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Mérite et compétence : le credo des nations civilisées
Publié dans Liberté le 23 - 08 - 2012

«Nous paierons trop cher le privilège d'être devenus des dieux par la puissance, avant d'avoir mérité d'être des hommes par la sagesse.» Jean Rostand
Récemment, un évènement local, apparemment banal, a suscité en moi un mélange d'inquiétude et de colère. Deux jeunes gens, l'un âgé de 22 ans et le second de 28 ans, ont décidé d'entamer une grève de la faim pour revendiquer, tenez-vous bien, un emploi et un logement. En fait, le rêve de tout Algérien. Mais force est de reconnaître que dans le contexte actuel leur action paraît tout à fait normale. Mieux, elle provoque un sentiment de sympathie, notamment de la part ceux qui ont réussi dans leur vie sans trop de peine, trop facilement. Quand d'autres ont dû s'échiner au travail, passer des nuits blanches et compter leurs sous pour s'offrir un coin de dignité. Il est clair que le mérite compris par les uns et les autres n'a pas la même signification en ces temps peu glorieux. Mais nous avons en partage un devoir envers le mérite : celui d'apporter individuellement notre part d'effort, aussi modeste soit-elle, pour contribuer à la construction du pays. Le droit au mérite doit découler de cet investissement personnel quoiqu'en pensent les nombreux profiteurs du système. Réclamer à l'âge de la floraison les fruits de toute une vie comme le font ces deux garçons, n'est ni sensé ni conforme à l'ordre naturel des choses. Il reste cependant que devant les innombrables abus dont se sont rendus coupables les prédateurs du régime, tout un chacun pense qu'il est dans son bon droit de réclamer le prix du silence parce que les gouvernants ont trop longtemps montré le chemin dans un pays riche de son pétrole qui compterait environ 6 000 milliardaires. Mais il doit y en avoir certainement davantage. Plus qu'on ne l'imagine. Car au premier cap du milliard déjà -le Smig de la fortune ?-, la liste des richissimes qui essayent de passer inaperçus est impossible à dénombrer. De la grande ville au petit coin de la Mitidja en passant par les bourgs frontaliers, ils essaiment partout ces nouveaux Crésus. En fait, dans notre société, il y a ceux qui vivent de leur sueur et ceux vivent de la magouille. Ceux qui ordonnent et ceux qui exécutent. Ceux qui pensent pour nous et ceux qui ne pensent pas du tout, se contentant de ne penser qu'à eux-mêmes. Le monde est ainsi fait. Il reste que, face à cette fatalité, nous possédons en propre une gênante mais vraiment gênante tare qui semble alimenter tous nos maux. Combien d'entre nous ont mérité leur sort au pays des miracles (bled el-mouâdjizate), devenu aussi le pays de la débrouille (bled el-kafzete) ? Une bonne question en cette ère de fortes turbulences. De qui mérite-t-on le plus ? De sa “noble" naissance ? De sa tribu ? Du hasard ? De ses reniements assumés ? De son talent personnel ? La notion de mérite renvoie immanquablement à l'idée de récompense, de gratification pour un travail accompli, d'efforts couronnés par le succès et la richesse honnêtement accumulée. Elle se mesure à l'aune des valeurs que chacun porte en soi et qui lui permet de se singulariser au milieu de ses pairs. Une société qui n'honore pas l'effort dans tous les actes de la vie a peu de chance d'assurer le bonheur de ses membres. Elle est irrémédiablement condamnée à la déchéance, à la ruine. À voir autour de nous comment les gens emploient leur énergie pour se frayer un chemin dans le maquis de nos turpitudes juste pour profiter du système, on reste sidéré par l'ampleur des dégâts collatéraux. Nous souffrons davantage des bêtises des autres que de nos propres tares. La démocratie dont se prévaut l'Etat, n'a de sens que dans une méritocratie, autrement dit dans un mode de gouvernance porté par des hommes choisis selon leurs aptitudes et leurs capacités à susciter le progrès et les changements dans tous les domaines.
