Pour sa XVIIe édition, le Sila a attiré un grand nombre de visiteurs venus des quatre coins du pays. Cette année de transition — changement de commissariat (filiale de l'Enag) et retour à la Safex —, a permis au public de découvrir 630 maisons d'édition de 41 pays. Sur une superficie de 14 000m2, les exposants ont été répartis entre plusieurs pavillons. Mais c'est le pavillon central qui a drainé le plus de monde. Les lecteurs ont retrouvé leurs éditeurs fétiches comme Barzakh, Hachette, Apic, Chihab, Média Plus, Dalimen et Gallimard. L'édition 2012 a été émaillée par la publication de plusieurs livres ayant trait à l'histoire, puisque nous fêtons cette année, le cinquantième anniversaire de l'indépendance. Le roman n'était pas en reste puisque les visiteurs ont porté un vif intérêt à ce genre de littérature. Durant les dix jours du Sila, une foule constituée de familles, de lycéens, d'étudiants et même de personnes âgées, faisait le tour des stands munis de deux à quatre sacs remplis d'ouvrages. Même si certains ont relevé la cherté du livre, les prix allaient de 600 à 4 000DA. Outre l'achat des livres, cette manifestation a donné l'occasion aux lecteurs de rencontrer les éditeurs et de se faire dédicacer leurs livres grâce aux ventes-dédicaces quotidiennes, de partager leurs avis sur les livres avec les auteurs et dans d'autres cas d'apporter de nouveaux témoignages. Si les allées étaient spacieuses et les gens circulaient librement entre les stands, la fatigue et la lassitude se lisaient sur les visages, en raison de la chaleur. L'absence de climatisation a provoqué l'étouffement, des visiteurs préféraient arrêter leur tournée “car, nous suffoquons cette chaleur est insupportable", témoigne une mère de famille. En outre, les visiteurs avaient du mal à se situer, malgré les indications à l'extérieur. “Nous n'arrivons pas à retrouver les éditeurs, il n'y a aucun panneau sur la disponibilité des livres (littéraire, scientifique, historique). Je voulais des livres de science mais là, je suis complètement perdue", a martelé une jeune étudiante. À ce propos, Mohamed Iguerb, adjoint au commissaire a souligné : “Nous n'avons pas d'éditeurs spécialisés dans un genre bien précis ! Nous avons affiché à l'extérieur le nom de chaque stand, c'est au public de faire attention". Conférences, hommages et colloques Inscrit sur les deux thématiques : cinquante ans d'indépendance et cinquante ans d'édition en Algérie, des conférences avaient lieu tous les jours au niveau des salles Ali-Maâchi, Moufdi-Zakaria et à la direction générale de la Safex. Un total de six conférences par jour (14h-16h et 16h30-19h) portait sur des sujets fort intéressants. Mais la plupart du temps, les intervenants se perdaient dans d'autres thèmes et problématiques oubliant l'intitulé principal de la conférence. La qualité de ces invités était indéniable, mais ils étaient parfois placés dans des conférences qui étaient loin de correspondre à leur domaine. Autre constat sur ces conférences, le public a brillé par son absence. Une minorité seulement participait à ces rencontres et les jeunes manquaient à l'appel. Au sein du Sila, la communication a failli à sa mission, les conférences étaient souvent délocalisées et des affichages en petits caractères ornaient les portes des salles concernées. À ce sujet, le responsable de la communication Nordine Azouz, a fait savoir que “ce dont on a le plus souffert est la difficulté de maîtrise de l'espace : après celui intégré du chapiteau du 5 -Juillet, celui plus éclaté de la Safex a posé des problèmes de signalétique et de distance d'un espace et d'une salle à l'autre. L'année prochaine, il faudra penser à mieux cerner l'espace et à l'organiser de façon à ce que les animations soient moins difficiles d'accès". Concernant les hommages, celui consacré aux écrivains martyrs : Ahmed Rédha Houhou et Mouloud Feraoun, était pauvre. Les intervenants n'ont fait que rapporter des faits connus du public, notamment la biographie de ces deux plumes