Pour le commun des mortels, dépréciation ou dévaluation du dinar, c'est kif-kif ! Pourtant, les responsables en charge de notre maigrelette monnaie se défendent de reconnaître que la tendance est à la chute libre. Ils soutiennent qu'il s'agit là de simples fluctuations, définies sur la base d'une observation continue du marché international. Devrions-nous nous réjouir d'une telle mise au point ? Sûrement pas ! Il s'agit quand même d'une incontestable perte de valeur. Et dire que pour nos responsables, le fait que le dinar s'essouffle sur les marchés financiers, ce n'est pas grave. Et l'on s'évertue à croire qu'on n'y est pour rien. Mais, concrètement, a-t-on entrepris quelque chose pour éviter un tel effondrement ? Pourtant, et tous les économistes en sont unanimes, en économie, l'on craint davantage une situation de dépréciation que l'acte volontariste qui consiste à dévaluer sa monnaie. Car, une dévaluation est anticipée, calculée et surtout, définie dans le temps, contrairement à une “involontaire" dépréciation. Même si au bout du compte, l'une mène inévitablement à l'autre. Un vieil adage dit, “le hasard c'est l'involontaire" simulant le “volontaire". Chez nous, plutôt que de chercher les vraies solutions pour nous éloigner du spectre inflationniste, l'on s'ingénue à jouer avec les mots. Monsieur le ministre des Finances dit qu'“il y a glissement à la baisse du dinar et non dévaluation". Mais, ne sait-il pas que lorsqu'on glisse, on finit toujours par tomber et se retrouver au plus bas ? Ainsi donc, pour notre premier argentier, il s'agirait d'une simple fluctuation du dinar vis-à-vis de la devise. Le dinar sous haute surveillance ! Et pas de panique, on veille ! Il précise, par ailleurs, que la Banque d'Algérie ne peut, en tant que telle, procéder à une dévaluation du dinar, alors que la décision revient au gouvernement après aval préalable du Parlement... Un imbroglio qui dénote d'un véritable problème “d'appréciation" des questions financières qui ne pouvait que naturellement mener le pauvre dinar, complètement avachi, à une hégémonique dépréciation. Les économistes sont également unanimes pour reconnaître qu'une dévaluation du dinar tirerait dangereusement vers le bas le pouvoir d'achat des Algériens. Ce qui, en définitive, pénaliserait encore plus les consommateurs, exciterait davantage l'inflation et tirerait vers le haut, tous les prix des produits de consommation. Comment pourrait-il en être autrement, lorsqu'on sait que l'Algérie importe tout et en devises sonnantes et trébuchantes. Ainsi, fort de cet indémontable raisonnement, l'on préfère au sommet de l'Etat parler pour le moment de fluctuations. C'est ce qui s'appelle : une fuite en avant ! Une dépréciation avérée des questions économiques. Le dinar, entre le réel et le virtuel ! L'on se doit, néanmoins, de relever la justesse, doublée d'une connaissance exacte des réalités de la place boursière du pays, par les acteurs du marché parallèle de la finance. Sur ce terrain-là, on ne fait pas semblant. On voit tout, on scrute minutieusement son environnement immédiat et aussi, le plus éloigné et on agit en conséquence. Le moindre paramètre et le moindre détail, sont pris au sérieux. Entre les deux sphères, officielle et parallèle, il existe actuellement un écart trop important. Sur le marché parallèle (authentique), il faut plus de 145 DA pour un euro. Alors que la cotation officielle (administrative) fixe un euro pour 100 DA, environ. Soit près de la moitié qui sépare le monde réel du système officiel. D'autant que le marché informel brasse plus de 40% de la masse monétaire en circulation, soit environ 13 milliards de dollars, selon des chiffres avancés par des experts. Alors, devrait-on continuer à se positionner sur l'orbite monétaire officielle, même si elle s'obstine à voler dans un ciel virtuel ? Peut-être pas... il y a mieux, certes, mais... C'est plus cher ! Beaucoup plus chère qu'on ne le croit... la vie ! Et si seulement les sols et sous-sols algériens n'étaient pas gorgés de pétrole, un euro s'achèterait jusqu'à 400 DA, voire plus. C'est l'avis de certains experts qui ont établi un rapport entre le cours du dinar et celui des hydrocarbures, précisant que la cotation du dollar et de l'euro n'évolue pas dans le même sens. Sacré pétrole... Pendant ce temps, dans l'orbite, on tourne en rond. Pour ou contre une dévaluation du dinar, les deux écoles s'affrontent. Les uns sont partisans de la dévaluation et les autres prônent une réévaluation de la monnaie nationale. Le conflit est encore ouvert et c'est gratuit. En attendant une juste appréciation de la question monétaire, on “déprécie" le dinar. On lui fait subir un petit régime maigreur. De toute façon, pourquoi se presser ? Comme d'habitude, c'est le petit consommateur laborieux qui réglera l'ardoise... En même temps qu'il rajoutera quelques trous à sa ceinture, devenue subitement trop grande ! R. L. [email protected]