Le prix du mouton de l'Aïd, qui est appliqué par les maquignons dans la région, a fait un bond vertigineux, ces jours-ci à Annaba, pour atteindre une cote loin de la portée de la majorité des pères de famille, dont beaucoup ne pourront d'ailleurs pas faire face à cette tradition, faute de moyens. Qu'il s'agisse des souks de Berrahal, d'El-Bouni, d'El-Gantra, d'Oued El-Aneb, d'El-Hadjar ou de Aïn Berda, où la course au mouton est bel et bien lancée, le prix du mouton, voire de l'agneau, est hors de portée des petites et moyennes bourses. Un mouton d'une année coûte entre 40 000 et 50 000 DA, soit le salaire mensuel d'un cadre, comme le fait remarquer un retraité. Pis encore, l'agneau de six à sept mois, ne répondant même pas aux normes édictées du sacrifice, est cédé à partir de 30 000 DA dans le meilleur des cas. Le prix d'un mouton “honorable", en termes de proportions, dépasse largement les 6 millions de centimes. Ce sont les spéculateurs, ces businessmen de “kebch el aïd", qui apparaissent uniquement à la veille fête de l'Aïd, qui sont derrière cette flambée des prix. Ils viennent de toutes les catégories sociales et professionnelles. Ils sont épiciers, vendeurs de légumes, enseignants, fonctionnaires, voire même cadres dans l'administration. Ils revêtent l'habit de l'intermédiaire conjoncturel entre l'éleveur et le client qui est appelé à sacrifier au rituel de la “dhahia". Mais ils ne connaissent de la race ovine que le nom et sont le plus souvent à mille lieues des habitudes et du comportement des bergers et autres vrais maquignons qui vivent par et pour le mouton. Ce trabendisme occasionnel, parce que limité dans le temps, est devenu une pratique courante qui a tendance à se généraliser. Il suffit d'une somme rondelette de quelques dizaines de milliers de dinars, un garage à louer pour accueillir l'une ou les deux douzaines de bêtes, un véhicule pour les transporter et le business est monté. Comment est organisé dans la pratique ce business ? Il y a en fait plusieurs manières, dont deux sont les plus courantes. Il y ainsi ceux qui, un à deux mois avant l'aïd, font la tournée des régions les plus réputées pour l'élevage ovin. Ils peuvent se rendre jusqu'à Ouled Djellal. Ils s'approvisionnent aussi et surtout dans la région de Tébessa. Outre la proximité, le mouton de la région de Chréa (Tébessa) est très apprécié par les Annabis. Et il y a ceux qui guettent les camions pleins de bêtes des wilayas environnantes et d'ailleurs qui débarquent à Annaba et sa région les jours précédant l'aïd. Ils achètent sur pied tout le troupeau. Souvent, les maquignons préfèrent faire affaire de cette manière, quand cela est possible, et éviter tous les aléas du souk des grandes villes. Et dans tout cela, le dindon de la farce demeure le pauvre citoyen, qui sera plumé malgré lui avec “art et doigté". B. B