Sidi Bouzid, d'où est partie l'étincelle de la révolte populaire qui a fait fuir le président Zine al-Abidine Benali, ne décolère pas comme le montre la succession de manifestations contre le pouvoir islamiste réprimées par la police. Après une petite accalmie suite aux manifestations de la matinée, la police tunisienne a du recourir aux grands moyens dans la nuit de jeudi à vendredi pour disperser une deuxième manifestation contre le gouvernement à Sidi Bouzid. Quelque 800 manifestants protestant contre l'intervention de la police contre une première manifestation dans la matinée et contre le gouvernement dominé par les islamistes d'Ennahda ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre, qui ont répliqué par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène. Plus tôt dans la journée, les forces de police avaient dispersé de la même manière une manifestation d'opposition à laquelle ont pris part plusieurs partis d'opposition qui avaient participé au rassemblement, comme le Parti républicain, le Parti des travailleurs tunisiens, et Al-Watan, lorsque les protestataires avaient tenté de pénétrer de force dans le siège du gouvernorat de cette ville. La répression avait fait une personne blessée par une balle en caoutchouc et quatre autres intoxiquées par le gaz et qui avaient alors été transférées à l'hôpital de la ville, selon le surveillant général de l'établissement. "Les revendications du peuple relatives à l'amélioration de sa situation sociale deviennent de plus en plus insistantes mais, malheureusement, le gouvernement n'est pas au service de ce peuple", a déploré Mohamed Ghadri du Parti républicain. Fin juillet, la police avait déjà dispersé à Sidi Bouzid des dizaines de manifestants qui avaient attaqué le gouvernorat pour protester contre des retards de salaires. Le Parti des travailleurs a, dans un communiqué, dénoncé l'usage de la force dans la matinée par la police et exprimé son appui aux revendications des manifestants, exigeant entre autres le limogeage du gouverneur, du chef de la Garde nationale et du procureur de la République. Le Parti communiste réclame dans son communiqué la libération de quatre manifestants interpellés jeudi, selon lui. Sidi Bouzid est située dans une région particulièrement pauvre et marginalisée sous l'ancien régime. Or, selon des analystes, la situation ne s'y est guère améliorée depuis la révolution. L'intervention musclée de la police, jeudi, intervient au moment où l'opposition et la société civile accusent le gouvernement d'une dérive autoritaire et islamiste. Plusieurs ONG craignent une remise en cause de la liberté d'expression après l'introduction d'un projet de loi punissant de peines de prison les atteintes au sacré. M T. /Agences