Tout le monde est d'accord pour l'option militaire. Demeurent quelques inconnues : quand, comment et avec qui ? Sans oublier l'issue de la présidentielle US qui pourrait peser sur la suite des évènements. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, est arrivée hier à Alger pour une visite d'une dizaine d'heures avec au menu un dossier aussi lourd qu'est la situation chaotique du Mali. Après la résolution adoptée le 12 octobre dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU autorisant le déploiement d'une force internationale de quelque 3 000 hommes au Mali et donnant jusqu'au 26 novembre à la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) pour préciser ses plans, la question de l'intervention militaire pour libérer le nord du Mali ne se pose plus. Aujourd'hui, il s'agit de savoir comment va-t-elle se faire et qui y participera. Si Alger n'a jamais exclu cette option, elle a néanmoins privilégié le dialogue pour donner le maximum de chance à la solution politique. Mais force est de constater que la situation, aussi bien sécuritaire qu'humanitaire, se dégrade de jour en jour. Depuis le coup d'Etat du 22 mars dernier, les islamistes ont proclamé unilatéralement l'indépendance du nord de ce pays en occupant ses principales villes et en détruisant son patrimoine. Les pays occidentaux, et à leur tête la France, ont imposé l'idée d'une intervention militaire en concertation avec les pays de la Cédéao. L'ancien président Sarkozy, qui était le fervent défenseur de cette option, a été suivi par son successeur François Hollande qui n'en pense pas moins, même s'il choisit d'autres mots pour le dire. Mais la complexité de la situation au Mali, qui ne dispose pas de fortes institutions pouvant mener une lutte contre des groupes terroristes, appelle à un maximum de prudence. “Nous avons fait le point sur nos relations bilatérales extrêmement fortes et nous avons souligné le fait que nous venons tout juste de tenir une excellente conférence de dialogue stratégique qui s'est tenue la semaine dernière à Washington, comme nous avons eu des discussions très approfondies sur la situation dans la région et, surtout, la situation qui prévaut dans le nord du Mali", a déclaré à la presse Mme Clinton, à l'issue de l'audience que lui a accordée le président Bouteflika. Et d'ajouter : “J'ai beaucoup apprécié l'analyse du président Bouteflika qui est fortement enrichie de sa très longue expérience de la région pour faire face à la situation très complexe et aux problématiques très compliquées au nord du Mali, mais aussi pour faire face aux problèmes du terrorisme et du trafic de drogue dans la région." En effet, Alger connaît mieux que quiconque la difficulté de combattre la guérilla et il l'a fait pendant les années 1990 contre les groupes islamistes les plus radicaux. Son expérience en la matière fait de lui aujourd'hui un allié incontournable dans la lutte contre le terrorisme international et dans le cas du Mali, un pilier important dans toute stratégie qui pourrait être mise en place par les Nations unies, l'Union africaine et la Cédéao, à condition que les intérêts géostratégiques de certaines puissances n'entrent pas en jeu. Car, en effet, pourquoi cet empressement à mener une guerre au nord du Mali après avoir ignoré tous les signaux mettant en garde contre la mise en place graduelle des cellules d'Al-Qaïda dans le Sahel ? C'est cette équation qui semble susciter des réticences à Alger qui ne souhaite pas d'intervention étrangère dans la sous-région et plaide pour une solution malienne, estimant que ce qui se passe au nord de ce pays est d'abord interne au Mali. Sur cet aspect, Hillary Clinton a indiqué que “nous avons convenu d'assurer le suivi de ces discussions par le biais des experts en mode bilatéral et dans le cadre de concertations avec les partenaires de la région, avec l'Union africaine, la Cédéao et les Nations unies pour essayer de trouver des solutions à ces problèmes". En attendant le 26 novembre, les principaux acteurs impliqués dans le dossier malien sont appelés à accorder leurs violons. Mais avant, l'issue de la présidentielle US pourrait peser dans la suite des évènements. Les Occidentaux sont aujourd'hui formels. “Nous n'avons plus le temps, un jour de plus est un jour de trop et chaque jour qui passe renforce les groupes terroristes", soutiennent-ils. Mais cette mobilisation occidentale ne donne-t-elle pas trop de crédit à des groupes extrémistes, aussi nombreux fussent-ils, qui ont profité d'une situation de non-Etat pour imposer leur diktat ? Le débat est donc là et il faudra un maximum de concertation et de prudence pour qu'une action militaire visant à déloger les “nouveaux colons" du Mali soit circonscrite dans le temps. Dans le cas contraire, les Occidentaux auront réussi à créer ce qu'ils ont voulu éviter. En l'occurrence, un nouvel Afghanistan dans le Sahel. S T