S'agissant du secteur bancaire algérien, nous avons en 2012 une bonne et une mauvaise nouvelles. Commençons par la bonne nouvelle. À fin 2011, le ratio de solvabilité des banques algériennes, c'est-à-dire le taux de couverture de leurs engagements rapportée à leurs fonds propres, est de 22%. Ce qui est excellent lorsque l'on sait que les règles prudentielles de Bâle en fixent la norme à 10% seulement. Mieux encore le ratio de rentabilité des banques publiques est de 22% et celui des banques privées de 28%. Cerise sur le gâteau, les dépôts bancaires ne cessent d'augmenter. La mauvaise nouvelle est que le secteur financier et bancaire reste en 2012 l'une des contraintes majeures à la croissance de la production hors hydrocarbures et singulièrement celle du secteur industriel. Pourquoi ce paradoxe ? De mon point de vue, il ne renvoie pas fondamentalement à des déficits d'ordre institutionnels ou organisationnels, même s'il y a des retards à combler dans l'architecture du système bancaire. Ainsi le Kenya qui a un PIB plus modeste et un petit territoire dispose de 43 banques alors que l'Algérie n'en a qu'une vingtaine soit moins de la moitié. Ce paradoxe s'explique en réalité pour deux raisons : une première qui se situe au niveau psychologique et culturel et une deuxième au niveau de la gouvernance. Voyons la première. On est amené à penser que le syndrome de la crise financière de 1986 et le syndrome de “l'affaire Khelifa" continuent toujours de produire leurs effets. Sinon comment expliquer la logique essentiellement défensive de la Banque d'Algérie (BA) qui se lit notamment dans le système de notation des banques introduit l'année dernière. Il faut rappeler que ce système de notation “permet de classer les banques selon leur niveau de leurs performances par rapport au niveau de leurs maîtrises des risques". L'objectif fixé par la BA est de “renforcer la capacité de détection précoce de vulnérabilité des banques et établissements financiers afin de préserver la stabilité du système financier ... et la protection des déposants". On se croirait en Grèce ou au Portugal alors que la problématique en Algérie est exactement une problématique inverse, c'est celle de notre incapacité à transformer notre épargne, y compris les dépôts, en crédits. Si on ajoute à cela la contrainte de gouvernance, la boucle est bouclée. Tant que la question de la dépénalisation des actes de gestion au profit des managers et administrateurs des banques publiques n'est pas traitée, l'inertie et la faible efficacité du système bancaire algérien persisteront. C'est ce qui fait dire à Abderrazak Trabelsi, délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef) que les banques algériennes sont des “usines de conformité", au lieu d'être des instruments de stimulation de la croissance des entreprises, c'est-à-dire de l'économie. De plus, la politique monétaire anti-inflationniste de la BA conforte cette attitude prudente par le rachat de liquidités bancaires à des taux finalement intéressants pour les banquiers afin de “stériliser" une partie de la masse monétaire en circulation. Résultats des courses : la priorité de fait du système bancaire et monétaire reste toujours, quatorze après la sortie du programme d'ajustement structurel (PAS) la stabilisation,malgré un cadre macro-économique déjà stabilisé. Deux chiffres confirment cet état de fait : un taux d'épargne de plus de 50% et un taux d'investissement de 25% comprenant les investissements d'infrastructures. Pourtant, contrairement à une idée reçue, le secteur privé est bien en émergence puisqu'il bénéficie, selon l'Abef, de 52,5% des crédits totaux alloués contre 47,2% pour le secteur public. Les entreprises algériennes, tous secteurs confondus, se plaignent toujours de la difficulté et de la lenteur d'accès aux crédits d'investissements et d'exploitation. Si on veut donner le maximum de chance à l'exécution du programme de “relance" du nouveau gouvernement, dans l'agenda serré qui est le sien, des signaux devront être envoyés rapidement aux entreprises par le système bancaire. Par exemple la possibilité d'achat à terme de devises, la suppression de la segmentation banques publiques, banques privées notamment pour la domiciliation des entreprises publiques, le retour à l'utilisation de tous les instruments bancaires de paiement. En attendant la grande réforme du système bancaire et l'émergence d'un véritable marché financier pour sortir définitivement de ce paradoxe bancaire, ce sera toujours cela de gagné. M. K.