Le principe de Peter
Selon le principe de Peter, chaque individu, à un moment de sa vie professionnelle, atteint son niveau d'incompétence au-delà duquel il ne peut plus avancer. Hélas, voilà une théorie qui résiste mal aux mœurs politiques en vogue parce qu'ils sont légion ces maîtres imposés, flagorneurs, roublards, débrouillards, prêts à griller les étapes sans autre bagage que leur ticket de dérogation. Dans les sociétés contemporaines soucieuses de leur développement, les concepts de management, gestion des ressources humaines, évaluation cognitive ou compétence transversale ont acquis depuis longtemps droit de cité. Le destin des communautés est effectivement dépendant des élites saines, patriotiques qui cultivent un sens aigu du devoir, participent efficacement à la marche de l'histoire. Le mauvais choix des hommes a entraîné de graves préjudices aux peuples qui n'ont pu conquérir pleinement leur souveraineté. Dans le bilan de nos échecs, le sentiment d'amertume, aussi dérisoire que nos vanités, nous ramène à cette lancinante question : Qu'a-t-on fait pour encourager les meilleurs travailleurs à devenir encore meilleurs ? Le parachutage, le népotisme, le parrainage et la cooptation des «copains et coquins», souvent liés à des visées corruptrices, ont considérablement affaibli nos capacités nationales. Au nom de toutes les légitimités et notamment le mérite «révolutionnaire» transformé en legs qui a servi de tremplin à des destins obscurs. En parallèle, d'autres territoires (partis politiques, syndicats, œuvres sociales, organisations de masse, médias, directoires et autres associations phagocytées par les partis politiques...) se sont érigés en pôles d'influences assimilés à des rampes de lancement. D'où les carrières stupéfiantes de nombreux “mongoliens" de la politique dont certains sont devenus ministres. L'image que nous ont renvoyée les législatives du 10 mai est amplement édifiante á ce propos. «À force d'accepter les honneurs, on finit par croire qu'on les mérite», avait écrit Gilbert Cesbron dans Mourir étonné", un titre qui pourrait s'appliquer à bon nombre de responsables... Ce faisant, on a souvent “récompensé les apparences du mérité que le mérite lui-même" pour reprendre le bon mot de la Rochefoucauld. La “noble" naissance ou le lieu de naissance ou encore un voisinage providentiel peuvent s'avérer des atouts décisifs dans un parcours existentiel jusque là pauvre en satisfecits.
Les divisions sociales volontairement non codifiées n'ont eu de cesse d'affaiblir le sentiment communautaire et de provoquer parmi un grand nombre de travailleurs dévoués à la cause publique, lassitude et découragement. Qui ne se souvient pas des fournées de militants du comité central (CC) du FLN intronisés au grade de «cadre supérieur de la nation» juste avant la fin de règne annoncée du parti unique ? Cohortes sorties sur la pointe des pieds avec un statut arraché, presque volé, qui allait ouvrir la voie à la surenchère. La curée en catimini arrosera tous les «enfants du système» bien avant l'apparition du célébrissime et soporifique «l'homme qu'il faut à la place qu'il faut». Le «pourquoi lui et pas moi ?» revendiqué à l'aune du planton devenu VIP (very important personnage) a précipité sur les décombres du mérite et de la compétence, l'avènement d'une nouvelle race de politicards, cadres syndicaux et représentants du peuple qui, à la faveur des opportunités électorales peu exigeantes en matière de critères, ont surgi de derrière les fagots le cigare à la bouche et le ventre prospère pour brûler la politesse aux jeunes élites désargentées et acculées à la marge politique. La logique du pouvoir veut que ceux qui le détiennent résistent. Les puissances financières érigées à l'ombre de l'économie de bazar ont tissé des liens étroits avec les cercles de décision, notamment au niveau des localités de l'intérieur du pays. Les marchés publics aiguisent les appétits et, par le jeu des influences, se concluent souvent au profit des mieux soutenus au lieu des mieux «disants». C'est pour cela que les cénacles politiques tels que l'APN ou le sénat sont courtisés par les hommes d'affaires. Les partis-godillots fourmillent de cette gente à la recherche de relais efficaces. Les formations politiques, plus nombreuses que jamais depuis qu'une cynique règle a ouvert la porte à n'importe qui capable de rassembler 15 personnes et de créer une entité organique agréée, se sont transformées au fil du temps en caisses de résonance affiliées aux équipes au pouvoir dans l'unique but de profiter à fond de la rente. C'est dommage pour la démocratie avec un grand «D» parce que les contre-pouvoirs, les vrais, sont nécessaires pour empêcher les dérives et consolider l'Etat de droit. Aujourd'hui, il suffit de quelques mois de militance, d'un peu d'entregent et de beaucoup de générosité surtout, pour concrétiser ses rêves. «L'argent mène à tout, à condition d'en sortir... beaucoup», nous enseigne l'adage.
