Des ressources financières abondantes mais une économie sous-bancarisée et un système financier encore faiblement diversifié. C'est le principal enseignement des débats des dernières semaines. Dans la période récente, on a beaucoup parlé des retards et des contraintes multiples qui caractérisent globalement notre système financier. Un exercice salutaire, car même si les progrès réalisés ces dernières années sont importants, ils laissent subsister un écart considérable entre l'Algérie et des pays voisins ou comparables, pas seulement la Tunisie ou le Maroc souvent cités dans ce domaine, mais également l'Egypte ou de nombreux pays pétroliers tels que l'Arabie Saoudite, les pays du Golfe, voire la Libye... C'est ce qu'ont montré en particulier de nombreuses communications lors de la journée d'étude organisée le 15 octobre par le FCE qui, pour nombre d'entre elles, ont constitué un ballon d'oxygène dans un débat qui courait le risque de rester enlisé dans un tête-à-tête banque-entreprise qui tourne le plus souvent au dialogue de sourds. Autant dire que ce ne sont, pour l'essentiel, ni les banques ni les entreprises qui sont interpellées, mais bel et bien les pouvoirs publics desquels dépend l'accélération d'un processus de modernisation engagé depuis plus d'une décennie, mais qui continue d'être caractérisé par une lenteur remarquable, voire extraordinaire dans le monde d'aujourd'hui, comme c'est par exemple le cas pour le marché financier (voir encadré). Agences bancaires, sous-bancarisation et autorisation préalable À quel niveau se situent les retards les plus importants ? Quelles sont les pistes qui permettraient de commencer à les combler ? On peut tenter, en allant du plus simple au plus complexe, un recensement des freins, des obstacles, des handicaps et des lacunes, souvent béantes, du système financier national. La mesure sans doute la plus simple qui permettrait de combler rapidement un retard important consisterait, comme le propose le FCE, à la suite de nombreux acteurs et observateurs, de lever “la contrainte de l'autorisation formelle préalable instaurée par la Banque d'Algérie à la mise en service de toute nouvelle agence" et de remplacer cette autorisation par “un contrôle a posteriori". On l'a encore répété la semaine dernière, l'Algérie reste un pays sous-bancarisé, une agence pour 25 000 habitants quand la Tunisie en compte une pour 9 000 habitants. Au rythme évoqué par le nouveau délégué général de l'Abef, Abderrezak Trabelsi, de 70 agences ouvertes encore l'année dernière, un rythme de “croisière" qui semble donner satisfaction à la Banque d'Algérie, il faudra 20 ans pour doubler le nombre d'agences actuel. D'ici là, l'Algérie comptera 60 millions d'habitants... À quand des banques privées à capitaux algériens ? Une deuxième mesure serait techniquement simple mais idéologiquement compliquée. Elle renvoie au handicap que constitue pour le système bancaire national l'interdiction qui ne dit pas son nom de la création de banques privées à capitaux algériens. Une situation dont il n'existe pas d'exemple, au moins dans le bassin méditerranéen et sans doute beaucoup plus loin. Pour Omar Ramdane, l'inexistence de banques privées nationales est une “anomalie". C'est également le point de vue de Réda Hamiani, qui plaide pour “l'implication du capital privé national dans le secteur financier et bancaire". La mesure est simple sur le plan technique. Il suffit que la Banque d'Algérie donne son agrément à quelques-uns des dossiers déposés depuis de nombreuses années par des investisseurs algériens. Elle est idéologiquement plus compliquée, ainsi que le rappelle Réda Hamiani en faisant référence aux affaires Khalifa et BCIA : “Les pouvoirs publics doivent dépasser l'échec essuyé après les premières expériences qui n'ont pas été concluantes." Des banques peu intéressées par les fonds de garantie Des fonds de garantie, des sociétés de capital-risque et de leasing, un Fonds national d'investissement, le paysage bancaire algérien, naguère encore si peu diversifié, tente de se doter depuis quelques années des outils nécessaires au financement de l'investissement des PME. Les fonds de garantie ont été créés et sont opérationnels depuis quelques années. Leur démarrage s'avère cependant laborieux, et le nombre d'entreprises que compte leur portefeuille ne dépasse pas quelques centaines. Le plus important d'entre eux est la Caisse de garantie des crédits d'investissement aux PME (CGCI). Son directeur général est un ancien banquier, Ammar Daoudi, qui nous déclarait récemment : “Les banques ne peuvent plus refuser un bon projet pour absence ou insuffisance de garanties." À condition cependant, ajoutait-il, que les banques commerciales prennent la bonne habitude d'intégrer ce nouveau dispositif dans leurs procédures d'octroi de crédits. Ce qui est loin d'être le cas pour le moment. Le décollage attendu en 2011 n'a pas eu lieu. Le niveau d'activité du fonds est resté identique à celui de 2010. Un constat confirmé par le DG du FGAR, Abdelhalim Hamidi, qui nous confiait, en marge du débat tenu à l'hôtel El-Aurassi la semaine dernière, que “les banques ne sont pas actuellement suffisamment motivées par le nouveau dispositif". Capital investissement : changer d'échelle Dans la période la plus récente, le paysage du capital-risque, appelé capital investissement dans la terminologie nationale, s'est beaucoup enrichi. On a créé un Fonds national d'investissement (FNI) doté de 150 milliards de dinars. Les autorités financières algériennes ont exigé des banques publiques nationales qu'elles créent des filiales spécialisées dans le capital-risque. On a également créé des fonds d'investissement de wilaya doté chacun d'un capital d'un milliard de dinars. La lenteur remarquable qui caractérise ce processus et le niveau de ressources mises en œuvre semble cependant poser problème. Les ressources du FNI ont essentiellement été mises à la disposition du secteur public. La plupart des sociétés de capital-risque créées sur injonction par les banques publiques ne sont pas encore opérationnelles, et le bilan de l'activité des fonds régionaux est encore extrêmement maigre. Des résultats qui poussent le patronat mais aussi de nombreux spécialistes à réclamer le passage à une vitesse supérieure. L'une des étoiles montantes du patronat algérien, Nassim Kerdjoudj, pointait la semaine dernière que “des banques algériennes étant en situation de suraccompagnement, la plupart des projets de création d'entreprises devraient normalement être pris en charge par d'autres institutions que les banques", et préconisait la création de banques d'investissement spécialisées en partenariat entre public et privé. Une suggestion qui fait suite à la très ambitieuse proposition du FCE formulée au printemps dernier qui ne vise rien moins que la création d'une “Banque des PME" dotée d'un capital de 10 milliards de dollars. Des appels à un changement d'échelle ainsi qu'à un changement de rythme et de priorités qui ne semble pour l'instant recueillir que de faibles échos de la part des pouvoirs publics. H. H.