emblématiques. Quant au colloque organisé par le CNRAPH sur “Histoire et littérature : Assia Djebbar", hier matin, une citoyenne a joint notre rédaction pour se “plaindre" et crier sa colère. “Je ne comprends pas, ils ont rendu hommage à cette grande écrivaine et rien n'a été dit sur elle. Les intervenants ont parlé brièvement d'Assia Djebar et ils se sont contentés de parler de leur petite personne", s'est-elle exclamée. Foire ou salon professionnel ? Faisant partie de la filiale Enag, depuis cette année, le commissariat du Sila promet un grand changement avec la désignation d'“une commission ad hoc devant assurer la mise en place d'un comité d'organisation permanent qui fera appel à des prestations extérieures notamment pour l'activité culturelle et scientifique du Sila. Ceci donnera davantage de cohérence et d'efficacité dans l'action", a indiqué M. Azouz. Et de préciser : “Elle a vu la programmation d'un riche programme qui en termes de contenu devrait annoncer des thématiques plus ambitieuses et en articulation avec l'actualité nationale, pas seulement culturelle mais celle relative aussi aux grandes questions posées au pays comme son positionnement dans son espace géopolitique naturel que sont l'Afrique, le Maghreb et la Méditerranée". En outre, le responsable de la communication a fait savoir qu' “au vu des résultats", les futurs membres du commissariat du salon chargés de l'activité et de l'animation culturelle et scientifique “feront appel à des compétences dans le domaine pour les aider à mieux élaborer les programmes". Confirmant l'ampleur de cet évènement qui a attiré 800 000 personnes durant le dernier week-end, le commissariat commence à réfléchir au prochain agenda culturel et festif “avec des contributions qui pour les prochaines années et jusqu'au 60e anniversaire de la révolution de Novembre 54 devraient être en partie liées aux problématiques de l'histoire, de la mémoire, de la place de l'Algérie souveraine dans le monde. Il reste à réfléchir aux moyens de faire de l'attractivité commerciale du salon une réelle opportunité économique", a-t-il expliqué. Interrogé sur le salon qui prend l'ampleur d'une foire, quelques éditeurs ont estimé que “c'est beaucoup plus une foire internationale. Cela nous permet d'être en contact avec les lecteurs qui viennent de tout le pays", a signalé Azzedine Guerfi, édition Chihab. Et d'ajouter : “Il faut réfléchir après le Sila et voir comment diriger ces clients vers les librairies ? Quelle action faut-il mener pour conduire ces lecteurs dans les librairies de leur ville ?" Sur le professionnalisme de ce salon, il souligne : “Les éditeurs étrangers ne viennent pas au Sila, il y a seulement leur commerciaux. Il faut réfléchir à installer un autre salon pour les professionnels où les éditeurs algériens et des autres pays pourront parler de l'édition". Partageant le même avis, l'éditeur Yassine Saïd Hannachi, Média Plus, a annoncé : “Il n'y a pas de journées professionnelles, les éditeurs étrangers ne sont pas présents. Ils devraient organisé des journées professionnelles pour rencontrer ces éditeurs et réaliser un échange sur l'édition. Il faut dire aussi que les éditeurs algériens sont éparpillés dans plusieurs pavillons et les auteurs ne sont pas mis en valeur." Et d'expliquer : “L'aspect foire est plus donné par le nombre de visiteurs qui viennent de partout." Quant à Bachir Mefti, édition El Ikhtilef : “Le Sila est l'occasion de vendre des livres. Car, il n'y a pas assez de librairies. Aussi, les organisateurs devraient préparer le Sila une année à l'avance pour éviter afin d'éviter que ne se reproduisent les mêmes erreurs pour l'amélioration du travail des éditeurs." L'engouement des lecteurs pour le livre et notamment pour le roman, cette année, est remarquable. Dans un contexte où l'on dit qu'il n'y a pas de lecteurs en Algérie, les nombreux visiteurs du Sila, en provenance des quatre coins du pays, ont prouvé que ce n'est pas les lecteurs qui manquent, mais la diffusion du livre. H M