Combien de cadres valeureux, honnêtes et loyaux ont été poussés vers la porte de sortie parce qu'ils ne répondaient pas aux attentes des décideurs ou avaient refusé de servir de bouc-émissaires.
Assailli quotidiennement par des coups
de téléphone venus d'en haut, un brillant responsable m'a avoué un jour qu'il pouvait à la limite satisfaire certaines demandes si les
«recommandés» avaient le niveau requis mais c'était rarement le cas. Comme on s'en doute, il
n'a pas duré longtemps à son poste. Il paraîtrait que les champions de la «perche tendue» secomptent parmi les élus nationaux dont la proximité avec les ministres est perçue comme une vraie aubaine lorsqu'il s'agit de régler un problème personnel qu'un wali scrupuleux ou un responsable local retors n'a pas voulu prendre en charge. Ainsi le mérite est souvent victime de la complaisance de ceux qui ont profité de la complaisance des autres et qui n'en connaissent pas le poids. L'intelligentsia qui a refusé d'entrer dans le labyrinthe des sectarismes a été contrainte à l'isolement ou a choisi l'exil parce qu'il s'est trouvé sur son chemin des chefaillons sans esprit, incapables de reconnaître leurs mérites ; par orgueil ou par crainte. La forme de corruption la plus insidieuse et la plus répandue consiste à placer aux postes clés des ministères ou des instances de la wilaya, là où se concluent les arrangements, notamment les marchés publics, des sous-traitants obéissants, sans génie, prêts à répondre à toute sorte de sollicitations. Le chiendent, au fil au temps, a provoqué des ravages insoupçonnés : mauvaise gestion, dilapidations, révoltes et marginalisation des cadres compétents et honnêtes. Nous avons une pieuse pensée, en ces moments de grande incertitude, pour tous ces authentiques et brillants serviteurs de l'Algérie qui, à l'image du défunt Youcef Benoudjit, ancien wali de Boumerdès, et de beaucoup d'autres commis de l'Etat, sont partis la conscience tranquille, dans le dénuement presque. Un bon thème d'étude consisterait à dresser le profil type de personnes condamnées pour malversations ou détournements. Dans la majorité des cas ils présentent une ou deux particularités en commun : faible niveau scolaire et/ou promotion «boostée». De ce fait, même s'ils admettent l'illicéité de leurs actes, ils ne savaient pas en revanche mesurer les risques d'une opération frauduleuse vu leurs limites professionnelles. Tout leur paraissait simple et évident jusqu'au jour où un contrôle inopiné découvre le grain de sable qui coince. Le voleur compétent, lui, anticipe les scénarios et arrive à passer entre les mailles du filet. Un agent des PTT qui “pompe" dans les livrets d'épargne et l'employé qui traficote les comptes d'une banque et dont les mérites usurpés, chez l'un comme chez l'autre, sont dus à leurs appuis, ont ceci en partage : ils ont abusé de leur ignorance. Et Dieu seul sait combien d'habiles escrocs passés par les institutions de l'Etat et jamais découverts ont pris une retraite dorée en attendant le jugement dernier.
