite de l'armée libre syrienne c'est qu'elle essaye de rendre à “l'armée" du pays frère sa valeur initiale, et de récupérer le prestige perdu des combattants syriens de Salah Ed Dine Al Ayoubi. La clé d'une solution urgente et moins coûteuse en Syrie est entre les mains de la minorité alaouite, tenue en otage par une famille qui pratique le chantage sanglant ; c'est nous ou le partage de la Syrie entre la majorité sunnite et les autres minorités, les alaouites en tête. Les alaouites perdront leur avenir s'ils ne font pas ce qu'ont fait les Italiens à Mussolini. M. A.