Pour prévenir une catastrophe d'une telle ampleur, le premier responsable du CTC de Chlef préconise une stratégie globale de réduction des risques, car les trois quarts du tissu urbain dans le Nord sont vulnérables et dangereusement exposés à un nouveau tremblement de terre. La visite du président de la République dans la wilaya de Boumerdès, prévue pour dimanche prochain, risque de connaître des perturbations. Une réaction séditieuse de centaines de citoyens à cause de la mauvaise prise en charge à la suite du séisme n'est pas à écarter. Chargées de fermer tous les camps de toile installés dans plusieurs localités au lendemain du tremblement de terre, les autorités locales prêtent allégeance à leurs responsables hiérarchiques en usant de tous les moyens nécessaires. Les dirigeants de cette wilaya, sommés de préparer comme il se doit la virée présidentielle, s'attellent à reloger toute famille occupant une tente avant l'arrivée de Bouteflika. Le ministre de l'intérieur a arrêté la date du 25 (aujourd'hui) pour reloger tout le monde, notamment les “quelque 600 familles restantes”. Ce chiffre est, en revanche, contesté par de nombreux experts très au fait de l'ensemble des actions entreprises dans cette wilaya. Ils n'hésitent pas à parler d'un nombre qui avoisine le millier de familles qui “croupissent” toujours sous des tentes. Ce qui les pousse à dire qu'il est très difficile aux autorités locales d'être au rendez-vous fixé par M. Zerhouni. Pour eux, même après la visite du premier magistrat du pays, des centaines de familles demeureront livrées à elles-mêmes. “On a menti au Président”, confiera un expert. Une chose est certaine, le 21 décembre, date du début de la saison hivernale et dernier délai fixé pour la fermeture de tous les camps de toile, n'a pas été respecté. La promesse du Président n'a donc pas été tenue. Le retard accusé dans la mise en œuvre de cette action (relogement) en est la meilleure preuve. D'où les diverses dates avancées, çà et là, par des responsables à tous les échelons. Certains estiment que le dernier délai est prévu pour le 24 décembre, d'autres pour le 25 ou le 28 du mois en cours, voire la fin du mois… Or, des manifestations organisées par des citoyens qui se sont sentis lésés ont d'ores et déjà commencé. L'engagement de l'Etat n'a pas été respecté Des sit-in presque quotidiens sont tenus devant les sièges de la wilaya et de la daïra. Mardi dernier, pour la énième fois, des citoyens ont occupé le carrefour principal de la ville de Boumerdès. C'est dire les innombrables irrégularités qui ont entaché l'opération de relogement. Contacté, M. Medane, directeur central au ministère de l'habitat et de l'Urbanisme, chargé de toutes les actions urbanistiques à Boumerdès, est plus que catégorique : “Dès le 25 (aujourd'hui, ndlr), tous les camps de toile seront fermés et aucune famille ne se retrouvera sous une tente.” Il affirme que les tentes implantées à Zemmouri, à Bordj Ménaïel et à Boumerdès seront démontées. Les familles qui les occupaient seront relogées dans des chalets. Cette déclaration a été confirmée par une collègue qui a souligné que les citoyens concernés par cette opération ont déjà reçu la clef de leur chalet. Sur les 15 000 prévus dans la wilaya, 12 000 ont été posés. Le nombre de sinistrés ne dépasse pas cependant les 10 000 personnes. Plus de 2 000 citoyens occupent actuellement, selon ce directeur, plus de 2 000 logements. Plus de 1 775 chalets prévus pour la troisième tranche de l'opération de recasement sont, ajoutera M. Medane, déjà habités. Il ne reste, précise-t-il, que 200 chalets qui seront affectés et occupés incessamment. Il dément l'information, selon laquelle un millier de familles est encore sous des tentes dans différentes contrées à Boumerdès. Si au lendemain du séisme, rappelle-t-il, 28 000 familles occupaient des tentes, à partir aujourd'hui, aucune d'elles ne vivra dans ces sites. Concernant les actions de confortement, il souligne que 1 500 cas sur les 3 645 classés à l'orange 4 ont été achevés. En dépit de la complexité de cette action (confortement), notamment pour les immeubles à sept, voire à huit étages et plus, les pouvoirs publics ont, selon M. Medane, mis tous les moyens nécessaires. “Le millier d'entreprises publiques et privées et les 400 bureaux d'études mobilisés à cet effet ont permis la création de quelque 15 000 postes d'emploi”, ajoute ce directeur. Le ministère de l'intérieur a annoncé, hier, le relogement de tous les sinistrés d'Alger et de Boumerdès qui occupaient les camps de toile dans des logements en dur et dans des chalets. D'autres familles ont rejoint leurs domiciles à l'issue des travaux de confortement et de restauration effectués sur leurs habitations. Ainsi, les 210 camps de toile d'Alger et les 104 autres de Boumerdès seront fermés. Le dernier à être fermé, selon le département de M. Zerhouni, est le site implanté à Chaâbet El-Ameur (Boumerdès). Mieux, des familles habitant dans des zones rurales à Boumerdès ont bénéficié, selon la même source, d'une aide de l'état au relogement ou de l'aide à l'autoconstruction. Toutes ces actions n'ont, toutefois, pas convaincu les bénéficiaires. Certains sont relogés dans des régions, à leurs yeux, lointaines. D'autres, qui habitaient des appartements de type F3 et F4 sont recasés dans des F2 et des studios. Une autre catégorie, moins lotie celle-là, est relogée dans des chalets ne disposant d'aucune commodité… La méthode suivie pour cela, avouent les experts, n'est pas la plus adéquate. La conception et la réalisation de ces chalets doivent également répondre aux conditions de leur utilisation. Ils doivent être réalisés de manière à pouvoir faire face aux effets de l'humidité maritime, notamment dans les localités de Boumerdès, Corso, Zemmouri. La structure doit être, de ce fait, construite avec une matière anti-corrosive. Car le sel de l'eau de mer détériore le métal. Les concepteurs n'ont, en revanche, pas pris en considération les handicapés moteurs dans la réalisation des chalets. Il fallait dès lors recenser les familles ayant parmi leurs membres des handicapés afin de construire des cabines à leur mesure. Confortement : le casse-tête chinois des responsables Même si ces chalets ont allégé un tant soit peu la crise accentuée par le séisme du 21 mai dernier, les terrains sur lesquels ils sont implantés valent, cependant, leur pesant d'or, déplore M. Boudaoud, président du Collège national des architectes. Par ailleurs, les opérations de réhabilitation et de confortement ne sont pas bien maîtrisées. D'innombrables anomalies ont été, en effet, constatées. Il fallait réexaminer au préalable les bâtiments classés au rouge avec des experts, dans le but de faire une étude minutieuse et décider d'une manière définitive, soit la restauration, ou la récupération, ou encore la démolition de ces immeubles. Car, il y a beaucoup d'immeubles récupérables dans plusieurs localités. En fin de compte, l'opération de réhabilitation en elle-même se résume en de simples actes de replâtrage, voire de maquillage. B. K.