Dans les systèmes économiques performants les recrutements et les promotions internes obéissent à des pré-requis conformes aux profils demandés. On ne transige pas avec les critères, et tout un chacun est évalué en fonction de ses capacités et de ses résultats. Le management des ressources humaines constitue l'essence même du fonctionnement des organismes et institutions. Un exemple édifiant : une parente, cadre au siège parisien d'une grande multinationale, a été tout simplement remerciée, après avoir obtenu un diplôme d'études approfondies, pour cause de sur-compétence. Chose qui ne risque pas de se produire chez nous, où dans certains secteurs comme la sécurité sociale ou le ministère de la Santé l'on n'a pas trouvé mieux que de nommer à la tête de structures techniques exigeant des compétences spécifiques des médecins généralistes ! Pourquoi, bonté divine, pense-t-on qu'un “toubib", pour lequel l'Etat a dépensé un argent fou dans le but de soigner ses concitoyens, est plus utile derrière un bureau que dans un hôpital ? Des aberrations de ce genre sont également légion, notamment au niveau des bénéficiaires des dispositifs d'insertion des jeunes sortants de l'université ou des entreprises publiques stratégiques comme Sonatrach ou Algérie Télécom secouées toutes deux par une série de scandales. Tous les ministères, sans exception, possèdent des organigrammes extrêmement fournis où il est loisible de mettre au chaud n'importe quel recommandé du sérail. Les départements de la jeunesse et des sports, de la culture, du tourisme, de la PME, de la culture, des affaires sociales et de la santé, notamment, ont pâti de ces nominations “affectives" faites au mépris du bon sens parce que le clientélisme politique s'est tout simplement substitué au mérite. Et c'est ce qui explique en grande partie l'échec consommé des politiques de développement en dépit de colossaux budgets consentis au profit de ces secteurs. Il est admis par la science dialectique qu'un système rentier encourage l'incompétence, le pouvoir des réseaux et... la fainéantise. La rente est un pied de nez fait à l'effort. D'où la frénésie qui s'est emparée de certains corps professionnels et franges sociales qui tiennent mordicus à tirer le maximum de cette manne quitte à mettre en péril l'avenir des générations. Tout le monde rue dans les brancards : le peuple qui n'a de cesse de réclamer de meilleures conditions de vie, les dirigeants qui ne savent plus comment s'en sortir et les mal-élus qui sont là pour tirer les marrons du feu. Le nationalisme, lui, ne se manifeste que dans le sillage des rencontres internationales de football. Ceux et celles qui se sont sacrifiés pour ce pays pendant la guerre de Libération, les luttes fratricides au lendemain de l'indépendance, les conflits de la Palestine et du Sahara occidental et la décennie rouge, l'ont fait pour une Algérie digne, fière et libre. Nos glorieux martyrs, les moudjahidine, les appelés du service national, les femmes courageuses ont lutté pour un idéal. Pas pour que leur patriotisme, leur combat suprême, servent de monnaie d'échange. Pour que nos enfants et petits enfants puissent vivre dans le bonheur, forts des valeurs léguées par leurs ancêtres. Envers ces hommes et ces femmes sincères, la nation doit se montrer reconnaissante. Alors il est temps, à l'instar des pays modernes, de renouer avec la performance, la compétence et le mérite. Il n'est plus sûre légitimité que celle qui fonde son action sur la rationalité économique, la bonne gouvernance et la justice sociale. Toutes les autres légitimités sont caduques : historique, politique ou rentière ; elles ne valent rien si au final la justice sociale recule et les dérives s'accentuent. Le respect des règles de gouvernance et le devoir de responsabilité envers les générations futures constituent des éléments de référence incontournables dans la conception des politiques de développement. Il n'y a qu'à prendre l'exemple du Service national, celui qui, en dehors de notre patrimoine atavique, illustre le mieux le lien identitaire qui donne un sens à notre algérianité, pour dire que ce devoir est souvent ignoré par ceux-là mêmes qui ont opportunément puisé dans les soubresauts de la vie nationale les instruments de leur fortune. Le mérite se mesure aussi à l'aune de cet engagement citoyen. Cela dit, combien d'hommes politiques ou qui se revendiquent tels, d'élus du peuple, d'artistes reconnus peuvent se targuer d'avoir satisfait pleinement à leurs obligations vis-à-vis de la nation, ne serait-ce qu'en revêtant l'uniforme militaire pour s'acquitter de l'impôt de la sueur et honorer celui du sang versé par les libérateurs de l'Algérie. Ils sont nombreux ces nouveaux riches parvenus de la politique, du monde des affaires ou du sérail administratif- technocrates véreux-, qui n'ont d'autre mérite que celui de s'être servis au détriment de la société. Ils ont beaucoup pris, mais rien donné. Oui, assurément beaucoup de promesses et de beaux discours.
