le transport d'environ 97% de marchandises que l'Algérie importe est assuré par des compagnies maritimes étrangères. L'économie algérienne est vulnérable. Elle l'est encore davantage quand, à l'occasion d'un mouvement de contestation d'un groupe d'armateurs étrangers, on apprend que le transport d'environ 97% de marchandises qu'elle importe est assuré par des compagnies maritimes étrangères. Une cessation d'activité, pour une raison ou une autre, par ces armateurs qui assurent l'approvisionnement du pays, et c'est toute l'Algérie qui se retrouverait sous embargo. En effet, la quasi-totalité des échanges commerciaux de l'Algérie avec le reste du monde s'effectue par voie maritime, mais le marché échappe totalement aux opérateurs locaux. Hier, lors d'un atelier de réflexion organisé par le Forum des chefs d'entreprise (FCE), l'expert Abdelhamid Bouarroudj, ancien cadre de Cnan-Group, a dressé un état des lieux inquiétant du transport maritime de marchandises en Algérie. “Nous défendons aucune chapelle. Il n'y a pas de prise de position intéressée", précise le président du FCE. L'offre nationale de transport maritime des marchandises générales est réduite à sa plus simple expression. “Nous arrivons à un stade où l'on peut objectivement considérer que l'Algérie ne dispose plus d'un armement pour le transport maritime des marchandises générales", a affirmé Abdelhamid Bouarroudj. Durant les années 1980, selon lui, l'Algérie disposait d'une flotte enviable, parmi les plus importantes du tiers-monde. Elle était classée parmi les 50 premières mondiales. La flotte, sous pavillon algérien, était alors composée de plus de 80 navires de tous types (vraquiers, tankers, chimiquiers, transporteurs de gaz, pétroliers, Multipurpose, RO-RO, car-ferries). L'ensemble de cette flotte était exploité par la Cnan. L'action de la Cnan était complétée par celle de la compagnie algéro-libyenne, Caltram, qui est arrivée à exploiter 4 navires en propriété durant les années 80/90. L'armement Cnan assurait ainsi avec ses capacités propres et affrétées une part de l'ordre de 35% des échanges extérieurs de l'Algérie avec un objectif à atteindre de 50%. Aujourd'hui, la flotte nationale est constituée de 16 unités réparties entre 8 vraquiers, 4 navires Multipurpose et 2 navires RO-RO appartenant à la Cnan et un RO-RO et un vraquier appartenant à Nolis, une filiale du groupe Cevital. L'âge moyen de la flotte Cnan est supérieur à 30 ans (entre 30 et 35 ans) correspondant à celui de la démolition. Avec l'immobilisation des vraquiers et d'un Multipurpose, dans les faits, 5 navires uniquement sont opérationnels avec diverses fortunes. Les deux navires de Nolis sont utilisés essentiellement pour la couverture des besoins du groupe Cevital en matière de transport. Le pavillon national assure moins de 3% des volumes de commerce extérieur de marchandises du pays (1,4% par rapport au tonnage global des marchandises solides et 1,75% par rapport au trafic conteneurs). Le tonnage transporté à l'import, en Algérie en 2011, a été de 37 millions de tonnes, dont 27,6 millions de tonnes de marchandises générales. En l'absence d'un armement national digne de ce nom, qui doit constituer la référence en la matière, les armements étrangers imposent leurs conditions. “Depuis le mois de mars 2012 et suite à une entente, les frets collects (Fob) ne sont plus acceptés. Ce qui constitue une première mondiale dans les transports maritimes, et ce, contrairement aux règlements et lois internationaux notamment, les lois antitrust et le règlement CE n°1419/2006 du 25 septembre 2006 portant sur les lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux services de transport maritime mis en application depuis le 17 octobre 2008", rappelle M. Bouarroudj. Force est de constater qu'aucune autorité nationale responsable ne s'est, à ce jour, prononcée publiquement sur cette affaire, ni pourquoi les échanges commerciaux de notre pays se retrouvent “sous le monopole des étrangers", qui dictent leurs conditions. L'Algérie paye un surcoût du fait de la disparition de sa flotte maritime : les produits importés sont payés plus cher ; ceux exportés assurent un revenu moindre parce que rognés par le haut niveau des frets maritimes. Abdelhamid Bouarroudj affirme que les pertes subies par les opérateurs algériens sur le fret maritime sont estimées à 200 millions de dollars. Les surcoûts liés aux surestaries conteneurs sont évalués à 340 millions de dollars. Les surcoûts liés aux frais de manutention s'élèvent à 110 millions. Globalement, l'Algérie subit un surcoût de 650 millions de dollars, par an, “représentant globalement la valeur d'achat de plus de 25 navires de ligne adaptés aux trafics de ligne algéro-européens". Relancer l'investissement maritime devrait “constituer un souci aussi majeur qu'urgent", estiment les experts. Cette relance passe par, entre autres, la libéralisation de l'activité d'affrètement, la création de la Chambre maritime. “La création d'une Chambre maritime s'avère d'une grande nécessité afin de contrôler l'action des transporteurs qui desservent l'Algérie, en particulier les armements de ligne, et mettre un terme aux actions unilatérales de ces derniers", souligne M. Bouarroudj. M. Berchiche, professeur en droit, insiste sur l'urgence d'une rénovation de l'environnement réglementaire. En attendant, aucune stratégie ne semble se dégager pour sortir le transport maritime de l'état dans lequel il se trouve, à l'image du site de l'armateur, www.cnangroup.com, en “situation de maintenance". M R