Le mérite mal rémunéré
Des inégalités de plus en plus criantes au plan des salaires sont venues exacerber le sentiment d'injustice lié à la perte du mérite. Le statut en diamant octroyé aux parlementaires et l'explosion des salaires dans certains secteurs, concomitamment à la flambée des prix sur le marché des produits de large consommation, ont laissé “groggy" de larges pans de la société. Est-ce normal que des footballeurs tout juste moyens ou des entraîneurs sans étoffe touchent des salaires mirobolants dépassant les 100 millions de centimes/mois ? La spirale inflationniste a mis à genoux les anciens retraités qui se sentent aujourd'hui humiliés. Lorsque des cadres de l'administration, professeurs de lycée ou ex-enseignants universitaires sortis à la retraite après de longues années de bons et loyaux services s'aperçoivent que leur pension équivaut aujourd'hui à une prime mensuelle d'un cadre dirigeant pas plus diplômé ni méritant, il y a de quoi être secoué par tant d'ingratitude. Lessivés et usés par des décennies de labeur puis jetés aux oubliettes dans un contexte social des plus durs, les anciens retraités souffrent en silence. La plupart des franges professionnelles de la société ont réussi à arracher des augmentations et des rappels conséquents, et ce après avoir mis les pouvoirs publics au pied du mur ; les «vieux», eux, n'ont personne à prendre en otage. Ils meurent à petit feu, et le jour où le gouvernement daignera faire un petit geste, le nombre de retraités aura diminué, qui emporté par la maladie, qui terrassé par une crise cardiaque. Une “hogra" qui ne dit pas son nom. Il est vrai que seuls des hommes ayant une conception élevée de l'Etat savent que le devoir de reconnaissance incarne l'une des valeurs fondamentales de la société. On le sait, l'éthique et la morale politiques, telles que conçues actuellement, ne souffriraient certainement pas davantage à dénier à des millions de vieux Algériens le droit à une reconnaissance. D'où le mépris affiché à leur endroit en ce cinquantenaire de l'Indépendance où ils ont eu droit, tout compte fait, à moins de 6% d'augmentation et le bras d'honneur qui leur est fait à travers les dépenses généreuses consenties en cette occasion (2 milliards d'euros). L'Algérie continuera à tourner sans eux. Les retraités, les vrais, ceux qui se sont dévoués pour la cause publique, méritent assurément plus que quelques miettes récemment distribuées et vite dilapidées par une vertigineuse érosion du pouvoir d'achat. Pour services rendus à la Nation et non pour une quelconque allégeance aux hommes et aux clans. En finir avec tous les procédés qui ont facilité l'émergence des forces d'inertie tapies dans les rouages de l'Etat et redonner un sens à la compétition, l'émulation et l'excellence qui doivent rester les seuls moyens permis pour accéder à une charge publique ou élective, est devenu une urgence historique. Ce sont la compétence et le mérite et non les privilèges démagogiques rattachés à des statuts périmés qui peuvent assurer à ce pays la stabilité et la grandeur auxquelles il aspire.
L'Algérie a perdu au cours de ces dernières années des milliers de cadres de grande valeur. Rien qu'en France sont établis près de 66 000 super diplômés algériens dont 500 scientifiques de haut rang. Dans un quart de siècle, si l'hémorragie continue, notre pays ne pourra plus se relever. Un immense investissement humain a été dilapidé par la faute de pratiques politiques perverses. La contribution des élites passe par la réhabilitation du mérite, loin des pressions tutélaires. «Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule mais d'élever la foule vers l'élite», notait Gustave le Bon. Il appartient aux hommes sincères, dans un sursaut d'éthique, de défendre les valeurs de l'effort et du travail, de primer la compétence et la réussite. De placer, en somme, le mérite au cœur du système pour ne pas hypothéquer l'avenir de la nation et le sort des générations montantes. Un défi que doit s'imposer l'Etat, car il y a va de sa pérennité.
s. m.
*Auteur


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